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L'article provient de 24 heures

Non, la Gen Z n'est pas totalement woke : la popularité de ces influenceurs problématiques le démontre

Illustration Alexandre Pellet
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Photo portrait de Anne-Lovely Etienne

Anne-Lovely Etienne

2021-06-08T18:54:16Z
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BILLET - «Moi-même je l’aurais giflée. Son père s’il était là, il aurait giflé sa fille.» Ça, c’est les paroles d’un influenceur québécois controversé dont le pseudonyme est «Art du malaise», qui parle d’une jeune adolescente. Le mec a plus de 167 000 abonnés sur TikTok et 65 000 sur Instagram. Ce gars a de l’influence auprès des 12-16 ans, et ça, ça me chicote.

Je vous explique l’histoire : «Art du malaise», Yahya Maayouf de son vrai nom, a prononcé ces bêtises dans l’objectif de défendre son pote, un autre influenceur connu sous le nom de Luca Tonii.  

Selon ce qu’on peut voir sur une vidéo qui circule, Luca Tonii a carrément foutu une claque à une jeune adolescente lors d’un événement qui a dérapé près d’une école secondaire, la semaine dernière. Il est suivi par plus 78 000 abonnés sur Instagram et il a été banni de TikTok... 

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Qui sont ces gars?  

Pour en savoir plus sur l’altercation, je vous invite à écouter l’excellent reportage de la journaliste Elisabeth Crête sur les ondes du 98,5 FM à l’émission Puisqu’il faut se lever

Mais moi, c’est le phénomène plus large qui m’intéresse. Je me suis plongée dans les vidéos de ces jeunes hommes, tous deux âgés dans la vingtaine, pour comprendre qui ils étaient.   

En gros, «Art du malaise» aborde des sujets qui touchent la jeunesse avec dérision comme les entretiens d’embauche, le racisme, les réseaux sociaux... Et publie des vidéos aux propos discutables sur la pandémie de COVID-19. 

Luca Tonii, pour sa part, publie des propos carrément misogynes et dangereux. Par exemple, il a déjà expliqué ainsi le cycle de la violence conjugale : «Frappe-moi une fois, je suis victime; frappe-moi deux fois, je suis complice». Vous comprenez maintenant pourquoi il a été banni de TikTok... 

J’ai tellement soupiré fort en les regardant que je crois avoir fait bouger une veine dans mon cerveau. 

Pour des mecs qui proviennent d’une génération qui se qualifie de woke, pour des mecs qui «influencent» les adultes de demain, je ne peux m’empêcher de souligner la gravité de ce genre de discours.

Des comportements toxiques  

Il y a deux jours, «Art du malaise» est revenu sur les propos que je citais en début de texte et a supprimé la vidéo, mais il continue de banaliser le geste de son ami en disant qu’il a «fait une erreur», et a avancé que les médias traditionnels s’en sont donné à cœur joie pour le faire passer pour un «diable».   

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On est loin d’un changement de cap profond.  

J’ai jasé avec des influenceuses qui se sont jointes à la fameuse vidéo en direct pour avoir leur point de vue sur l’affaire.  

La populaire Naïla, aka La grosse qui fait des vidéos, s’est vite rendu compte qu’elle ne les convaincrait pas – et ce n’est pas parce qu’elle manque de franc-parler.  

«Je me suis fait traiter de grosse. Ils n’ont pas voulu me laisser parler. Les filles qui n’étaient pas d’accord avec eux, c’est comme ça qu’on était traitées», me confie-t-elle. 

«C’est tellement toxique que des jeunes suivent des gars comme ça, qui n’ont clairement rien compris. En aucun cas, tu ne peux frapper une fille», dit-elle. 

J’ai également parlé avec Laurey, connue sous le pseudonyme Lau to the Rey, qui a reçu une tonne de témoignages des jeunes qui étaient présents à l’événement et qui a tenté, elle aussi, de raisonner les gars lors du live.   

Quand elle a tenté de prendre la parole, elle s’est fait simplement dire par un abonné : «Moi je te frappe sale pute». 

Scuse-me, pardon! Ce qui me choque, c’est que «Art du malaise» n’a rien dit ou n’a rien fait pour sanctionner les mots lourds de ce jeune qui s’est emporté sous influence, et ce, devant des milliers de spectateurs... Et tu te dis modèle pour la jeunesse?!

Pour moi, être woke, c’est-à-dire être conscient des inégalités sociales, ça ne s’applique pas du tout à des propos comme ceux d’Art du malaise ou Luca Tonii. 

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Plusieurs red flags  

Pour moi cette histoire lève plusieurs red flags. Le premier : même au sein des générations Y et Z, il reste beaucoup de sensibilisation à faire, tant sur la violence faite aux femmes, que sur la grossophobie, que sur la misogynie, l’homophobie ou le racisme. Le combat est loin d’être gagné.  

Un autre : il faut faire attention aux relations toxiques qu’entretiennent ces très jeunes filles qui tombent amoureuses de ce genre de gars qui tiennent des propos misogynes ouvertement. C’est plate à dire, mais oui, parents doivent surveiller de plus près le type de contenu que visionne leurs enfants. 

Et ça lève un troisième red flag, soit que les enfants imitent les comportements de leurs parents, et qu’il faut faire attention aux modèles qu’on propose.  

Oh, et une toute dernière chose à retenir: il faudrait bien redéfinir le mot «influenceur». Je crois bien qu’il y a une distinction à faire entre de l’influence et de l’abus du gaslighting, surtout de jeunes personnes mineures.  

*

À VOIR AUSSI (si vous voulez des modèles plus réjouissants)  

Le franc-parler de Naïla Rabel, alias La grosse qui fait des vidéos   

Le talent de la batteuse Domino Santantonio  

L'autodérision de Douaa Kachache, une prof de la Rive-Sud  

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