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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Nerveux et solitaire

Photo AFP
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Photo portrait de Michel Beaudry

Michel Beaudry

2022-04-24T09:00:00Z
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Ça ne paraissait pas, mais Guy Lafleur était un grand nerveux, et ce depuis son jeune âge. Réjean Tremblay n’avait pas tort, cette semaine. La cigarette apportait une certaine détente à Guy. 

Il m’avait jeté par terre il y a une dizaine d’années lorsqu’il a carrément cessé de fumer, avouant en plus que ce n’était pas si difficile. Toutefois, ça n’a duré que quelques mois. 

Revenant de la Floride, il avait dit à son épouse de prendre l’avion, qu’il remonterait la voiture tout seul. Dès qu’il eut déposé Lise à l’aéroport, il est allé s’acheter des cigarettes et il s’est tapé la route tout seul.

SEUL

Autant Guy aimait rencontrer le monde, les partisans, le grand public, autant il adorait la solitude. Seul en hélico, seul à la pêche, seul à la chasse ou seul pour aller voir Pierrette, sa mère, et ses sœurs à Thurso. 

Quand il était petit, très tôt le matin avant d’aller à l’école, il partait seul, il déplaçait une planche sur le côté de l’aréna, il enfilait ses patins et il s’entraînait tout en solo avec une seule rondelle. 

Souvent, on parle du grand talent de Guy Lafleur, mais peu savent qu’il a commencé à s’aguerrir très jeune, et encore là, dans la solitude. Il multipliait les exercices pour les jambes, les bras, le dos. 

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Oui, il avait un physique formidable, mais c’est bel et bien lui qui l’a développé discrètement. Comme s’il savait depuis son bas âge qu’il deviendrait un joueur de hockey. Au milieu de l’hiver, son père, Réjean, lui faisait une belle patinoire tout juste à côté de la maison. Guy passait ses soirées et les week-ends patins aux pieds.

HUMBLE ET DRÔLE.

Jamais vous n’avez entendu Guy Lafleur se vanter. Tout jeune, qu’il ait enfilé 3, 5 ou 10 buts, il fallait le lui demander pour le savoir. De lui-même, il ne le disait pas. Souvent, il changeait de sujet. Guy a été élevé avec quatre filles, ses quatre sœurs, et Suzanne, la plus vieille, n’aimait même pas le hockey. 

Il ne lui en parlait jamais, même seul avec elle dans le bois, parce qu’elle était surtout sa compagne de chasse.

Guy adorait ses sœurs. Il les a vues toutes les quatre ainsi que sa mère, moins de deux jours avant de partir. Dans leur enfance, il ne manquait jamais de leur jouer des tours. Caché sous le lit, à table ou dans le salon, il avait toujours une surprise, un guet-apens, une petite embuscade, et madame Lafleur trouvait ça drôle. Et Guy aura été emporté par le cancer du poumon, comme son père, avec qui il a eu longtemps des moments sacrés le samedi soir à huit heures, devant la télé. Dans le silence total, Guy et Réjean regardaient le hockey. Ne pas déranger.

Un autre moment sacré a dû être dans la nuit de jeudi à vendredi, alors que Guy est décédé en tenant la main de son fils Mark. 

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SUR NOTRE GUY  

  • Guy adorait amener sa mère, Pierrette, à la pêche, notamment à la Pourvoirie du Lac Blanc à Saint-Alexis. Gaston m’a dit que vous serez toujours attendue, Pierrette.   
  • À l’entrée de la compagnie Canimex, à Drummondville, il y a une grosse Harley-Davidson, l’ancienne moto de Guy. Un joyau pour le grand patron, Roger Dubois.   
  • Dans l’alignement des Anciens Canadiens, le joueur de centre de Guy était toujours Normand Dupont. Larrons en foire.   
  • Toujours vêtu comme une carte de mode, Guy commandait ses souliers sur internet.   
  • À l’aéroport, Guy était toujours trois ou quatre heures avant le décollage prévu, et ce bien avant que les mesures de sécurité ne l’exigent.   
  • Guy Lafleur avait une belle plume. Il composait bien et rarement il commettait des fautes. Il a rédigé de belles poésies pour sa femme.   
  • Commentant le décès de Guy, Denis Potvin aurait dit : « Y vont t’avoir un méchant power play au ciel. »   
  • Selon Guy, jouer avec un casque protecteur lui portait malheur.   
  • Guy jouait avec des bâtons Sherwood parce qu’ils étaient fabriqués au Québec et pour faire plaisir à son ami Georges Guilbault, président de la compagnie. Mais, en secret, il disait que les bâtons qui lui procuraient la meilleure sensation étaient les Koho.   
  • À son premier match hors-concours avec les Rangers, Guy ne portait pas le numéro 10, mais bien le 44. Pierre Larouche a ensuite vite donné le 10 à son ami Flower.    

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