Montréal interdira la vente et l'usage de 36 pesticides, dont le glyphosate
Gabriel Beauchemin
La Ville de Montréal interdira la vente et l'usage de 36 pesticides, dont le glyphosate, à compter de janvier 2022.
Plus d'une centaine de produits commerciaux à base de ces pesticides ne pourront plus être vendus dans les magasins à grande surface ou les quincailleries sur le territoire montréalais, incluant le controversé Roundup, à base de glyphosate. L'interdiction s'appliquera en agriculture et en horticulture ornementale.
Avec cette nouvelle réglementation, Montréal devient la première municipalité au Canada à bannir complètement la vente de ces pesticides d’usage domestique sur son territoire.
«Notre objectif, il est clair: c’est vraiment de faire de Montréal une ville sans pesticides, a indiqué la mairesse de Montréal en point de presse, jeudi matin. En posant ce geste fort, nous nous en approchons plus que jamais.»
Selon la nouvelle réglementation dont l’adoption est prévue en septembre prochain pour une application à compter de janvier 2022, les applicateurs commerciaux qui souhaitent utiliser tout autre pesticide, que ce soit des pesticides de synthèse ou encore des biopesticides, devront détenir un permis annuel. Ces entreprises auront également l’obligation de tenir un registre.
Les entreprises qui contreviendront au règlement seront passibles d’amendes allant jusqu’à 4000$.
Santé et environnement
Avec ce règlement, la Ville souhaite prévenir les risques pour la santé de la population et la biodiversité, alors que les relations entre certaines maladies et les pesticides sont de plus en plus documentées.
«Les risques pour la santé associés aux pesticides, il y en a plusieurs qui sont bien connus, comme des risques de cancer, des problèmes neurologiques, des problèmes cognitifs, des associations avec la maladie de Parkinson», détaille le Dr Éric Notebaert, vice-président de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement, présent lors du point de presse.
Plusieurs années, voire des décennies, peuvent être nécessaires pour détecter et documenter les problèmes de santé associés à certains pesticides, d’où la nécessité de prévenir, selon le professeur agrégé de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.
«Les risques sont là et le principe de précaution doit être appliqué constamment», poursuit-il.
De nombreuses réactions
Plusieurs organisations ont réagi favorablement à cette annonce de la Ville de Montréal.
«C’est une situation sans aucune commune mesure. Interdire la vente de pesticides permettra de vraiment bien protéger la population des pesticides les plus nocifs. Le gouvernement provincial devrait suivre l’exemple de Montréal et étendre l’interdiction à l’ensemble du Québec», indique Olivier Therrien, de l’organisme Vigilance OGM, par voie de communiqué.
La directrice générale d’Équiterre, Colleen Thorpe, réagit de manière tout aussi enthousiaste.
«Alors que les élections fédérales et municipales approchent, on espère que les candidats et partis proposeront des interdictions semblables en milieu urbain, mais aussi des encadrements restrictifs en milieu agricole», a-t-elle indiqué sur Twitter.
Le président général de l’UPA, Marcel Groleau, déplore qu’il n’y ait pas d’exception pour le secteur agricole, comme c’est le cas dans plusieurs autres villes du Québec.
«Le questionnement des consommateurs sur les pesticides est tout à fait légitime et compréhensible. Il reste que l’usage de ces produits, en certaines circonstances et de façon prudente et raisonnée, est encore aujourd’hui une nécessité, compte tenu des connaissances scientifiques actuelles», soutient-il, par voie de communiqué.
Difficile à appliquer
Si le règlement semble prometteur sur papier, la grande difficulté résidera au bout du compte dans son application, souligne le Dr Éric Notebaert.
«Le registre d’utilisation est important. Il va falloir qu’il y ait des gens qui vérifient, il va falloir que la Ville y mette de l’argent, des enquêteurs, et que le registre soit très précis», insiste-t-il.
«C’est ce qui va nous permettre, en santé publique, de faire un lien entre une exposition et une maladie, poursuit-il. C’est de cette façon qu’aux États-Unis, à plusieurs endroits, les gens se sont rendu compte que tel pesticide a été très utilisé et que, tout d’un coup, il y a eu une incidence nettement plus élevée d’une maladie. En santé publique, si on ne mesure pas l’exposition, on ne sera pas capable de faire de lien. Alors, je pense que ça va être un gros défi de l’appliquer correctement. Mais sur papier, pour l’instant, c’est très bien.»