Montréal a fermé sa pire «trappe à tickets»
Les policiers peinaient à arrêter tous les contrevenants tellement ils étaient nombreux.

Dominique Cambron-Goulet
Après avoir donné plus de 4100 tickets en seulement deux ans, la Ville de Montréal a fermé en juin 2023 l’accès à une petite rue située au pied du pont Jacques-Cartier.
Les automobilistes tentaient d’éviter la congestion en tournant à droite sur la rue Larivière, même si c’était interdit.
Le Journal a analysé plus d'un million de constats d'infraction donnés par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) de 2021 à 2023, pour y trouver les endroits où les policiers ont le plus sévi, communément appelés «trappes à tickets».
Le carrefour de Lorimier et Larivière arrive au sommet du palmarès. Les policiers peinaient d'ailleurs à intercepter tous les automobilistes délinquants, raconte Chris McCray, du Collectif apaisement pour Ville-Marie.
«Un soir, l’agent a dû bloquer physiquement l’intersection, parce que la ligne de voitures qui attendaient de recevoir un ticket était tellement longue que ça causait des problèmes de circulation sur De Lorimier», relate-t-il.
En une seule heure le 24 mai 2023, les limiers du SPVM ont attrapé 54 conducteurs, soit presque un par minute.

«Les virages à droite causaient notamment un surplus de circulation dans les rues bordant deux écoles du secteur en plus d’engorger le secteur résidentiel», explique la porte-parole du SPVM, Anik de Repentigny.
Depuis juin dernier, la rue Larivière a été carrément fermée au trafic automobile et aménagée en place publique.
Un décès qui a accéléré les choses
M. McCray s’étonne que cette intersection ait été la plus importante «trappe à tickets» de l’île de Montréal.
«C’était facile aussi de faire des opérations là, avance-t-il. Ça démontre la pertinence de la fermeture physique de l’intersection. On ne peut pas juste mettre des panneaux et espérer que ça fonctionne.»
Lui et d’autres résidents s’étaient mobilisés dès le début de 2022 afin de demander à la Ville la fermeture de la rue Larivière.
Même si, selon lui, le dossier «semblait avancer», il ajoute que le décès tragique de Mariia Legenkovska, 8 ans, en décembre 2022, a accéléré une panoplie de mesures d’apaisement de circulation dans son quartier.
La fillette qui avait fui la guerre d'Ukraine a été happée mortellement à quelques pas de cette intersection, sur le chemin de l’école.
«Ça a provoqué des changements qui sont arrivés beaucoup plus rapidement. C’est l’histoire triste un peu partout dans le monde, ça prend souvent un événement qui provoque des changements», souffle Chris McCray.

Pas automatique
Selon le professeur à Polytechnique Montréal Nicolas Saunier, le nombre d’accidents est beaucoup plus souvent lié à des changements de configuration de rue qu'au nombre de tickets.
«Dans les guides de conception de signalisation, il y a des critères quantitatifs qui disent que s’il y a plus d’un certain nombre d’accidents dans un carrefour, il faut considérer des feux de circulation. Au niveau des infractions, ça n’existe pas», affirme-t-il.
La fermeture d’une rue a toutefois l’avantage de réduire le recours à des policiers dans ce secteur.
«Généralement, on préfère des modifications aux infrastructures, parce que ça ne va dépendre de la présence policière pour avoir de bons comportements», poursuit-il.