Garder son sang-froid dans le chaos du 11 septembre: «Mon mandat était de protéger les Québécois»
Olivier Bourque | Journal de Montréal
Lorsqu’elle arrive au Rockefeller Center le 11 septembre 2001, l’ex-déléguée du Québec à New York, Diane Wilhelmy, se rend compte rapidement que la journée ne sera pas comme les autres.
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« La première attaque venait de se produire. Puis, on a vu par la fenêtre le deuxième avion entrer dans la tour. À ce moment, je savais qu’il s’agissait d’un acte terroriste », raconte-t-elle, en entrevue avec Le Journal.
Rapidement, la déléguée, qui est la représentante du Québec, doit devenir la capitaine du bateau et prendre les commandes. « Il fallait se dire qu’on avait des heures difficiles devant nous », se rappelle-t-elle.
« Comme patronne, j’ai demandé à mes gens et mes adjoints de regrouper tout le monde dans la grande salle. Je leur demandais de ne pas quitter, de ne pas partir en panique. Il fallait attendre l’évacuation du Rockefeller Center », dit-elle.
Garder son sang-froid
Il s’agissait d’un défi logistique d’importance. Car à ce moment, plusieurs Québécois étaient en ville pour participer à Québec-New York 2001, la plus importante opération marketing de l’histoire du Québec qui devait se tenir à partir du 13 septembre. Le gouvernement avait mis 16 millions $ dans cette manifestation culturelle, économique, politique qui devait mettre en avant l’innovation du Québec.
L’événement devait se tenir dans le World Financial Center, à un jet de pierre du World Trade Center.
« J’ai dû garder mon sang-froid. Ma peur était de perdre les gens partout en ville. Mon mandat était de protéger les Québécois, on devait savoir où ils étaient, faire des listes, il fallait les héberger », relate-t-elle avec moult détails.
Les Québécois sont finalement évacués et la délégation obtient une autorisation spéciale pour mettre le drapeau du Québec devant le Rockefeller Center avec une banderole indiquant l’adresse de l’appartement de la déléguée qui est devenue la cellule de crise.
Retrouver les Québécois
Michel Létourneau était commissaire général de Québec-New York 2001. Après être arrivé à 8 h ce matin-là à New York, il se retrouve au cœur de l’opération en cours.
« On a été évacué et il y avait une marée humaine dans les rues. Et je pensais aux collaborateurs qui étaient tout près des tours. C’était une pensée continuelle », dit-il.
Sur le terrain, le directeur de production de l’événement, Philippe Canon, utilise des walkies-talkies, car le réseau cellulaire est complètement saturé. « J’étais concentré à vérifier que tout le monde était correct », raconte-t-il.
Dans l’appartement de fonction de l’ex-déléguée, les Québécois arrivent, certains pleins de poussière et de débris. À un certain moment, ils sont une centaine.
Bernard Landry entre en action
« J’ai réussi à parler au premier ministre Bernard Landry un peu avant midi. Je lui ai demandé d’annuler l’événement Québec-New York, car je devais rapatrier les gens. Il a été extraordinaire et il m’a aidé dans ma démarche », relate Mme Wilhelmy.
On réquisitionne alors des autobus québécois arrivés la veille pour l’exposition pour effectuer les rapatriements. Au total, 130 personnes retournent au Québec en deux jours.
Ex-commissaire général
Finalement, il n’y a eu aucun décès ni blessé grave chez la délégation québécoise.
« C’est un miracle qui n’y ait pas eu de blessés », affirme Michel Létourneau.
« Ça a été la journée des miracles », renchérit l’ex-déléguée.
Une relation qui s’est raffermie
Même si l’événement a été traumatisant, la relation entre les New-Yorkais et les Québécois s’est raffermie après le 11 Septembre.
« Il y a eu une transformation de notre relation d’affaires qui est devenue une relation d’amitié. Lorsque les New-Yorkais ont eu besoin de nous, le Québec a été présent. Je me rappellerai toujours le concert du Requiem de Mozart par les Violons du Roy. Ça a été tellement apprécié », se rappelle l’ex-déléguée.
« L’événement n’a pas été annulé complètement. Mais il est certain que ça aurait été un grand moment. On avait travaillé deux ans, on était sur le point de livrer notre produit et tout cela est arrivé. On se sentait coupable, car notre propre deuil à nous, ce n’était rien comparer au deuil de l’humanité », affirme Michel Létourneau.