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Mon corps est votre cauchemar

Photomontage Marilyne Houde
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Photo portrait de Andrea Lubeck

Andrea Lubeck

2022-07-28T11:30:00Z
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BILLET – Mes bras sont mous. Mes cuisses frottent ensemble quand je marche. Mon ventre est loin d’être plat. Mon menton est pluriel. Mon corps est votre cauchemar. Et il a longtemps été le mien, aussi. Mais plus maintenant. 

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Voyez-vous, j’ai été grosse pas mal toute ma vie. Mais ce n’est pas faute d’avoir essayé de me départir de l’image que le miroir me renvoyait. 

Les régimes, je les ai tous faits. Je ne pourrais pas vous dire le nombre de points que j’ai comptés, combien de glucides j’ai supprimés de mon alimentation ou encore toutes les combinaisons d’aliments supposément miraculeuses que j’ai concoctées pour voir les kilos diminuer sur la balance. En plus de tous les dollars dépensés pour des abonnements au gym dans lesquels je n’ai mis les pieds qu’une poignée de fois. 

Perdre du poids, c’était mon seul objectif. L’Everest à atteindre. Car tout au long de ma jeunesse, je ne me voyais jamais représentée positivement dans les magazines que je lisais. Les fois où j’ai vu un corps qui ressemblait au mien, c’était parce qu’il était le point de départ d’un processus se soldant par la minceur, dans les fameuses photos «avant-après». 

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Et à la télé comme dans les films, être gros est automatiquement synonyme de honte, de tristesse, de mal-être. Les personnages en surpoids sont célibataires ou n’arrivent à se caser qu’avec des personnes qui les traitent mal, ne peuvent s’empêcher de manger tout ce qui est sucré ou sont dépeints comme étant grossiers. 

Pas étonnant, donc, que j’aie passé le plus clair de mes 32 tours autour du soleil à vouloir changer mon corps. 

Une véritable révolution 

Jusqu’à ce que j’assiste à une révolution sur Instagram. Si la plateforme a longtemps été pointée du doigt pour les standards de beauté irréalistes qu’elle véhicule, il faut reconnaître que du beau peut en émerger aussi. 

Dans les dernières années, on a vu un tout nouveau discours s’y installer. À commencer par le mouvement #EffYourBeautyStandards, créé en 2013 par la mannequin taille plus Tess Holliday. Depuis, les photos de femmes grosses, résolument heureuses et bien dans leur peau se multiplient, et c’est tant mieux. 

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Cette révolution a aussi fait des réseaux sociaux une mine d’or particulièrement précieuse d’informations éducatives sur la grossophobie. C’est d’ailleurs grâce aux publications de nombreuses activistes grosses que j’ai pu prendre conscience du privilège que j’ai d’être ce que l’on appelle «small fat» sur le spectre de la grosseur. 

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Plus une personne grosse progresse sur cette échelle, plus elle subit de la discrimination dans diverses sphères de sa vie. Concrètement, ça veut dire, par exemple, que certains médecins lui suggèrent de perdre du poids plutôt que de la traiter convenablement ou encore que les employeurs sont moins portés à l’embaucher. 

Pour ma part, je réussis parfois à trouver des vêtements qui me font dans boutiques pour les personnes non grosses. Dans les transports, j’arrive à m’asseoir somme toute confortablement dans les sièges. Deux situations qui se posent souvent en obstacles pour les personnes plus grosses que moi. 

Vivre, maintenant 

Les réseaux sociaux m’ont surtout permis d’accepter que mon poids ne définit pas ma valeur en tant qu’humaine. Que je mérite d’être heureuse, aimée et d’éprouver du plaisir sans devoir me cacher, au même titre qu’une personne mince. 

Ainsi, je bouge maintenant par plaisir, non plus parce que je m’y sens obligée. Je ne m’interdis plus d’aliments. Je porte les vêtements qui me plaisent; si on se croise dans la rue, les chances que je porte un crop top et des shorts courts, révélant mon ventre et ma cellulite, sont ultra élevées. 

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Et malgré mon cheminement, il y a des jours où mon image corporelle en prend un coup. Des jours où mes vieux réflexes remontent à la surface: je me dis que je devrais mieux manger, travailler plus fort au gym. Ce sont des relents de grossophobie intériorisée profondément gravée en moi. 

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Mais rapidement, je me rappelle que ce n’est pas avec cinq kilos en moins que je serai nécessairement plus heureuse. Mieux vaut vivre le bonheur aujourd’hui, avec ces kilos en trop, que de regretter plus tard de ne pas avoir profité de la vie. 


Comment les réseaux sociaux peuvent aider à s’accepter  

En montrant souvent les mêmes standards de beauté, les réseaux sociaux peuvent avoir un effet négatif sur l'estime de soi. Mais ils peuvent aussi devenir des outils de changement qui permettent d’aimer son corps. Voici comment les réseaux sociaux les ont aidés à être bien leur peau. 

Un safe space sur les réseaux sociaux 

«Quand j’ai compris que je pouvais prendre le contrôle de mes réseaux sociaux, ç’a changé le narratif, souligne Karl Hardy. C'est important de se rappeler qu’on a le contrôle de qui on suit.»   

Karl Hardy
Karl Hardy Photo courtoisie

«Moi, je fais souvent le ménage dans les personnes que je suis pour avoir un safe space sur les réseaux sociaux», poursuit le créateur de contenu, qui a pu constater qu’il n’était pas le seul à avoir «ce corps-là».  

Il rappelle d’ailleurs que les hommes aussi vivent des insécurités vis-à-vis de leur apparence. «C’est important d’amener les garçons dans la conversation, mais il faut que les garçons prennent la parole. Ce ne sont pas les femmes qui doivent le faire pour nous.»  

Des corps qui lui ressemblent 

«Mon corps, ça m’a pris du temps avant de l’accepter, parce que j’avais l’impression que ma valeur était déterminée à travers le regard des gars», confie la photographe Julie Artacho.   

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Photo courtoisie
Photo courtoisie

Grâce au mouvement body positivity, elle a enfin pu voir sur Instagram des corps gros, qui ressemblent au sien. «Toute cette représentation m’a énormément fait du bien, dit-elle. Ça m’aide à avancer dans ce cheminement d’acceptation, et à me dire que ce n’est pas moi le problème.»  

«Je suis beaucoup plus qu’une femme qui est là pour plaire à l’humanité. J'ai beaucoup plus à offrir dans le monde que ma shape», insiste-t-elle.  

Contrôler ses réseaux sociaux 

«Depuis que je suis petite, je ressens une pression [par rapport à mon corps]», admet Gloria-Bella, qui a une chaîne YouTube depuis l’âge de 12 ans.  

Gloria-Bella
Gloria-Bella Photo courtoisie

Elle s’est longtemps mis de la pression pour perdre du poids. Mais à un certain moment, elle a décidé de faire le ménage dans ses réseaux sociaux et de se désabonner des comptes qui lui faisaient se sentir mal dans sa peau.  

«Pendant un moment, j’ai évité tous les gens auxquels je pouvais me comparer et qui ne me faisaient pas me sentir bien», se souvient celle qui utilise maintenant ses réseaux sociaux pour parler d'acceptation de soi.   

Fini les régimes!  

Après avoir enchaîné les régimes pendant plusieurs années, Sarah Wickert a décidé que c’en était assez. Et les réseaux sociaux l’ont aidée à se défaire de l’idée qu’elle devait à tout prix changer son corps.  

Sarah Wickert
Sarah Wickert Photo courtoisie

«J’ai trouvé des personnes à suivre qui me ressemblaient vraiment, pour me donner l’exemple que je peux être heureuse dans le corps que j’ai», explique-t-elle. Son secret: choisir «ce que l’on consomme sur les réseaux sociaux» et éviter de suivre des personnes qui nous font nous sentir mal dans notre corps.   

− Avec Geneviève Abran

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