«Mme Echaquan a bel et bien été ostracisée, et sa mort aurait pu être évitée», dit la coroner
TVA Nouvelles
La coroner Géhane Kamel a tenu un point de presse, mardi matin, pour parler de son rapport sur la mort de Joyce Echaquan.
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Lors de son enquête, elle a entendu plusieurs témoins et entendu le point de vue des autochtones.
«Je dois dire que certains témoignages m’ont ébranlée», avoue-t-elle.
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«Nous devions faire la lumière sur cette mort pour qu’elle ne soit pas vaine», rajoute-t-elle. «Pour ce faire, nous devions remettre en question, soupeser et analyser les faits dans leurs moindres détails.»
«Elle a été décrite par sa famille et son conjoint comme une personne aimante.»
Mme Echaquan avait des antécédents de santé, dont un diabète et une myocardie.
Les employés ont pensé que Mme Echaquan avait des problèmes de consommation, mais les symptômes sont sans lien avec une consommation de stimulants ou de cannabis.
L’infirmière et la préposée aux bénéficiaires qui ont été inscrites ont toutes deux nié les faits. «Lors des témoignages du personnel soignant, des versions contradictoires ont été révélées», dit Me Kamel.
La plupart des employés ont nié le racisme à l’Hôpital de Joliette, mais quelques personnes ont affirmé avoir entendu des préjugés clairs contre la communauté atikamekw.
«Si ce n’avait pas été de la captation vidéo, Mme Echaquan n’aurait jamais été entendue», déplore Me Kamel.
Aucune alternative offerte
Me Kamel déplore qu’on n’ait pas offert de mesures alternatives pour soulager les craintes de Mme Echaquan.
«Jamais cette idée d’un accompagnement culturel n’a traversé la tête de la communauté soignante, malgré la disponibilité d’une agente de liaison autochtone.»
Mme Echaquan a de toute évidence reçu l’étiquette de patiente difficile. En août 2020, on l’a décrite comme patiente difficile, une étiquette qui lui est restée.
«Ça souligne comment l’administration des soins peut être faite selon deux poids, deux mesures», déplore Me Kamel.
«La situation montre comment la patiente a été laissée à elle-même», explique-t-elle.
Mme Echaquan se trouvait dans une situation critique et une employée a dû l’envoyer en chambre de réanimation.
La surveillance de Mme Echaquan s’est faite à travers la fenêtre du cubicule, faute de temps. Elle n’a pas reçu de surveillance adéquate.
«La situation clinique aurait pu être réversible s’il y avait eu une surveillance accrue par une infirmière d’expérience, si un transfert plus rapide en salle de réanimation avait été fait», dit-elle entre autres.
Le 22 octobre 2020, des représentants syndicaux de la Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) ont sonné la sonnette d’alarme, en disant que le ratio patients employés était insuffisant.
Le jour de décès de Mme Echaquan, le taux d’occupation de l’hôpital dépassait 100%.
Des pistes de solutions
«La bataille contre le racisme et les préjugés commence par s’ouvrir à l’autre», dit Me Kamel. «Il est temps de mettre en place des stratégies antiracistes.»
L’organisation culturelle est une piste de solution fournie par plusieurs experts, dont le docteur Stanley Vollant.
«Les travaux du ministère sont nécessairement un gage d’espoir», ajoute Me Kamel.
Un financement de 15 M$ a été annoncé pour implanter l’organisation culturelle dans tous les milieux de santé, entre autres.
Des questions sur le racisme systémique ont été posées.
«Il est de mon devoir, à titre de coroner, que personne de la communauté autochtone ou toute autre communauté ne reçoivent des soins tels que ceux reçus par Joyce Echaquan», se désole-t-elle.
Un rapport sorti trop tôt
Le 30 septembre 2021, le rapport a été déposé à certains intervenants et nous avons appris qu’il était dans les mains de certains médias.
La diffusion devait se faire aujourd’hui.
Les recommandations et conclusions de la coroner à propos du décès de Joyce Echaquan ont été dévoilées le vendredi 1er octobre dernier.
Mme Kamel y souligne que le décès de Joyce Echaquan était «accidentel», mais que le racisme systémique et les préjugés à son endroit y ont contribué.
Joyce Echaquan est décédée des suites d’un œdème pulmonaire provoqué par un choc cardiogénique. La défaillance cardiaque pourrait être à l’origine du décès.
Le décès de Mme Echaquan est constaté à 12h04 par le médecin.
«Notons le manque d’attention aux palpitations cardiaques notées par la patiente», rajoute-t-elle.
Mme Echaquan a souffert de contention physique et chimique.
«Rappelons que la politique adoptée en janvier 2019 prévoit que les substances chimiques, la contention et l’isolement doivent avoir lieu en dernier recours seulement.»
Rappelons que Joyce Echaquan, mère de sept enfants, est décédée le 28 septembre 2020 sous des insultes et des propos racistes de la part du personnel de l’hôpital de Joliette.
La femme atikamekw de Manawan de 37 ans laisse dans le deuil ses sept enfants et son conjoint, Carol Dubé.
Me Kamel a formulé plusieurs recommandations dans son rapport pour éviter qu’une situation de la sorte se reproduise.