MiniFlayer, ce fascinant petit virus vampire qui s’accroche au cou d’un autre virus pour survivre
Anne-Sophie Poiré
En mars 2020, une scientifique croit apercevoir quelque chose d’étrange, qu'aucun autre chercheur n'avait observé auparavant. Dans l’oculaire de son microscope, un petit virus est accroché au «cou» d’un autre virus, plus gros. Les vampires existeraient-ils vraiment?
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«J'ai pu voir que des centaines de virus avaient [un] petit bonhomme attaché au cou, et que ce n'était manifestement pas un hasard», raconte au Washington Post la chercheuse de l'université du Maryland à Baltimore, Tagide deCarvalho.
Les deux microbes, qu’elle a pu voir grâce à un microscope spécial qui utilise un faisceau d'électrons, sont des bactériophages — des virus qui infectent les bactéries — prélevés dans un amas de terre à Poolesville, dans le Maryland.
Les bactériophages, aussi appelés phages, sont parmi les organismes les plus abondants sur la planète. Il se comptent par millions dans un gramme de terre.
Solution de contournement
Dans une étude publiée le 31 octobre dans le Journal of the International Society for Microbial Ecology, la scientifique et ses collègues expliquent la genèse de ce couple de virus.
Le petit, appelé MiniFlayer, a perdu la capacité de faire des copies de lui-même à l'intérieur des cellules, ce qui est le mode de reproduction des virus. Il a donc mis au point une solution de contournement parasitaire: MiniFlayer profite d'un autre virus, appelé MindFlayer, en s'agrippant à son cou.
Lorsqu'ils pénètrent ensemble dans les cellules, MiniFlayer utilise la machinerie génétique de son compagnon pour proliférer.
Tagide deCarvalho compare cette relation à celle d’un automobiliste et d’un auto-stoppeur.
Son collègue biologiste informatique, Ivan Erill, préfère utiliser l’analogie du vampire qui enfonce ses dents dans sa proie. Parfois, lorsque MindFlayer est retrouvé seul, on peut apercevoir des «marques de morsure» là où les vrilles de MiniFlayer étaient attachées.
Les vampires contre-attaquent?
MiniFlayer fait partie d’une catégorie de virus appelés «satellites», des agents ayant perdu leur capacité à se répliquer à l'intérieur des cellules, et qui doivent s'attaquer à d'autres virus pour y arriver.
Ils s'intègrent généralement dans le génome des cellules qu'ils infectent en s’y cachant jusqu'à ce qu'un autre virus, un «assistant» qui possède les ingrédients manquants, pénètre dans la cellule. Les satellites saisissent alors l'occasion de faire des copies d'eux-mêmes.
MiniFlayer est bel et bien un satellite. Mais contrairement à la version classique, il n'a pas la capacité de se cacher à l'intérieur des cellules. Sa solution: se cramponner au cou de son assistant jusqu’à qu’ils trouvent ensemble une nouvelle cellule à infecter.
La science s'intéresse de plus en plus à l'utilisation des phages, comme MiniFlayer, en tant que médicaments. Cette approche est appelée phagothérapie.
La technique de lutte biologique a été délaissée avec la découverte des antibiotiques à la fin des années 1920. Elle se fonde sur la destruction de bactéries pathogènes par des virus mortels pour ces dernières, mais incapables d’infecter l’humain.
Devant la montée de la résistance aux antibiotiques qui survient lorsque les bactéries évoluent en réponse à l’utilisation de ces médicaments, la phagothérapie a été remise à l’ordre du jour.
La résistance aux antibiotiques constitue aujourd'hui l'une des plus graves menaces pesant sur la santé de la planète, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).