Meurtre de Serge Boutin: des agents d’infiltration pour faire parler Charles Lassonde et Lana Dubois
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Guillaume Cotnoir-Lacroix
Un agent d’infiltration a été appelé à la barre jeudi après-midi au procès pour meurtre au premier degré de Charles Lassonde. Le policier, qui témoignait derrière un paravent, a expliqué que son collègue et lui se sont rendus chez Lassonde et sa conjointe de l’époque, Lana Dubois, le 1er août 2021. L’objectif: obtenir des informations quant à la disparition de la victime, Serge Boutin.
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L’agent, qui témoignait sous son nom de matricule pour protéger son identité, a détaillé aux 13 jurés la mission qui leur a été confiée.
«La mission à ce moment-là était de prendre contact avec les sujets Charles Lassonde et Lana Dubois dans le but d’aller chercher de l’information concernant le sujet “Bibitte” [la victime Serge Boutin] et de provoquer des discussions entre les sujets impliqués», a expliqué le témoin.
C’est à Victoriaville, au domicile de Lana Dubois, qu’ils se rendent.
«Dans notre histoire de couverture, notre pattern, on va personnifier des individus qui sont à la recherche de “Bibitte”, parce qu’il nous doit de l’argent», a-t-il ajouté.
«Quand on se rend au domicile de Charles et Lana, mon collègue va cogner à la porte. Les quatre ensemble [les deux agents d’infiltration, Lassonde et Lana Dubois], on participe à la discussion. C’est plus mon collègue qui a le lead. Tout le monde met son grain de sel, tout le monde répond aux questions. Personne n’est en retrait», a-t-il raconté.
Les deux policiers débarquent vers 1h-2h du matin. Un extrait audio de leur rencontre a été présenté au jury.
«On cherche quelqu’un. Du monde nous a dit: “Toi, tu peux nous aider. Quelqu’un nous doit beaucoup d’argent”», semble lancer l’un des deux agents au début de l’entretien.
Lana Dubois explique aux deux hommes que M. Boutin a passé une semaine chez elle récemment.
«Il se passe beaucoup de choses dans cette semaine-là. Il hack notre téléphone, il vole notre identité. Il a fait une copie de carte SIM, de carte de guichet. On trouvait toujours quelque chose de nouveau», lance-t-elle aux agents d’infiltration.
L’un des policiers à l’accent anglophone lance «I don’t care too much» («Je m’en fous pas mal») et demande où se trouve Serge Boutin.
«On l’a donné à d’autres gars à qui il devait de l’argent», lance Charles Lassonde.
Incapable de dire aux policiers qui sont ces personnes, Lassonde va même suggérer aux agents d’infiltration que l’un d’eux donne un numéro de téléphone, pour qu’il puisse les rappeler le lendemain avec l’information.
«Y’est-tu mort? Is he dead?» demande à un certain moment l’un des policiers infiltrés. «Je ne pense pas qu’il soit mort, répond Lana Dubois. Moi, je pense que les gars le font travailler pour qu’il paye sa dette. Moi, c’est ce que je pense.»
M. Lassonde suggère même à un certain moment que ce sont des motards qui auraient cueilli Serge Boutin à Danville.
Les agents d’infiltration ont quitté la salle après un peu moins de 20 minutes de discussion.
En contre-interrogatoire, Me Martin Latour, l’avocat de Charles Lassonde, a tenté de faire dire au témoin que son collègue et lui personnifiaient des «caïds» au moment de se présenter au domicile du couple.
«Ce qu’on essaie de personnifier, ce sont des gens qui essaient de trouver “Bibitte”, parce qu’il nous doit de [l’argent], a voulu nuancer le policier. On fait toujours attention à tout ce qui peut paraître comme de l’intimidation, des menaces.»
Une témoin s’en voulait de ne pas avoir appelé le 911
Une locataire de l’immeuble à logements derrière lequel l’enlèvement se serait produit, désormais décédée, a assisté à une partie de la scène dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021. Lyne Royer ne connaissait pas les personnes impliquées, mais avait déjà croisé la victime Serge Boutin dans l’immeuble.
Les 13 jurés ont pu entendre son témoignage audio, celui qu’elle a livré à l’enquête préliminaire de Charles Lassonde avant de mourir.
«Ça n’avait pas de sens. Ça n’a toujours pas de sens», a lancé la témoin à l’enquête préliminaire.
La scène de l’enlèvement aurait duré entre 5 et 10 minutes selon elle. «En même temps, ça m’a paru une éternité», a-t-elle témoigné à l’époque.
Le lendemain de l’événement, en sortant de sa résidence, la locataire aurait découvert des attaches de type tie-wrap au sol dans le stationnement.
La témoin n’a pas appelé la police après l’enlèvement allégué. Elle a cru à une «chicane de soûlons qui a mal viré», mais ne s’inquiétait pas du sort de la personne embarquée de force dans le véhicule.
«Je ne pouvais pas m’inquiéter, je ne savais pas, sinon je me serais inquiétée, voyons donc!» a-t-on pu entendre. La témoin, en larmes à plusieurs reprises lors de son témoignage audio, a montré à de nombreuses occasions des regrets de ne pas avoir appelé les policiers.
Témoignage de l’ami d’enfance de la victime
Martin Chainey était un ami d’enfance de Serge Boutin. En 2021, la victime «Bibitte» pouvait venir chez lui pour «une puff ou deux» de crack à l’occasion.
Chainey a notamment expliqué qu’en juillet 2021, la conjointe de Charles Lassonde, Lana Dubois, et lui ont échangé sur l’application de Meta Messenger. Les deux se seraient donné rendez-vous au domicile de Mme Dubois, à Victoriaville.
M. Chainey croyait alors que Lana Dubois était devenue célibataire. «Je voulais coucher avec», a-t-il admis sans détour.
«Je pensais qu’elle était tombée toute seule. Quand je suis arrivé là, lui [Charles Lassonde] était là. Ça me surprenait un petit peu!» a-t-il témoigné. Rien de particulier ne se produit cette journée-là.
Martin Chainey a aussi été questionné par la procureure de la Couronne à savoir s’il avait déjà été question d’un trip à trois entre Lana Dubois, la victime Serge Boutin et lui.
«Je n’ai jamais eu envie de faire un trip à trois ou quoi que ce soit. Il n’a jamais été question de ça non plus», a-t-il dit au jury.
La défense n’a pas souhaité contre-interroger le témoin.