Meurtre de Serge Boutin: Charles Lassonde sous écoute électronique en prison
Guillaume Cotnoir-Lacroix
Charles Lassonde a été placé sous écoute électronique après son arrestation par les policiers pour l’enlèvement et la séquestration de Serge Boutin, en août 2021. À son procès pour meurtre au premier degré, aujourd’hui, des extraits audios d’appels à ses proches à partir de la prison ont été présentés au jury.
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Charles Lassonde attendait son enquête sur remise en liberté en août 2021, pour l’enlèvement et la séquestration de Serge Boutin. À l’époque, il n’était pas encore accusé de meurtre.
Il se croyait sous écoute en prison, mais pensait avoir trouvé une solution pour éviter que sa conversation avec une proche soit entendue, en utilisant le code d’un autre détenu.
«Ils ne savent même pas que je parle au téléphone actuellement. Ils écoutent moins dans ce temps-là », lance-t-il.
Vraisemblablement, sa tactique n’avait pas fonctionné. Lassonde exprime à son interlocutrice qu’il croit alors sortir rapidement de prison.
« Ils n’ont vraiment rien là, ok. Pour un enlèvement, ça prend une victime. Elle est où la victime? Elle est pas là. C’est pas parce qu’on l’a tué, là », lance l’accusé à la jeune femme à qui il parle au téléphone, mais qui n’est pas identifiée outre que par son prénom, Julie.
Dans les deux extraits audios, les policiers disaient à l’époque à Charles Lassonde que sa conjointe parlait contre elle, et vice-versa. Lassonde raconte dans cet appel qu’un policier lui aurait dit que sa conjointe Lana Dubois «avait vidé son carré de sable dans le sien».
«Si Lana avait vidé son carré de sable, ils ne seraient pas venus pour me poser des questions, mais pour me mettre en état d’arrestation pour le meurtre de Serge», lance-t-il à la jeune femme.
Une conversation entre Charles Lassonde et Lana Dubois a aussi été présentée au jury. Les deux individus semblent se préparer à leur enquête sur remise en liberté.
«Je suis pas prête à répondre aux questions», lance, visiblement inquiète, Lana Dubois.
«Il te reste deux jours, donc fait de la visualisation», lui répond Charles Lassonde, en tentant de la rassurer.
« Il ne faut pas que tu oublies que nous autres on est un couple. [...] Si tu leur donnes la chance que nous autres on n’est pas un couple, c’est sûr qu’ils vont sauter là-dessus. Il faut que ça fasse partie de nos projets d’avenir », dit aussi Lassonde à Dubois dans l’appel.
La découverte du corps et la collaboration de Lana Dubois racontée
C’est finalement en novembre 2023, plus de deux ans après l’enlèvement, que l’ex-conjointe et présumée complice de Lassonde, Lana Dubois, a décidé de collaborer avec les policiers.
L’enquêteur Francis Paul Girard a raconté au jury avoir embarqué Lana Dubois dans son véhicule, accompagné d’une collègue.
Les trois auraient refait le trajet complet de la soirée fatidique, avec Dubois comme guide. Le parcours a débuté à l’endroit où le couple Lassonde-Dubois aurait retracé la victime Serge Boutin.
Ils ont aussi visité le lieu de l’enlèvement. Les trois se sont ensuite déplacés au site où «Bibitte » aurait été enterré, puis Dubois les a guidés jusqu’à un « terrain forestier ».
Lana Dubois aurait ensuite été remise à l’équipe dédiée aux témoins collaborateurs, puis M. Paul-Girard serait retourné avec des collègues ainsi que l’identité judiciaire au lieu où la victime avait pu être enterrée, tel que montré plus tôt dans la journée par Mme Dubois.
Sur place, quelques secteurs avaient été identifiés comme des secteurs d’intérêt. Le premier, «l’endroit où Lana Dubois nous a dit que le corps aurait été abandonné. Le deuxième, un boisé en pente avec « deux bios, environ entre quatre et six pouces, placés en X au niveau du sol», a expliqué l’enquêteur.
«La veille quand j’avais rencontré Lana Dubois, j’avais appris que des bios avaient été placés en croix au-dessus du corps de la victime. », a affirmé Francis Paul Girard.
Le troisième site a attiré l’attention des policiers en raison de la présence d’une « toile qui sort du sol ».
C’est finalement un collègue de M. Paul Girard qui a découvert le corps de la victime sur le troisième site d’intérêt. En contre-interrogatoire, l’enquêteur a admis que le site qu’avait identifié Lana Dubois n’avait pas été creusé puisque le corps a été découvert avant.
Le policier a également présenté au jury des images recueillies sur le terrain forestier de Tingwick. Des gants et deux pelles métalliques avaient été retrouvés sur place.
Deux autres témoins
Marc-Antoine Choquette était enquêteur à la Sûreté du Québec au moment des événements. Le 30 juillet, il a été appelé à travailler sur le dossier de la disparition de Serge Boutin.
Il a travaillé sur le dossier jusqu’au 2 août en fin de soirée. « Un 72h avec peu d’heures de sommeil », a souligné en souriant le témoin.
Le 1er août, c’est M. Choquette qui a procédé à l’arrestation en bonne et due forme de l’accusé et de sa conjointe de l’époque Lana Dubois, une fois les deux suspects récupérés par le Groupe tactique d’intervention (GTI) de la SQ dans un commerce de Victoriaville.
Le témoin, qui n’aura été à la barre que quelques minutes, a expliqué avoir interrogé Lana Dubois pendant environ cinq heures après l’arrestation. Deux autres collègues étaient avec Charles Lassonde.
Une autre ex-conjointe de Charles Lassonde, la mère de ses enfants, a aussi témoigné vendredi matin. Isabelle Dufour a expliqué que c’est son ancienne belle-sœur qui l’a informée de l’arrestation de son ex. Lassonde l’aurait appelé « pas longtemps après » pour parler à l’une de leurs filles.
«Il devait être en prison à Trois-Rivières ou au poste de police de Victoriaville», a-t-elle souligné.
Il aurait ensuite rappelé une ou deux semaines plus tard. Cette fois, il aurait eu une discussion avec son ex-conjointe.
« Il m’a dit que Lana [conjointe de l’époque de Lassonde] et lui avaient hébergé M. Boutin qui était une connaissance de Lana. Pour l’aider, ils l’avaient hébergé, parce qu’il était dans la misère, je ne sais pas exactement. Je ne sais pas comment ça faisait de temps qu’ils l’aidaient, qu’ils l’hébergeaient. Un moment donné, ils ont vu sur un papier qu’il y avait le numéro de NIP à Lana. Ils ont cherché sa carte et ne la trouvaient pas. Ils se disaient ça devait être lui qui l’avait volé. Ils avaient plein de petits indices que [Boutin] avaient volés des choses », a expliqué Mme Dufour.
Lassonde aurait alors partagé à son ex-conjointe la même histoire que lui et Lana Dubois auraient livrée à plusieurs autres personnes avant et après leur arrestation.
« Ils ont décidé d’aller le trouver, le chercher. Ils sont allés à Asbestos. Ils ont essayé... Charles voulait lui faire peur. Il m’a dit qu’il lui avait donné un coup de bâton de fer, un sur le bras, un sur la jambe » a raconté la témoin. Selon son récit, Charles Lassonde lui aurait indiqué que le lendemain, ils seraient allés porter Serge Boutin « au poste à gaz à Danville » à un « gars qui cherchait [M. Boutin] aussi ».
Le jury a été libéré en début d’après-midi, vendredi. Le juge Claude Villeneuve a annoncé aux 13 jurés que le restant de la journée serait dédié à un débat juridique entre la Couronne et la défense. Le jury sera donc de retour lundi pour la suite du procès.