Métro et bus: le transport en commun devrait-il être gratuit aussi pour les jeunes?
Gabriel Ouimet
La décision de la Ville de Montréal d’offrir gratuitement le transport en commun aux aînés fait débat sur le réseau social Reddit, où plusieurs se demandent pourquoi les jeunes n’ont pas été inclus dans la mesure.
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Dans son prochain budget qui sera annoncé le 29 novembre, l’administration de la mairesse Valérie Plante prévoit une enveloppe de 40 millions $ par année pour que les citoyens de 65 ans et plus puissent utiliser gratuitement le transport en commun, et ce, dès le 1er juillet prochain.
Présenté comme un moyen de lutter contre l’inflation, l’investissement vise aussi à faciliter les déplacements des aînés, afin de les encourager à rester en ville et de briser l'isolement.
«Ça représente environ 324$ d’économie par année pour les aînés. C’est vraiment une aide concrète pour les aider à faire face à l’inflation», a fait valoir une source au sein du cabinet de la mairesse en entrevue avec l’Agence QMI.
Sur Reddit, certains ont cependant critiqué le fait que les jeunes soient exclus du plan de la Ville.
Financièrement angoissés, les jeunes
Il faut dire que les jeunes sont parmi les plus touchés par la situation économique actuelle.
37% des 18 à 34 ans éprouveraient en effet de la difficulté à dormir en raison de leurs finances, révèle le nouvel indice d’anxiété financière au Québec dévoilé le 1er novembre par Centraide du grand Montréal en collaboration avec la firme de sondage Léger.
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41% des jeunes disent aussi avoir du mal à se concentrer au travail ou à l’école en raison de l’argent.
Ces données corroborent celles du sondage d’ÉducÉpargne, mené avec la firme Léger en février 2022, qui révélait que plus de quatre jeunes travailleurs québécois sur dix (42%) établissaient une forte corrélation entre leur anxiété financière et leur rendement au travail.
Des avantages à cibler davantage les jeunes
Au-delà du portefeuille, la réduction des tarifs de transport en commun pour les plus jeunes pourrait contribuer à accélérer la transition vers la mobilité durable, fait valoir le chercheur associé à l’Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS), Colin Pratte.
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«La voiture, c’est quelque chose de culturellement très ancré dans la société, parce que les générations précédentes ont été fortement incitées à l’utiliser. Une diminution des tarifs du transport en commun qui viseraient les jeunes, ça pourrait s’inscrire dans une trajectoire visant à briser la culture de l’automobile», explique-t-il.
M. Pratte estime qu’il s’agit d’un objectif qui permettrait d’atteindre des cibles plus ambitieuses d’un point de vue écologique, économique et social. «Les générations à venir doivent être celles du transport en commun», insiste-t-il.
Revoir le financement du transport en commun
Offrir le transport collectif gratuitement aux plus jeunes priverait toutefois la Société de transport de Montréal (STM) d'importants revenus. La STM est en effet la société de transport qui dépend le plus de ses usagers pour boucler son budget, souligne Colin Pratte.
«Entre 2012 et 2019, les usagers ont contribué à 45% du budget annuel de la STM en moyenne. À Longueuil, Laval, Québec, ou Gatineau, ça avoisine plutôt 30%», explique-t-il.
Depuis la pandémie, la STM enregistre d’ailleurs déjà une baisse d’achalandage – et donc de ses revenus –, une situation qui pourrait l’obliger à réduire son offre de services en 2023, rapportait Radio-Canada, jeudi.
Dans ce contexte, Colin Pratte estime que l’heure est venue de revoir le financement du transport en commun. Il insiste: le «financement du transport en commun relève d’un choix politique» et Québec a les moyens d’investir davantage.
«En 2019, dernière année représentative [avant la pandémie et la baisse de l’achalandage dans les transports en commun], l’ensemble des revenus tarifaires du transport en commun urbain au Québec atteignait 1,1 milliard $. Ça représente moins de 1% du budget provincial», indique le chercheur.
Une baisse des tarifs de transport en commun pourrait finalement accroître le nombre d'usagers, ce qui se traduirait par une diminution des coûts reliés aux changements climatiques, à l’entretien des routes et à la congestion, notamment. La Commission européenne stipule d'ailleurs que «chaque kilomètre parcouru en voiture engendre 28 fois plus de coûts qu’un kilomètre en autobus».
– Avec des informations d'Anne-Sophie Roy