«Mes mamelons étaient scrap»: trois femmes témoignent de leurs chirurgies esthétiques «ratées»
Andrea Lubeck
Implants descendus dans la cage thoracique ou cousus avec la peau, redrapage mammaire inachevé: trois femmes qui ont dépensé des dizaines de milliers de dollars auprès du même chirurgien se retrouvent avec un résultat botché. Les recours étant quasi inexistants, elles veulent sensibiliser les femmes à bien choisir la personne qui modifiera leur corps.
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Ses implants cousus à la peau
Après avoir eu deux enfants, Stéphanie Pelletier savait qu’elle voulait subir une augmentation et un redrapage mammaires, cette dernière intervention consistant à relever des seins affaissés.
Après quelques recherches pour choisir son chirurgien, elle est passée sous le bistouri en septembre 2022. Au même moment, elle a effectué le dernier paiement. C’est au suivi post-opératoire, deux jours plus tard, que les choses ont commencé à tourner au vinaigre, dit-elle.
Elle explique notamment n’avoir reçu aucune assistance de la part de la clinique lorsque ses cicatrices se sont infectées après l’opération. C’est une amie infirmière qui l’a aidée.
«Au début, il était gentil, sympathique, il répondait à mes courriels presque instantanément. Ensuite, j’ai payé, j’ai eu mon opération et déjà à mon réveil, je ne me sentais pas très bien», relate Stéphanie Pelletier, en entrevue à 24 heures.
Lorsque ses seins ont désenflé dans les semaines suivantes, elle s’est rendu compte que son redrapage «n’avait été fait qu’au quart».
«Il me restait tellement de peau que quand je me couchais, mes seins arrivaient à côté de mes aisselles», raconte Stéphanie.
Même si elle avait «décidé d’accepter [son] sort», la femme de 28 ans a finalement trouvé un autre chirurgien qui a accepté de corriger son redrapage et son augmentation mammaire après huit mois de recherches. Ce dernier a constaté, sur la table d’opération, que ses implants avaient été cousus avec la peau et qu’ils étaient rupturés.
«Pour ça, je suis un peu contente, parce que les implants sont sous garantie. Pour mon expérience, j’ai trouvé ça horrible, mais au moins je ne perds pas tout», concède celle qui a déboursé plus de 30 000$ pour ses deux chirurgies.
Digne de l’émission Botched
Marie-Christine Bourgeois, âgée de 40 ans, avait subi une première augmentation mammaire il y a 17 ans avec le même chirurgien dont la clinique privée est située à Montréal.
La première chirurgie s’étant bien déroulée, elle est retournée le voir en 2021 après avoir accouché de ses enfants. Elle a subi un redrapage, une augmentation mammaire avec les implants placés sous les muscles et une abdominoplastie, qui consiste à retirer l’excès de peau et de graisse de l’abdomen.
Cette fois-ci, les résultats sont de l’ordre du cauchemar.
Très tôt après l’opération, elle a réalisé que ses implants étaient trop hauts par rapport à ses mamelons. Le chirurgien, qui lui a assuré que la chirurgie avait été bien faite, a accepté de corriger la situation, moyennant de nouveaux coûts.
«Quand je me suis réveillée, c’est là que j’ai su que j’avais un gros, gros, gros problème, raconte Marie-Christine. Mes seins étaient trop bas, déformés. J’avais deux trous dans le bas de mes seins. La douleur était incroyable et ça ne s’est jamais replacé.»
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Les deux opérations l’ont laissée avec beaucoup de douleurs. La descente de ses implants, maintenant dans sa cage thoracique, lui cause notamment des douleurs au cou.
«J’ai été voir cinq médecins, et les cinq m’ont dit qu’ils n’avaient jamais vu un cas comme le mien. Personne ne voulait me toucher», indique-t-elle.
Elle explique même s’être inscrite, sans succès, à la téléréalité américaine Botched (Chirurgie botchée), dans laquelle deux chirurgiens corrigent des chirurgies plastiques ratées.
Marie-Christine a finalement trouvé une chirurgienne qui fait des reconstructions mammaires «de médecins qui ont botché leurs clientes» et qui accepte de l’aider. Son opération aura lieu au début janvier.
La facture totale pour ses trois chirurgies – les deux premières avec le même chirurgien et la correction – s’élève à 43 000$.
«On paie pour se sentir mieux, mais au final, c’est pire»
Marie-Ève Foisy a eu deux grossesses rapprochées, qui lui ont laissé «les seins vidés comme [ceux] d’une grand-mère».
Elle a donc pris rendez-vous avec le même chirurgien de la région de Montréal pour une consultation, qui a été expéditive. «J’aurais dû allumer à ce moment-là, mais il avait l’air de connaître ses affaires», dit-elle.
Elle a subi un redrapage et une augmentation mammaire en mai 2022. Tout s’est bien passé jusqu’au moment de retirer ses pansements.
«J’avais tellement hâte de voir le résultat. Je me disais que j’allais récupérer la confiance en moi que j’avais perdue. Mais quand [le chirurgien] m’a montré ça, je me suis dit “Oh my god, c’est tellement pas beau!”. J’ai vu que mes mamelons étaient complètement “scrap”. Ils étaient vraiment asymétriques», se remémore-t-elle.
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Lorsqu’elle a exprimé son mécontentement, le chirurgien l’a balayé du revers de la main. «C’était toujours notre corps qui n’était pas correct, jamais [le travail] qu’il avait fait», se désole la femme de 24 ans.
«On paie pour une chirurgie pour se sentir mieux dans notre corps et au final, on se sent pire qu’au départ», ajoute-t-elle.
Tout comme Stéphanie et Marie-Christine, Marie-Ève va subir une correction de son redrapage et de son augmentation mammaire. «Le deuxième chirurgien que j’ai choisi, il reprend souvent les jobs “botchées” de ce chirurgien», avance-t-elle.
En tout, elle aura déboursé plus de 30 000$ pour ses chirurgies. «C’est le prix d’un char», regrette-t-elle.
Se retrouver grâce à Facebook
C’est sur un groupe Facebook d’une quinzaine de femmes ayant eu des procédures ratées par ce même chirurgien que les trois femmes se sont rencontrées.
Stéphanie Pelletier a récemment publié une vidéo TikTok pour sensibiliser les Québécoises qui souhaitent passer sur la table d’opération à bien choisir leur chirurgien. Depuis la diffusion de sa vidéo, qui cumule plus de 243 000 vues, elle affirme avoir reçu des centaines de témoignages de femmes, dont plusieurs concernaient le même chirurgien qu’elle.
Stéphanie, Marie-Christine et Marie-Ève ne veulent pas nommer le chirurgien, par peur de représailles. 24 heures a pu confirmer son identité.
Des conseils avant de passer sous le bistouri
1- Faites vos recherches
«Honnêtement, je n’ai pas beaucoup cherché, je savais avec qui je voulais subir l’opération. Ça faisait longtemps que je le voyais passer sur les réseaux sociaux, dans des publications de créatrices de contenus qui étaient allées le voir et pour qui ça s’était bien passé», explique Stéphanie Pelletier.
«Ne pas se laisser influencer par les influenceuses – c’est leur job», renchérit Marie-Ève Foisy.
Elles suggèrent de parcourir les groupes Facebook, de faire des appels à témoignages en citant le nom du chirurgien qui vous intéresse, d’aller lire les commentaires laissés sur RateMD et de regarder les photos «avant-après» du travail du chirurgien.
2- Consultez plus d’un chirurgien
«Même si une consultation coûte cher, ça vaut la peine», insiste Marie-Christine Bourgeois.
C’est encore mieux si une personne est présente pour prendre des notes, poursuit-elle. «Il faut que ça clique. Si ça ne clique pas, on passe au prochain. Et il faut suivre son intuition.»
«N’optez pas pour le premier chirurgien qui vous tombe dessus. C’est important de choisir la bonne personne, parce que c’est ton corps, après tout», résume Stéphanie Pelletier.
3- Ne cherchez pas la meilleure aubaine
La qualité du travail et l’expérience ont un prix, rappelle Stéphanie.
Quels sont les recours pour une chirurgie plastique ratée?
Il très difficile pour une personne qui juge que sa chirurgie plastique est ratée d’obtenir un dédommagement.
Stéphanie, Marie-Christine et Marie-Ève l’ont appris à leurs dépens. Elles et d’autres femmes du groupe Facebook ont consulté des avocats, qui leur ont expliqué qu’elles avaient bien peu de chances d’obtenir un dédommagement.
«Ce sera toujours ma parole contre celle d’un chirurgien. C’est beaucoup plus une perte d’argent que ce que ça peut nous apporter. Au point où je suis rendue, j’ai envie de passer à autre chose», résume Stéphanie Pelletier.
Un sentiment que partagent les deux autres femmes.
Il faut savoir que les médecins ont une obligation de moyen, pas une obligation de résultat.
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Ça veut dire que le chirurgien «est tenu d’utiliser des moyens de qualité, considérés comme raisonnables par ses pairs dans un contexte de soin donné, mais il n’est pas tenu de garantir le résultat final de l’intervention», écrit le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF) sur son site web.
Mais comme les chirurgies plastiques sont des soins non-médicalement requis, le chirurgien ou la chirurgienne a une obligation d’information. Le médecin doit détailler les risques de la procédure, les bénéfices espérés, les alternatives médicales possibles et la nature des soins qui seront donnés, écrit la plateforme JuriGo sur son site web.
À la lumière de ces informations, il doit y avoir un consentement libre et éclairé.
Une patiente qui voudrait intenter une poursuite devrait d’abord prouver qu’une faute médicale a été commise en déterminant si un autre médecin placé dans les mêmes circonstances aurait agi de la même manière, indique le cabinet Lambert avocats dans un billet. L’absence de consentement ou le fait d’oublier un instrument dans le corps du patient sont des exemples de fautes.
Il faut également prouver qu’un préjudice a été subi découlant de la faute, comme des séquelles permanentes.
Enfin, il faut lier la faute au préjudice en établissant le lien de causalité.