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Culture

«Mes fils sont devenus ma priorité» -Martin Drainville

Photo : Dominic Gouin, TVA Publications
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Michèle Lemieux

2020-01-26T05:00:00Z
2023-10-12T23:06:14.061Z
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Celui qui souhaitait au départ devenir ingénieur évolue depuis plus de 30 ans dans le monde artistique. Même si son parcours est franchement gratifiant, Martin Drainville, qui est à la fois entrepreneur et acteur, considère que c’est son rôle de père qui demeure le plus important. 

• À lire aussi: Martin Drainville dans Les Hardings: Questionnements et responsabilité

Martin, en ce début d’année, vous jouez au théâtre et dans une série. 

Les Hardings
Photo : Courtoisie
Outre son rôle dans la série Fragile, il est aussi sur scène dans Les Hardings.

Oui, je joue dans Les Hardings au Théâtre Duceppe. La prémisse, c’est les événements de Lac-Mégantic. Nous aurions tous pu en être responsables ou victimes. Mon personnage, qui est assureur, pose la question: «Combien vaut une vie humaine?» La série Fragile, quant à elle, m’a amené dans des zones où, fondamentalement, on n’aime pas aller. Deux jeunes vies sont fauchées. Je ne vois pas de drame pire que celui que nous impose la perte d’un enfant. Je n’arrive pas à imaginer ce que ça doit être... On préférerait mourir à la place de nos enfants. On se sacrifierait pour eux. Même si ces scènes étaient difficiles à tourner, je me rendais sur le plateau chaque jour avec le sourire. 

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Photo : Bertrand Calmeau, Tou.TV

Et Broue poursuivra sa route... 

Oui. Benoît Brière, Luc Guérin et moi avons débuté cet été sans savoir comment la pièce serait reçue. Il fallait remplacer une équipe qui a une histoire d’amour avec le public. C’est un phénomène unique au monde. Même si les tavernes sont du passé, les gens reconnaissent les personnages, qui sont des archétypes. Ça marche très fort, et nous prenons un malin plaisir à la jouer. 

Compte tenu de la demande, Broue vous procure-t-elle un certain sentiment de sécurité? 

Ça nous met à l’abri de devoir attendre que le téléphone sonne. Outre le jeu, nous touchons à d’autres aspects, notamment les questions administratives. Je suis le cartésien du groupe. Je m’occupe de tout ce qui est administratif. C’est grâce à mon parcours en sciences pures... Je pense que je suis un bon gestionnaire et j’y prends plaisir. Bien gérer quelque chose peut être très créatif. 

Photo : Eric Myre, TVA Publications
En reprenant le flambeau dans la pièce Broue, il a le plaisir de jouer avec deux complices de longue date: Luc Guérin et Benoît Brière.

Avant le théâtre, votre premier choix avait donc été les sciences. Avez-vous étudié longtemps dans ce domaine? 

Oui. Je me suis rendu à Polytechnique, en génie. J’étais bon en sciences pures. J’ai fait mes études dans le domaine au cégep pour garder toutes les portes ouvertes, mais le jeu me titillait. Je savais que, si j’allais trop loin dans mes études, je ne pourrais plus revenir en arrière. J’ai donc quitté Polytechnique après la première session. Je me suis dit que même si je prenais un an ou deux pour explorer le jeu, j’allais au moins avoir la satisfaction d’avoir essayé. Je ne voulais pas passer ma vie à me demander si j’aurais été en mesure de faire ce métier... J’ai décidé d’avancer jusqu’à ce que les portes ne s’ouvrent plus... et elles se sont toujours ouvertes. Plus de 30 ans plus tard, je suis toujours là. 

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Vous êtes aussi gestionnaire et entrepreneur. Auriez-vous pu être un homme d’affaires? 

Je ne croyais pas l’être, mais j’ai développé ces aptitudes avec le temps. Alors oui, j’aurais pu être un homme d’affaires. Administrer me change du jeu. Dans notre métier, nous sommes à la merci du regard des autres. C’est par la réaction des autres — même si ça reste subjectif — qu’on peut confirmer si on a bien fait son boulot ou non. Dans la gestion, c’est plus facile de se valoriser: on sait si on a bien travaillé ou non. Le pire dans le métier d’acteur, c’est de ne pas être occupé. Jeune, ça ne nous dérange pas trop, mais en vieillissant, quand on veut fonder une famille ou s’acheter une maison, c’est difficile. C’est toujours à recommencer. 

Qu’est-ce que cela vous fait quand vous pensez à vos 30 ans de carrière? 

On dirait que j’ai commencé hier... Quand on a tant d’années de métier, ça implique qu’on prend de l’âge. J’ai 55 ans, je suis en forme, mais on ne sait jamais. En vieillissant, on visite les salons funéraires plus souvent... J’ai eu une carrière plus active que je l’aurais cru. Quand j’ai choisi d’être acteur, je n’aspirais même pas à ça. Ce que j’ai vécu, personne ne peut me l’enlever. Même si tout s’arrêtait demain, je l’aurai vécu. Quand j’ai quitté Polytechnique, je me suis fait violence. Ça m’a demandé un effort, car de nature, mon côté logique me dirigeait vers ce chemin déjà tracé. Je serais devenu ingénieur. Je me souviens que lorsque je me suis lancé, la moyenne des revenus des acteurs à l’UDA était 7000 ou 8000 $ par année... 

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Mais vous avez préféré écouter votre cœur. 

Oui. Le travail occupe une grande partie de notre vie. Si on y est malheureux, il faut beaucoup de choses autour pour pallier ça. Ce qui n’est pas le cas quand on est bien dans notre travail, parce qu’on est déjà comblé. 

Encouragez-vous vos fils à faire ce qu’ils ont envie? 

Je veux qu’ils aient l’occasion de choisir. Je ne voudrais pas qu’ils se dirigent dans une voie par dépit. Je les encourage à étudier afin qu’ils aient tous les éléments en main au moment où ils décideront de leur avenir. Aucun des deux ne semble vouloir jouer. Je n’oserais pas dire que je suis soulagé... (sourire) 

Mais disons que ça ne vous fait pas de peine! 

Effectivement. Mais s’ils avaient voulu faire ce métier, je les aurais encouragés en sachant très bien ce que ça implique. J’aurais pu partager cette réalité avec eux. Le modèle de nos parents, qui voulait qu’on entre dans une entreprise et qu’on en ressorte 40 ans plus tard, n’intéresse plus nos jeunes. 

En avez-vous terminé avec la charge parentale? 

Non, mes fils sont encore là. Ils ont 13 ans et 19 ans. Mon aîné commence l’université cette année. M’occuper de mes enfants, de leur développement, les amener à bon port, c’est très important pour moi. Ils sont devenus ma priorité dans la vie, plus que mon métier. J’aime être avec ma famille. J’ai beaucoup de plaisir avec mes gars. J’ai un contrat non écrit avec mes enfants: tant qu’ils ne seront pas autonomes, je vais m’occuper d’eux. Je désire qu’ils deviennent la meilleure personne qu’ils peuvent être, qu’ils soient de bons citoyens. Nous en avons de plus en plus besoin... 

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