Même au sein d’un couple, une agression sexuelle demeure une agression sexuelle


Sarah-Florence Benjamin
Attention: cet article comporte des mentions de cas de violences à caractère sexuel et conjugal qui peuvent choquer.
«La violence sexuelle, c’était une partie de tout ce qui n’allait pas dans notre couple»: Claudia* s’est fait agresser sexuellement par son ex-conjoint avec qui elle a été en relation de l’âge de 19 à 24 ans. Elle se confie aujourd’hui sur son expérience et appelle à une meilleure sensibilisation sur le consentement dans le couple.
«Alors que ça faisait deux ans qu’on était ensemble, j’ai fait une dépression. Ma libido était très basse et il me faisait du chantage pour qu’on couche ensemble. Il m’est arrivé de me réveiller en pleine relation sexuelle à laquelle je n’avais jamais consenti», raconte-t-elle.
Et lorsqu’elle lui demandait de ne pas recommencer, il se fâchait et cessait de lui parler pendant des jours. «J’ai appris à me taire», raconte la jeune femme, qui subissait de la violence psychologique de la part de son ex-conjoint.
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Des agressions encore taboues
Ce n’est que récemment, en parlant avec une psychologue, que Claudia a réalisé avoir été agressée sexuellement par son ex-conjoint.
«Plus je discutais avec des gens, plus il y a des choses qui ressortaient. On me demandait pourquoi je n’en avais jamais parlé. C’était devenu tellement banal que je ne pensais pas que c’était digne de mention. C’était juste ça être en couple», explique-t-elle.
«La violence sexuelle, c’était toujours présenté comme quelque chose de violent qui arrive dans une ruelle. Dans mon cas, c’était vraiment plus insidieux. Une partie de moi me disait que je ne méritais pas mieux et que si j’étais restée aussi longtemps, c’était que quelque part, c’était ce que je voulais», poursuit-elle.
La réalité est pourtant tout autre: 80% des agressions sexuelles sont commises par des personnes connues des victimes.
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«Si une personne dort, c’est une agression»
La jeune femme, qui ressent encore «beaucoup de colère», déplore de ne pas avoir été mieux informée sur le consentement.
«Il faut plus de sensibilisation. Il faut dire que si la personne nous fait du chantage pour une relation sexuelle, c’est une agression. Il faut répéter que si la personne dort, c’est une agression. Avoir su ça plus jeune, mon parcours aurait été différent», insiste-t-elle.
La directrice générale de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF), Manon Monastesse, abonde dans le même sens: il est essentiel de parler des violences sexuelles dans le couple.
«Les violences sexuelles commises par des conjoints ou des ex-conjoints s’inscrivent dans un continuum de violence contre les femmes qui peut aller très loin. C’est un des signes avant-coureurs des féminicides.»

Justine Chénier, responsable des communications du Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS), rappelle pour sa part que tout n’est pas permis dans le couple. «Le consentement doit toujours être présent et peut être retiré à tout moment.»
Comment reconnaître une agression
La question à se poser est la suivante: «Ai-je consenti à cet acte, à ce moment-là, dans le contexte où il a eu lieu?» Si la réponse à ne serait-ce qu’une partie de la question est non, c’est une agression sexuelle, rappelle Justine Chénier.
«Tout acte de nature sexuel fait sans le consentement de l’autre est une agression et c’est très large», ajoute-t-elle.
«Si on ne se sent pas libre de dire non, si on a dit oui pour se protéger de répercussions physiques, psychologiques ou verbales, ce n’est pas du consentement», précise Manon Monastesse.
Ainsi, si un ou une partenaire insiste ou se fâche lorsqu’on refuse ses avances, c’est une forme de coercition sexuelle et ce n’est pas acceptable.
Vous avez besoin d’aide?
Vous pouvez contacter une ressource comme SOS violence conjugale ou les CALACS.
«Lorsqu’on contacte ces services, on va faire un état de la situation pour en évaluer la dangerosité. C’est important pour voir s’il faut intervenir d’urgence pour protéger la victime et souvent, ses enfants. C’est difficile, mais c’est tellement important de briser le silence», insiste Manon Monastesse.
- SOS violence conjugale: 1 800 363-9010
* Un faux nom a été utilisé pour préserver l’anonymat de la personne qui témoigne.