Mazlum Akdeniz: une préparation à la hauteur du défi
Tommy Thurber
Voyant une belle occasion de voir ce que Mazlum Akdeniz avait dans le ventre en affrontant Juan Antonio Rodriguez, Yvon Michel n’a jamais hésité à repousser d’un mois son gala au Casino de Montréal pour laisser tout le temps à son protégé de bien se préparer.
Akdeniz devait initialement se battre contre un autre adversaire en sous-carte d’un gala mettant en vedette Kim Clavel et Eleider Alvarez, le 5 mai. Ce n’est que trois semaines avant la date prévue que le duel contre Rodriguez s’est concrétisé, ce qui laissait bien peu de temps pour se préparer pour un combat de cette envergure.
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Quelques jours plus tard, Clavel et Alvarez contractaient la COVID-19. La décision de repousser le gala au 2 juin devenait donc facile à prendre. Surtout qu’Akdeniz (16-0-0, 8 K.-O.) mettra la main sur la ceinture de la WBC Continental des Amériques avec une victoire.
C’est à la demande du clan d’Akdeniz que le Groupe Yvon Michel (GYM) a retardé ce gala au 2 juin. Le fait que Rodriguez est gaucher – tout comme Akdeniz – a également joué dans la balance.
«C’est un gars expérimenté. Un gaucher; ça va être spécial, c’est très rare [un affrontement entre deux gauchers], a fait valoir Moe Latif, l’entraîneur d’Akdeniz, lors d’un entraînement médiatique, mercredi à Montréal. On s’est ajusté pour ça. Yvon a repoussé le combat juste pour ça pour avoir plus de temps pour qu’il puisse faire du "sparring" avec des gauchers.»
«Il n’y a pas beaucoup de promoteurs qui feraient ça», a reconnu Latif, reconnaissant.
Pour Michel, la décision allait de soi. Le patron a d’ailleurs souligné la grande classe des autres boxeurs figurant à la carte qui ont fait preuve de compréhension.
«C’est un gars de calibre international, sans aucun doute le meilleur adversaire que Maz aura jamais affronté. C’était une belle opportunité», a expliqué Michel.
«Ça nous permettrait d’aller chercher le titre de la WBC. Donc tu as un risque important, mais une récompense importante. S’il l’emporte, non seulement il va avoir battu un gars de renom, il va avoir aussi un titre régional qui va lui permettre de se retrouver parmi l’élite et les aspirants de la division.»
Cogneur
Ces quelques semaines supplémentaires ont permis à Akdeniz d’enfiler les gants contre des partenaires d’entraînement gauchers. Il souhaite ainsi en avoir fait assez pour éviter de trop réfléchir lorsqu’il montera sur le ring.
Ce sera un avantage non négligeable puisqu’il aura affaire à un puissant cogneur. Rodriguez (32-8-0, 28 K.-O.) s’est en effet déjà battu dans un combat de championnat du monde.
«Je m’attends à un gars plus lent dans les premiers rounds, mais quand il va ouvrir la machine, il va commencer à lancer beaucoup de coups, a analysé Akdeniz. Alors il va falloir que je me prépare et que je sois vraiment alerte. Je n’ai pas boxé contre beaucoup de gros cogneurs, ça va être parmi mes premiers, donc il va falloir que je sois vraiment "top shape" défensivement et au niveau des réflexes.»
La confiance semble être excellente malgré tout.
«Mais je pense que je suis gros, pas très grand, mais gros pour ma catégorie. Il faut que je montre que je ne vais pas me laisser intimider. Je sais que j’ai du chien en moi et que je suis une machine. Je vais l’arrêter.»
«C’est un gars qui a beaucoup d’expérience, mais je pense que Maz a les qualités pour gagner le combat», a quant à lui ajouté Latif.
Des combats qui se succèdent à un rythme effréné
Mazlum Akdeniz a commencé la boxe à 16 ans. Motivé à grimper les échelons, il a rapidement enfilé les combats les uns après les autres chez les amateurs. Si le rythme a évidemment diminué chez les professionnels, il en sera malgré tout à un troisième duel en moins de six mois sous l’égide du Groupe Yvon Michel (GYM).
«Il a enchaîné beaucoup de combats de suite parce qu’il a commencé la boxe à 16-17 ans. Il n’avait pas beaucoup de temps à perdre, a expliqué son entraîneur Moe Latif mercredi lors d'un entraînement médiatique. C’est un gars déterminé et motivé, alors ce n’est pas un problème pour lui. Chez les amateurs, il a enchaîné des tournois – trois combats par fin de semaine sans problème –, et depuis qu’il est pro, c’est pareil.»
Le but est bien évidemment d’engranger un maximum d’expérience tout en profitant de la vigueur de la jeunesse pour se remettre sur pied rapidement.
«Il est encore jeune, il a 24 ans, donc on veut profiter de sa jeunesse et utiliser ses qualités physiques pour prendre le plus de combats possible. En même temps, il fait beaucoup d’expérience, il fait beaucoup de rounds, comme ça, quand il boxe comme des adversaires comme celui du 2 juin, il va avoir l’expérience pour remporter le combat.»
Pas de crainte
Si le fait d’enchaîner les coups à cette vitesse peut faire craindre pour la santé du pugiliste, tous semblent s’entendre pour dire que le rythme est adapté aux types de combats et aux capacités d’Akdeniz.
«Il est intelligent. Il écoute son corps, a déclaré Latif. Il sait quand se reposer et quand pousser la machine. Mais il faut faire attention de ne pas trop pousser pour ne pas nuire aux combats qui suivent.»
De son côté, Akdeniz s’assure d’être prêt pour maximiser ses chances de victoire et minimiser les risques de blessure. À ses yeux, l’inactivité est le pire ennemi des boxeurs.
«Même Sugar Ray Leonard a dit: "l’inactivité tue les boxeurs". Donc c’est vraiment important d’être actif, a-t-il philosophé. C’est un risque à prendre. C’est différent des autres sports. La boxe, parfois, c’est "all in". Tu donnes tout ce que tu as, tu enchaînes les combats, et si tu te blesses, tant pis. Les plus forts survivent.»
Pour le peuple kurde
Né en Turquie avant d’immigrer au Québec avec sa famille à 4 ans, Mazlum Akdeniz est fier de ses origines kurdes. Il espère pouvoir les représenter fièrement et, qui sait, défendre un titre dans sa ville natale un jour.
Se considérant autant comme un Québécois que comme un Kurde, le boxeur du Groupe Yvon Michel (GYM) est né à Diyarbakir. Il est attaché à ses origines et souhaiterait s’y battre un jour.
«C’est sûr que mon objectif, c’est de devenir champion du monde, a lancé Akdeniz, mercredi, lors d’un entraînement médiatique à Montréal. Je suis d’origine kurde, dans l’est de la Turquie. On est un bon 40 millions à travers le monde, mais on n’a pas encore de pays. Donc j’aimerais vraiment représenter les Kurdes.»
«Je viens de Diyarbakir. Moi, j’aimerais vraiment faire un gala là-bas et être le combat principal, défendre ma ceinture là-bas. Je veux être le Julio Cesar Chavez, le Manny Pacquiao des Kurdes.»