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L'article provient de Bureau d'enquĂȘte

Mom Boucher agressif et mĂ©prisant jusqu’à la fin

L’ex-chef des Hells Angels est dĂ©cĂ©dĂ© hier dans un pĂ©nitencier de Sainte-Anne-des-Plaines

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        FĂ©lix SĂ©guin et Eric Thibault

        11 juillet 2022
        11 juillet 2022
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        Maurice «Mom» Boucher a succombĂ© Ă  un cancer, dimanche, au pĂ©nitencier Archambault, Ă  Sainte-Anne-des-Plaines, oĂč l’ex-chef des Hells Angels a manifestĂ© son mĂ©pris pour les autoritĂ©s jusqu’à son dernier souffle.

        ‱ À lire aussi: « On a oubliĂ© les victimes de la guerre des motards »

        Photo d’identitĂ© judiciaire prise en 2010.
        Photo d’identitĂ© judiciaire prise en 2010. Photo d'archive

        Boucher, qui avait eu 69 ans le 21 juin, aurait refusĂ© de bĂ©nĂ©ficier de l’aide mĂ©dicale Ă  mourir vendredi en prĂ©textant qu’il prĂ©fĂ©rait souffrir, selon des informations obtenues par notre Bureau d’enquĂȘte.

        • Écoutez l’entrevue d’Alexandre Moranville avec Normand Lester sur QUB radio :

        Le motard dĂ©chu, qui avait pris l’habitude de faire ses priĂšres chaque soir durant son incarcĂ©ration, avait Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© dans un lit de soins palliatifs de ce pĂ©nitencier 11 jours plus tĂŽt. Selon nos sources, on l’avait admis non pas sous son nom, mais plutĂŽt sous un numĂ©ro, soit le «dĂ©tenu no 11». 

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        Boucher sur sa Harley en 2000.
        Boucher sur sa Harley en 2000. Photo courtoisie

        Depuis sa condamnation Ă  l’emprisonnement Ă  perpĂ©tuitĂ© en 2002 pour avoir commandĂ© les meurtres de deux agents correctionnels, il Ă©tait incarcĂ©rĂ© Ă  l’UnitĂ© spĂ©ciale de dĂ©tention (USD), voisin de l’établissement Archambault et le seul pĂ©nitencier Ă  sĂ©curitĂ© «super-maximum» au Canada. 

        MalgrĂ© l’état trĂšs avancĂ© de son cancer de la gorge, celui qui Ă©tait rĂ©putĂ© comme l’un des pires criminels de l’histoire du QuĂ©bec avait Ă©tĂ© escortĂ© Ă  Archambault par une escouade tactique chargĂ©e d’intervenir auprĂšs de tout dĂ©tenu Ă  risque d’évasion, soit la procĂ©dure habituelle dans son cas. 

        Les visites ne sont pas permises dans cette section du pĂ©nitencier et la direction n’a pas fait d’exception pour celui qui refusait tout traitement. 

        À sa libĂ©ration en 1998 des meurtres des gardiens, avant qu’il soit finalement condamnĂ©.
        À sa libĂ©ration en 1998 des meurtres des gardiens, avant qu’il soit finalement condamnĂ©. Photo d'archives

        Agressif jusqu’à la fin

        Son transfert s’était effectuĂ© dans le secret pour Ă©viter tout dĂ©bordement dans ce complexe carcĂ©ral oĂč il jouissait toujours du respect de plusieurs dĂ©tenus.  

        Amaigri et affaibli, l’homme qui fut considĂ©rĂ© comme le motard criminel le plus puissant au pays y a Ă©tĂ© nourri de supplĂ©ments alimentaires liquides durant plusieurs jours, en plus d’avoir besoin de morphine pour calmer sa douleur. 

        Pourtant, les derniĂšres heures de Boucher n’ont pas semblĂ© attĂ©nuer sa haine viscĂ©rale envers les autoritĂ©s, ni susciter de repentir pour avoir ordonnĂ© les assassinats des gardiens de prison Diane Lavigne et Pierre Rondeau en 1997. 

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        MĂȘme sur son lit de mort, il a continuĂ© d’exprimer de l’agressivitĂ© et du mĂ©pris aux agents et au personnel carcĂ©ral, d’aprĂšs nos informations. 

        Le hors-la-loi avait commandĂ© ces meurtres Ă  StĂ©phane «Godasse» GagnĂ© pour «dĂ©stabiliser le systĂšme judiciaire» durant la guerre des motards et dissuader ses tueurs de collaborer avec la justice, a tĂ©moignĂ© GagnĂ©, qui est nĂ©anmoins devenu dĂ©lateur, lors du procĂšs de Boucher. 

        Mom est considĂ©rĂ© comme l’instigateur de la guerre sanglante que les Hells ont livrĂ©e aux Rock Machine et aux trafiquants indĂ©pendants pour s’accaparer le contrĂŽle du marchĂ© de la drogue. 

        À l’étĂ© 2000, avec Ginette Reno venue chanter aux noces du Hells RenĂ© Charlebois
        À l’étĂ© 2000, avec Ginette Reno venue chanter aux noces du Hells RenĂ© Charlebois Photo d'archives

        «Boucher ne respectait pas les ententes verbales qu’on avait toujours eues avec eux. Il s’est mis Ă  gruger nos territoires et les vendeurs de dope des Hells s’installaient dans nos bars», a dĂ©clarĂ© Ă  la SĂ»retĂ© du QuĂ©bec (SQ) le dĂ©lateur Marcel Gauthier, qui Ă©tait dans le camp adverse.

        Selon la SQ, le conflit a fait 165 morts entre 1994 et 2002, incluant neuf victimes innocentes, dont Daniel Desrochers, 11 ans, tuĂ© par l’explosion de la Jeep d’un trafiquant dans le quartier montrĂ©alais d’Hochelaga-Maisonneuve en aoĂ»t 1995. 

        «Rendu crackpot...»

        De plus, cette guerre a mené à 181 tentatives de meurtre, faisant 20 autres victimes innocentes, dont le journaliste Michel Auger, atteint de plusieurs balles dans le stationnement du Journal de Montréal, le 13 septembre 2000.

        Sa cellule, la 104, Ă  l’UnitĂ© spĂ©ciale de dĂ©tention.
        Sa cellule, la 104, Ă  l’UnitĂ© spĂ©ciale de dĂ©tention. Photo courtoisie

        Vingt ans plus tard, le commandant Ă  la retraite de la police de MontrĂ©al AndrĂ© Bouchard, qui dirigeait l’équipe d’enquĂȘteurs chargĂ©s d’élucider ce crime, a relatĂ© au Journal que «c’est Mom qui a passĂ© la commande de faire tuer Michel [...] Ă  cause de ce qu’il Ă©crivait sur eux». Il mentionnait qu’une demi-heure aprĂšs la fusillade, Boucher, qui faisait alors l’objet d’une filature policiĂšre, «donnait des high five» aux suspects dans un restaurant rue Sainte-Catherine. 

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        «Boucher Ă©tait rendu assez crackpot et se pensait tellement au-dessus de tout qu’il a dĂ©jĂ  dit que s’il voulait, il pourrait se faire Ă©lire maire de MontrĂ©al! C’était le temps qu’on l’arrĂȘte», a observĂ© M. Bouchard, en ajoutant que plusieurs Hells ont confiĂ© aux policiers qu’ils n’étaient pas d’accord avec ses tactiques. 

        Loi antigang et expulsion

        C’est d’ailleurs Ă  la suite du dĂ©cĂšs du jeune Desrochers que le gouvernement fĂ©dĂ©ral a fait adopter, en 1997, une premiĂšre loi antigang au Canada. D’autres dispositions antigang ont aussi Ă©tĂ© ajoutĂ©es au Code criminel en 2002, en rĂ©ponse Ă  la tentative de meurtre sur Michel Auger.

        Un autre mugshot de Mom cinq ans plus tard, en 2015.
        Un autre mugshot de Mom cinq ans plus tard, en 2015. Photo courtoisie

        Toutefois, au printemps 2014, Boucher a subi ce qu’il considĂ©rait comme l’affront ultime: il a Ă©tĂ© expulsĂ© du club de motards Ă  la suite d’un vote unanime pris en assemblĂ©e par l’ensemble des Hells Angels du QuĂ©bec. 

        Pour eux, leur ex-dirigeant faisait finalement partie «du passé», selon un membre des Hells citĂ© dans des documents judiciaires. 

        UNE CARRIÈRE CRIMINELLE BIEN REMPLIE 

        • NĂ© le 21 juin 1953 Ă  Causapscal, dans le Bas-Saint-Laurent, il est ĂągĂ© de 2 ans quand sa famille et lui dĂ©mĂ©nagent Ă  MontrĂ©al.
        • Entre 1973 et 1984, il cumule plusieurs condamnations pour vols Ă  main armĂ©e, introductions par effraction et agression sexuelle sur une mineure.
        • Le 1er mai 1987, il devient membre des Hells Angels du chapitre de MontrĂ©al, qu’il dirigera dĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1990.
        • En 1994, il fonde le chapitre d’élite Nomads des Hells, l’annĂ©e oĂč la guerre Ă©clate entre sa bande et l’alliance formĂ©e des Rock Machine et de trafiquants indĂ©pendants.
        • Le 26 juin 1997, l’agente correctionnelle Diane Lavigne est tuĂ©e aprĂšs avoir quittĂ© la prison de Bordeaux.
        • Le 8 septembre 1997, l’agent correctionnel Pierre Rondeau est assassinĂ© prĂšs de la prison de RiviĂšre-des-Prairies.
        • Le 5 dĂ©cembre 1997, StĂ©phane « Godasse » GagnĂ© devient dĂ©lateur et incrimine Maurice « Mom » Boucher comme Ă©tant celui qui a commandĂ© les meurtres des deux gardiens.
        • Le 18 dĂ©cembre 1997, Boucher est arrĂȘtĂ© Ă  l’hĂŽpital Notre-Dame, oĂč il devait ĂȘtre opĂ©rĂ© pour une tumeur Ă  la gorge. Il est accusĂ© des meurtres prĂ©mĂ©ditĂ©s des deux agents.
        • Le 27 novembre 1998, Boucher est acquittĂ© et sort triomphant du palais de justice de MontrĂ©al avec plusieurs autres motards.
        • À l’étĂ© 2000, le tueur Ă  gages GĂ©rald Gallant reçoit un contrat de 250 000 $ pour Ă©liminer Boucher, mais n’y parviendra pas.
        • Le 10 octobre 2000, la Cour d’appel casse l’acquittement et ordonne un nouveau procĂšs.
        • Le 5 mai 2002, le jury le dĂ©clare coupable et il est condamnĂ© Ă  la prison Ă  perpĂ©tuitĂ©.
        • En 2018, il Ă©cope d’une peine symbolique de 10 ans pour un complot de meurtre visant le caĂŻd Raynald Desjardins. L’annĂ©e suivante, il se reconnaĂźt coupable d’avoir attaquĂ© un codĂ©tenu Ă  coups d’un pic artisanal. 
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        Son cancer Ă©tait revenu 

        À l’automne 2015, Boucher avait lui-mĂȘme appris Ă  sa fille, Alexandra Mongeau, lors d’une visite de celle-ci Ă  l’UnitĂ© spĂ©ciale de dĂ©tention (USD), que son cancer de la gorge Ă©tait «revenu». «C’est pas grave», avait-il dit.

        Ils ignoraient cependant que la police les enregistrait Ă  leur insu Ă  cette Ă©poque, parce que Boucher faisait alors l’objet d’une enquĂȘte pour un complot de meurtre visant le caĂŻd mafieux Raynald Desjardins.

        Notre Bureau d’enquĂȘte a eu accĂšs Ă  ces enregistrements policiers qui font notamment l’objet du livre Le Parloir, paru en octobre 2021.

        Entre autres, Boucher a confiĂ© Ă  sa fille, en riant, qu’il s’était liĂ© d’amitiĂ© avec un codĂ©tenu incarcĂ©rĂ© au mĂȘme endroit pour avoir, lui aussi, tuĂ© un gardien de prison.

        Passant le plus clair de son temps confinĂ© dans la minuscule cellule numĂ©ro 104 de l’USD, le sexagĂ©naire est demeurĂ© un homme aigri et en colĂšre, malgrĂ© toutes ces annĂ©es de dĂ©tention.

        «C’est moĂ© le pas bon»

        Il n’a jamais digĂ©rĂ© son expulsion des Hells en 2014, allant jusqu’à les qualifier de «lĂąches» lors d’une de ses discussions avec sa fille.

        «J’étais tout le temps au batte pour eux autres. C’est moĂ© qui les a fait manger. LĂ , c’est moĂ© qui est en prison. Pis c’est moĂ© le pas bon», a-t-il vocifĂ©rĂ©, en se disant conscient que dans le milieu des motards, «le monde [l]’aime pas».

        Il dĂ©testait certains anciens porte-couleurs des Rock Machine qui sont devenus d’influents membres des Hells aprĂšs que les deux gangs eurent conclu une trĂȘve.

        Rancunier

        «Ils savent que moĂ©, j’vas me revenger. Tous ceux qui m’ont fait de quoi... Si jamais je sors, c’est les premiers que j’vas tuer», se promettait le taulard, en se disant «rancunier Ă  vie».

        Quand il a su qu’une libĂ©ration conditionnelle pourrait ĂȘtre octroyĂ©e Ă  StĂ©phane GagnĂ©, le dĂ©lateur qui a aidĂ© les autoritĂ©s Ă  le faire condamner, il a rĂ©agi en ces termes: «Godasse, l’écƓurant sale...».

        Lui-mĂȘme ex-toxicomane, Boucher dĂ©sapprouvait la consommation de drogues chez ses proches, mĂȘme si la vente de stupĂ©fiants est l’activitĂ© criminelle numĂ©ro un des Hells.

        «C’est quand tu prends des affaires de mĂȘme que tu fais des bĂȘtises», dĂ©clarait-il.

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