Voici le récit d'une femme abîmée par la vie qui retrouve un amour qu'elle croyait perdu


Marie-France Bornais
Dix ans après avoir publié Les Gens heureux lisent et boivent du café, l’écrivaine française Agnès Martin-Lugand propose un onzième opus, L’Homme des Mille Détours. Ce roman choral intense, dramatique, explore magnifiquement la psyché humaine, mais aussi la formidable capacité que chacun porte en soi de retrouver et de célébrer l’amour. Même quand on le croit perdu à tout jamais.
L’Homme des Mille Détours met en scène trois personnages : Gary, Erin et Ivan. Trois personnages marqués par les épreuves, qui réagissent chacun différemment devant certains événements de la vie. L’écrivaine, sensible et réaliste, montre à quel point l’amour nous habite, profondément, et peut tout changer.
En entrevue, cette écrivaine passionnée explique que L’Homme des Mille Détours se démarque par rapport à ses romans précédents.
« La grande différence de ce roman, c’est que j’ai mis les hommes à l’honneur, dans ce qu’ils ont de meilleur et de pire, on va dire. »
La femme d’un disparu
Le premier personnage qui s’est imposé à elle, c’est Erin. Une femme qui a vécu des épreuves terribles.
« Elle est arrivée avec ses trois enfants et son mari disparu. J’ai essayé de comprendre qui avait été son mari, avant, et comment on peut disparaître comme ça du jour au lendemain, de son propre chef. J’avais tout de suite ça en tête : disparu volontairement.
« Après, très vite, le personnage de Gary est arrivé, avec sa blessure profonde de ne pas pouvoir avoir d’enfants. »
Ivan, un homme violent, contrôlant, s’est ensuite immiscé dans le décor.

Agnès précise qu’elle a vraiment eu besoin de temps pour écrire ce roman profondément humain.
« J’ai pris six mois de plus que d’habitude. J’ai très vite compris que, de par sa construction, de par la complexité des personnages, particulièrement Gary et Ivan, j’allais avoir besoin de temps. »
Son roman aborde beaucoup de thématiques : le désir d’être père, la disparition, la violence, l’emprise et la réparation de soi.
« Ivan est un homme qui est définitivement, irrémédiablement abîmé. Erin n’a pas compris qu’elle ne pouvait pas le sauver, qu’elle ne pouvait pas le changer, et qu’elle ne pouvait pas faire de lui l’homme qu’elle aurait aimé qu’il soit.
Apprivoiser les personnages
L’écrivaine a pris son temps pour accorder à chacun des personnages le temps nécessaire pour arriver à les comprendre, pour les apprivoiser, et pour passer de l’un à l’autre.
« Chaque fois que je basculais d’un point de vue à un autre, il me fallait quand même quelques jours pour rerentrer véritablement dans la tête de l’un ou de l’autre. Et j’ai aimé cet exercice intellectuel, psychique, de basculer des émotions de l’un au psychisme de l’autre. »
Elle a laissé monter les silences de Gary, ses blessures qui le rongent de l’intérieur, sa solitude profonde, ses remises en question et le fait qu’il ouvre les yeux.
« Oui, il dit au début qu’il a raté sa vie, qu’il est passé à côté de tout, qu’il a fait plein d’erreurs. Est-ce que c’est rattrapable ? Pas rattrapable ? »
Vivre avec la douleur de Gary l’a énormément enrichie.
« De voir au fur et à mesure qu’il trouve sa place même s’il a peur de la prendre, qu’il rencontre la femme de sa vie avec Erin, et qu’il ait aussi une autre rencontre de sa vie – les enfants –, c’était émotionnellement très fort. »