Québec, ville gourmande : je suis allée manger à Tanière3 qui convoite une étoile Michelin et voici ce que j’en pense


Marianne White
Peu de restaurants à Québec peuvent aspirer à décrocher un jour une étoile Michelin, mais Tanière3 fait certainement partie des prétendants les plus sérieux.
Le chef François-Emmanuel Nicol souhaite ardemment convaincre le réputé guide d’inclure le Québec dans une prochaine édition canadienne (voir texte plus bas).
Ce qu’il fait comme cuisine haut de gamme peut rivaliser avec les meilleures tables du pays. J’ai été renversée par ma visite dans cette Mecque de la haute gastronomie installée dans un magnifique bâtiment en pierres du Vieux-Québec qui date des années 1680.
Le repas gastronomique d’une quinzaine de services est d’ailleurs servi dans trois voûtes souterraines différentes, ce qui ajoute du charme à l’expérience.

Mes attentes étaient élevées et je n’ai pas été déçue par la recherche de saveurs et de textures, la mise en valeur des plantes indigènes et la finesse de la présentation.
«C’est vraiment la nature qui m’inspire. Je passe beaucoup de temps en forêt dans mes temps libres, autant pour faire de la cueillette que pour le plaisir», me fait part le chef, un adepte de vélo de montagne et de ski hors-piste.

Il a été inspiré par le chef brésilien Alex Atala, rencontré lorsqu’il effectuait un stage dans un grand restaurant en France. Ce dernier est reconnu pour son travail avec les plantes de l’Amazonie.
«Il a décidé de faire du fine dining avec son terroir. Et on dirait que j’ai eu le déclic à ce moment-là», raconte M. Nicol, qui est aux commandes de Tanière3 depuis sa réouverture près de Place Royale en 2019. Le trentenaire a été sacré meilleur chef au Québec l’an dernier et le restaurant fait maintenant partie de la prestigieuse chaîne Relais & Châteaux.
Une expérience envoûtante
Tanière3 ne sert que des aliments issus du terroir québécois et collabore avec de nombreux cueilleurs. Cela permet de mieux connaître ou de carrément découvrir ce qui pousse chez nous. Et c’est loin d’être plate dans l’assiette!
En arrivant, le ton est donné avec un cocktail de bienvenue infusé au sirop d’huile de pin gris. C’est rafraîchissant et bien dosé. J’ai craqué pour les bouchées de thym sauvage agencées avec de la charcuterie de canard, le pain d’armoise garni de terrine de foie gras ainsi que le canard grillé rehaussé par des fraises de bois et de la matricaire odorante.

«Cette plante-là, quand on la travaille, ça va donner des arômes qui rappellent l’ananas, un peu herbacé en même temps», souligne le chef, qui est aussi copropriétaire.
Pour le service des plats principaux, je vous conseille le comptoir-chef, qui permet de voir travailler la brigade, dont le sous-chef Anthony Vien, qui est rendu en demi-finale de la saison actuelle des Chefs.

J’ai beaucoup aimé cette proximité avec l’équipe qui vient présenter chacune des assiettes en détail. J’ai adoré le plat de saison avec de l’ail des vignes servi glacé sur des têtes de violon et du poireau d’hémérocalle.

La poudre givrée crée de la fumée lorsqu’elle est déposée, pour un effet wow assuré. Le bol, qui rappelle un boulet de canon, a été fait sur mesure par des artisans pour rendre hommage à l’histoire du bâtiment.
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Le plat signature – qui est sur le menu depuis 5 ans – se démarque par sa sauce au beurre blanc et le caviar d’esturgeon du Québec, clin d’œil au marchand de produits de luxe qui a jadis habité ces caves.

J’ai aussi eu un gros coup de cœur pour le bœuf wagyu du Québec, accompagné de pétales de rose sauvage, ainsi que la bajoue de porc rehaussée de clavalier d’Amérique, un produit exceptionnel qui s’apparente au poivre du Sichuan.

«Les aromates sauvages, il y en a beaucoup plus qu’on pense, me signale le chef. Il y a beaucoup de Québécois qui viennent manger et qui disent: “J’ai l’impression d’avoir voyagé ce soir.”»
Et c’est exactement ce que propose Tanière3, un voyage fabuleux au cœur de notre terroir.
Tanière3
- J’aime: le service hors pair mais non guindé. L’équipe du directeur de salle et copropriétaire Roxan Bourdelais est solide et très humaine dans son approche.
- J’aime moins: les desserts de saison un peu trop axés sur l’acidité et le fruit. J’aurais apprécié une touche plus sucrée en finale.
- Bon à savoir: il faut compter au moins 1000$ pour deux avec l’accord d’alcool, les taxes et le service. Ça vaut le prix quand on tient compte des heures de recherche derrière chaque plat.
- Adresse: 7, rue Don-de-Dieu (près de Place Royale)
- Heures d’ouverture: ouvert du jeudi au dimanche en soirée.

Guide Michelin au Québec: un rêve de plus en plus accessible
François-Emmanuel Nicol ne s’en cache pas: il veut faire de Tanière3 l’un des meilleurs restaurants au monde. Et pour y arriver, il souhaite attirer au Québec le prestigieux Guide Michelin.
Depuis plusieurs semaines, le chef s’active en coulisses et il vient de convaincre ses pairs d’embarquer dans son projet.
L’organisme La Table Ronde, un regroupement de près de 170 chefs de file de la gastronomie un peu partout au Québec, a voté récemment en faveur d’une campagne de séduction auprès de la publication française ainsi que pour faire venir en sol québécois le convoité gala annuel du World’s 50 Best Restaurants.
«Les prochaines étapes pour l’attraction du Guide Michelin nécessitent de plus amples discussions. Nous savons maintenant que la majorité du secteur est favorable à cette initiative», m’indique Debbie Zakaib, directrice générale de l’organisation.
Cela nécessite des investissements, car les représentants du guide sont invités par les villes et traités aux petits soins.
Destination Québec Cité a notamment été sollicitée, tout comme le gouvernement provincial, qui n’a pas fermé la porte à injecter des fonds.
Tourisme foodie important
«Pour moi, l’idée d’avoir le guide au Québec, c’est d’être sur le même pied que les autres destinations canadiennes par rapport au tourisme foodie», plaide le chef Nicol.
Au Canada, seules les villes de Toronto et Vancouver ont leur Guide Michelin, concocté par des «inspecteurs» de l’entreprise qui notent les meilleurs restaurants de l’endroit. On parle beaucoup des étoiles décernées par Michelin, mais les guides contiennent aussi plusieurs recommandations de restaurant qui valent le détour.
Les touristes amateurs de bonnes tables sont de plus en plus nombreux à planifier leurs voyages autour de la bouffe.
«Au Québec, on s’est toujours perçus comme des leaders de la gastronomie, il faut mettre ça de l’avant», lance le chef, qui ne voit pas l’obtention d’une fameuse étoile comme un couteau à double tranchant qui ferait fuir les locaux.
«Ne pas décevoir ma clientèle locale est aussi important pour moi que d’avoir une étoile Michelin.»