Mario Pelchat revient sur les années où il a dû faire autre chose pour gagner sa vie
Patrick Delisle-Crevier
C’est à quelques heures de son 59e anniversaire que nous avons eu la chance de nous entretenir avec Mario Pelchat sur son expérience de coach à La Voix, sur sa vie à la veille de la soixantaine, sur ses 40 années de carrière, sur son couple et sur bien d’autres choses qui passionnent l’artiste, l’homme et le producteur.
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Mario, comment ça va actuellement?
Je vais très bien, même si j’aurai 59 ans sous peu (Mario a eu 59 ans le1er février). J’entre donc dans ma soixantième année de vie. Il me semble que la vie passe si vite! En même temps, je suis heureux et je la savoure pleinement. J’ai de beaux projets, je fais un métier que j’aime, je suis en couple avec une femme extraordinaire et je suis en forme.
Tu es coach à La Voix. Il me semble que c’est un rôle taillé sur mesure pour toi, non?
Oui, je suis content de faire ça, car j’ai toujours carburé au talent des autres. Ça m’a toujours interpellé de faire de la musique avec les autres et c’est pour ça que je suis devenu producteur. D’abord parce que je gagne en liberté et en création artistique en me produisant moi-même, mais aussi parce que je voulais tendre la main à d’autres artistes en production. Travailler avec des artistes à La Voix, c’est un beau terrain de jeu et j’adore ça! Je savoure pleinement chaque moment dans ce projet et c’est un privilège de pouvoir partager mon expérience. J’aime pouvoir donner des outils à ces jeunes talents afin de les aider à avancer dans le métier. Je proviens moi-même d’un concours, alors je sais ce que ça représente comme stress et comme maîtrise de soi.
Au début de l’aventure, tu m’as confié que tu avais vécu un sentiment de rejet au départ, lors des auditions à l’aveugle?
Oui, j’ai trouvé ça difficile de me tourner pour un ou une candidate et de voir qu’il ou elle ne me choisissait pas. À un moment donné, je me suis dit que je sortais d’une autre époque et que certains candidats ne me connaissaient pas. J’ai vécu un petit sentiment de rejet, mais je me suis parlé et j’ai un peu mieux compris le fonctionnement par la suite. C’est certain qu’il y a des candidats que je souhaitais très fort avoir avec moi et qui sont allés ailleurs, et ça fait partie du jeu. Ils ne peuvent pas tous me choisir et je dois travailler un peu plus fort pour charmer la jeune génération. Ils connaissent certainement plus Marc et Corneille que Marjo et moi. Mais en bout de piste, cela dit, j’ai finalement des jeunes qui sont aussi venus avec moi, je suis tellement content de mon équipe!
Qu’est-ce que tu apprends sur toi dans tout ça?
Je me retrouve beaucoup en eux. Certains candidats me font beaucoup penser à moi à leur âge. Ils entrevoient ce métier, tout comme moi à l’époque, avec beaucoup de naïveté et ils sont très candides. En même temps, ils ont tellement de bagou et d’assurance! Ils m’impressionnent et me donnent un coup de jeunesse en même temps. (sourire)
Justement, quel regard portes-tu sur ce jeune homme que tu étais il y a 40 ans?
Un regard doux, avec beaucoup d’amour. Ce jeune homme avait tellement de peurs pour rien. Il n’avait pas confiance en lui et il en a fallu du temps avant qu’il monte sur scène avec assurance. J’étais jeune et naïf. J’ai enregistré mon premier disque à une époque où les directeurs des compagnies de disques prenaient toutes les décisions et où tu n’avais pas un mot à dire sur ta direction musicale. Le milieu est différent aujourd’hui. Les jeunes savent comment ça fonctionne, ils savent où ils veulent aller et prennent aussi souvent leurs propres décisions avec une idée bien précise de ce qu’ils souhaitent faire. Moi, ça m’a pris du temps avant même d’oser écrire mes chansons, et encore plus de temps avant que je m’affirme auprès des gérants et des producteurs artistiques. J’étais un peu mouton.
À partir de quand as-tu été un peu plus lion et fait le disque que tu voulais?
À 35 ans, pas avant. Je ne renie pas ce que j’ai fait avant et j’aime encore mes premiers disques, mais je n’étais pas en pleine possession de ma direction artistique. C’est vraiment à 35 ans que j’ai pris les choses en main. J’ai alors fondé ma compagnie et j’ai produit mon album VII. J’ai aussi écrit et composé une grande partie des chansons de ce disque. Pour moi, les deux premiers disques sont plutôt des essais que des disques qui valent la peine. Ils font partie de ma discographie, mais à leur écoute, on sent bien qu’on est à une autre époque. Pour moi, ma musique a commencé à prendre forme à partir de mon troisième album. Mais je regarde quand même tout ça avec fierté.
En 40 ans de carrière, as-tu eu à faire autre chose pour gagner ta vie?
Oui, j’ai fait autre chose, puisqu’après mes deux premiers albums, je suis allé travailler dans la construction. Mais la musique était en moi et, un jour, sur un plateau de télévision, j’ai rencontré deux personnes qui ont décidé de prendre ma carrière en main: Anthony Ng et Pierre Gibeaud, qui sont tous les deux décédés aujourd’hui. Mais c’est à partir de mon travail avec eux que j’ai commencé à solidifier mon répertoire avec des titres tels que J’ai le blues de toi, Ailleurs, Voyager sans toi, Reste-là, Parfum d’adieu, Quand on y croit, Sur ta musique, On s’aimera un jour, Combien de temps, Près de toi, des chansons qui atteindront toutes la première position du palmarès. Ils ont eu la vision qui a permis de faire décoller ma carrière. C’est grâce à eux que j’ai fait le medley des chansons de l’année à l’ADISQ en 1998. Quand j’ai eu la nouvelle, j’étais sur un chantier de construction et, après cet événement, tout a décollé et j’ai fait ma tournée de spectacles. Je n’ai jamais remis les pieds sur un chantier par la suite.
Te souviens-tu comment est née cette envie de chanter chez toi?
Mes parents étaient des amoureux de la musique, mon père chantait aussi. À quatre ans, j’ai composé une chanson qui était une phrase avec des petits bouts d’une mélodie et je montais des spectacles avec ma sœur Johanne. Ma mère faisait la mise en scène, nous avions des costumes et on donnait des spectacles chez l’un de mes oncles. Il avait un grand balcon qui ressemblait à une scène. Ensuite, j’ai participé à des concours et j’ai gagné. L’année suivante, c’est ma sœur qui a gagné. On s’est donc mis à chanter ensemble en duo dans des mariages. En fin de compte, je ne pense pas avoir eu envie de faire autre chose que de chanter durant toute ma vie.
Ta sœur Johanne est décédée à 16 ans d’une grave maladie. Ce fut un choc pour toi?
Ce fut terrible, et un deuil comme celui-là, tu le portes en toi toute ta vie. Ça fera 44 ans cette année qu’elle est partie, elle aurait 60 ans. On finit par apprivoiser le départ, mais c’est certain que j’ai encore tellement de beaux souvenirs qui sont ancrés en moi. Je ferme les yeux et je me revois avec elle en train de chanter, c’est comme si c’était hier. Elle est partie à 16 ans et, dans ma tête, elle est encore ma grande sœur. Je me souviens qu’elle chantait par plaisir avec moi, mais qu’elle ne souhaitait pas en faire une carrière. Elle voulait une vie plus calme avec des enfants. Elle ne voulait pas sacrifier son anonymat et sa tranquillité pour ce métier.
De ton côté, as-tu trouvé difficile de devoir faire de tels sacrifices pour ce métier?
Non, je pense que pour faire ce métier, il faut être un peu exhibitionniste, être capable d’y laisser une partie de soi, et j’étais prêt à ça. Quand tu fais le métier de la chanson, tu dois être capable de laisser un certain anonymat derrière toi et, en même temps, j’aimais avoir un auditoire. J’ai vite apprivoisé la vie publique. Quand ça a fait un gros boom avec mon troisième album, ma vie a quelque peu changé et j’ai été un peu déstabilisé par tout ça. J’étais soudainement reconnu partout et ça m’a un peu joué dans la tête. Je me suis un peu pris au sérieux et, heureusement, la vie s’est chargée de me ramener à la case départ en m’amenant aussi des coups durs qui sont venus équilibrer les choses et me ramener sur terre.
Tu as eu un grand succès, mais pas de grande carrière internationale. Aurais-tu aimé ça?
J’ai eu une belle carrière qui fut une montée progressive, mais sans grands coups d’éclat. C’est certain que, parfois, j’aurais voulu que ça se passe autrement et que ça fasse boule de neige à l’international. Mais ça n’est pas arrivé et c’est bien correct. À une époque, je voulais une carrière comme celle de Céline, mais je vois ce qu’elle vit aujourd’hui. Il n’y a pas un seul endroit sur la planète où elle peut se déplacer sans attirer les foules et sans être épiée ou poursuivie. Je pense que je n’aurais pas aimé vivre ça. J’aime pouvoir sortir de chez moi et avoir une certaine tranquillité.
Songes-tu parfois à la retraite?
C’est certain que j’y pense parfois. Je me dis que 70 ans, ça serait un beau chiffre pour la retraite. Mais je vais voir si j’ai encore le feu sacré. Je ne veux pas m’accrocher indéfiniment si ma carrière entre en déclin. Je sais que ça va arriver, il y a toujours une fin à tout. Mais je n’aspire pas à une longue carrière comme Charles Aznavour. Je vais peut-être poursuivre, mais je vais choisir mes moments. Je veux vieillir en prenant du temps avec ma femme, Claire, et je veux nous libérer aussi un peu. Avec le vignoble, nous travaillons très fort.
Tu m’as dit dernièrement qu’heureusement que Claire est là, car elle te donne un équilibre...
Oui, je suis chanceux d’avoir une femme comme elle dans ma vie. Nous nous parlons beaucoup tous les deux et nous prenons toutes les décisions ensemble. Des fois, j’ai une idée et nous ne sommes pas nécessairement d’accord, mais si mes arguments sont assez forts, elle va me suivre, et c’est la même chose pour moi. Nous sommes de grands complices. Elle est mon équilibre parce qu’elle est sage et qu’elle a cette faculté de prendre de meilleures décisions que moi. Ça fait 28 ans que nous sommes ensemble, avec, dans tout ça, une séparation de neuf mois pour mieux revenir ensemble.
Vous n’avez pas eu d’enfant. Le regrettes-tu?
C’est certain que j’y pense parfois et que je me dis que j’aurais été un bon père, surtout que les hommes
de mon âge sont actuellement des grands-papas. Je me dis que j’aurais aussi aimé vivre ça. Mais la vie en a décidé autrement et c’est comme ça.
Dis-moi Mario, en terminant, qu’est-ce qu’il te reste à faire que tu n’as pas encore fait?
Je souhaite produire une comédie musicale et toucher au cinéma. J’aimerais vraiment avoir un rôle et explorer un peu le métier d’acteur. Il me semble que je serais un beau grand-papa dans un film. Je lance ça dans l’univers.
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La Voix, dimanche 19 h 30, à TVA. Pour connaître les autres projets de Mario, rendez-vous à mariopelchat.com.