Marilyse Bourke a consulté une psychologue pour son rôle dans Après le déluge
Michèle Lemieux
Il y a parfois un décalage entre ce que les gens projettent et ce qu’ils sont profondément. Alors qu’elle nous semble pleine d’assurance, Marilyse Bourke s’avoue de nature timide et plutôt peureuse. C’est grâce à son métier qu’elle a réussi à mater ce tempérament anxieux et à faire émerger les facettes plus flamboyantes de sa personnalité. Cet automne, elle est de trois projets à la télé, entre autres, Indéfendable.
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Marilyse, vous jouez dans plusieurs séries.
Oui, ce sont des projets fort différents. On m’a soumis des personnages qu’on ne m’avait jamais proposés jusqu’à présent: des êtres magannés, qui ont de la dureté en eux. Dans Alertes, je joue la femme d’un motard. Une fille rock, qui ne s’en laisse pas imposer. La saison a débuté sur un gros drame pour elle et son conjoint. Elle ne collabore pas avec la police. Elle est seule au monde. Ce qui était si sécurisant quand tout allait bien ne l’est plus quand ça va mal. Elle a toujours aimé les gars de pouvoir, qui pouvaient la sauver de n’importe quoi, mais elle réalise combien cet univers l’isole et la fragilise.
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Vous relevez un autre défi dans Après le déluge...
Oui, un autre type de femme écorchée. On suit quatre jeunes dans un quartier chaud qui ont une vie difficile. Une policière, pour les sortir du système judiciaire, les invite à faire du combat extrême pour canaliser leur violence. Je suis la mère de Dylane, l’une des quatre protagonistes. Si la fille porte beaucoup d’agressivité en elle, c’est parce que sa mère est instable, narcissique et même violente. Elle est totalement imprévisible! Pour jouer cette femme, je suis allée voir une psychologue. Je voulais comprendre ce qui pouvait pousser une mère à frapper son enfant. Il ne faut pas associer la violence à la maladie mentale, car ce n’est pas nécessairement le cas.
En tant que mère, ce rôle était-il encore plus dur à jouer?
Jouer ne contamine pas trop ma vie personnelle. Là où j’éprouvais un malaise, c’était face à l’actrice, Charlotte (Blanche Masse), que je devais frapper. Je ne pense pas que ça me soit déjà arrivé de regarder un autre être humain avec de la haine dans les yeux. Même si nous savions que c’était un personnage, je ressentais le besoin de lui demander si ça allait, de la prendre dans mes bras. Je ne suis pas sûre que j’aimerais que mes enfants voient cela, une maman violente. Ils sont trop jeunes. C’est épeurant. Mais c’est extraordinaire de pouvoir aller dans des zones inconnues. Je suis heureuse qu’on m’ait fait confiance pour jouer ce personnage. En vieillissant, on peut porter des choses plus profondes.
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Et bien sûr, Me Cadet revient dans Indéfendable!
Oui. Durant ma carrière, j’ai fait quelques personnages dont on se rappelle le nom: Maggie Malo (Watatatow) et Sonia Compagna (Une grenade avec ça?), par exemple. Maintenant, il y a Me Cadet! Fidèle à elle-même, c’est une joueuse. J’adore faire les plaidoiries!
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Auriez-vous pu devenir avocate?
Mon père dit toujours que c’est comme avocate que j’aurais été la meilleure! Je ne laisse rien au hasard, je gratte, je remets les choses en question, j’argumente. Je me contente rarement de ce qu’on me présente. J’ai de la répartie.
Vous n’avez pas songé à emprunter cette voie?
Le jeu est venu par hasard. Quand j’étais jeune, j’étais trop renfermée pour savoir où était mon potentiel. S’il y a une chose qu’on ne pouvait pas voir en moi, c’était mon côté plus émancipé. J’étais renfermée, peureuse, je laissais la place aux autres. Je n’avais pas une personnalité flamboyante. Ç’a été difficile de me voir actrice ou avocate.
Qu’est-ce qui vous a fait sortir de votre coquille?
J’ai d’abord rêvé d’être psychologue ou médecin. J’étais plus attirée par la relation d’aide que par l’idée de faire des spectacles! Mon métier m’a permis de faire émerger cette personnalité plus flamboyante que j’avais enfouie. Le métier m’a aidée sans trop que je m’en rende compte à sortir de ma coquille, à prendre des risques. Je ne prenais pas beaucoup de risques, et je n’en prends toujours pas beaucoup dans ma vie. J’ai réussi à dépasser cela grâce à mon métier. À trop avoir peur, on ne bouge pas beaucoup. J’ai l’air sûre de moi, mais je suis une petite peureuse... (sourire) Je suis un peu anxieuse. J’ai une propension à imaginer le pire. Je suis en état d’hypervigilance permanent. Je pense que c’est une façon d’être que j’ai développée et qui est liée à mon anxiété. C’est dur à vivre, mais ça vient avec des forces.
À titre de parent, arrivez-vous à travailler sur vous pour ne pas transmettre cette anxiété à vos enfants?
Effectivement, il faut se parler. En même temps, j’ai l’impression que nos enfants ont des antennes et qu’ils peuvent sentir leurs parents. Les gens anxieux sont très sensibles. Ils sont touchants, parce que près de leur fragilité. On sent le petit enfant en eux. Ils nomment les choses, comprennent les difficultés des autres. Ils sont très empathiques. Je suis super bien outillée pour comprendre et accueillir l’anxiété. Peut-être que maman aura transmis un peu d’elle, notamment l’anxiété, mais elle sera là pour les aider. Ceci étant dit, je crois qu’on ne joue pas la vie de notre enfant dès qu’on ouvre la bouche! Avancer en âge permet de remettre les choses en perspective: ma maison n’a jamais explosé, je me suis toujours rendue à mes journées de travail. Il ne s’est jamais rien produit de grave!
Avec le temps, vous avez appris à mieux gérer cette facette de votre personnalité?
Je pense qu’on se connaît mieux avec le temps. Je vais toujours rester ce que je suis, mais j’ose croire que je me bonifie à force de parler, de discuter avec des gens intéressants. Je pense qu’on apprend à être un peu plus indulgent. Plus jeune, on a des certitudes, on pose des jugements plus radicaux. Donc, j’ai un peu plus d’indulgence envers moi-même. Au final, les gens qui montrent leurs travers et qui parlent ouvertement de leurs défauts sont généralement ceux qui attirent le plus les autres, car ils se permettent d’être eux-mêmes.
Vous vous accommodez bien des périodes tranquilles comme des périodes chargées sur le plan professionnel?
Je m’accommode bien des périodes tranquilles quand je sais que quelque chose s’en vient pour moi. On n’a aucune sécurité. C’est notre réalité. Il m’est arrivé une fois que tout s’arrête; je n’avais rien devant moi. C’est un métier où on est choisis. Ne pas pouvoir gérer soi-même sa vie professionnelle est une posture difficile. À 46 ans, je trouve difficile de me demander si je vais encore travailler. C’est étrange, car en théorie, on est censé être au top de sa carrière, mais dans ce métier, c’est un éternel recommencement. Et ça, je trouve ça difficile.
Indéfendable est diffusée du lundi au jeudi 19 h, à TVA.
On peut suivre aussi l’actrice dans Alertes, le lundi 21 h, à la même chaîne, et dans Après le déluge, le jeudi 21 h, sur Noovo.