Marie-Thérèse Fortin : ce qui attend Judith dans la 2e saison de Les moments parfaits
Pascale Wilhelmy
Cette saison, on retrouve avec bonheur Marie-Thérèse Fortin sur nos petits écrans, où elle reprend son rôle de Judith dans Les moments parfaits et campe un nouveau personnage dans Cerebrum. Une fois de plus, la qualité de son interprétation, très humaine, fait d’elle une des grandes actrices de sa génération. Un compliment qu’elle n’ose accepter qu’avec réserve et humilité, avant d’avouer: «Ça vient sans doute de mon éducation.»
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Marie-Thérèse, vous faites partie de nos rendez-vous télévisuels depuis des années. On vous retrouve pour une seconde saison dans Les moments parfaits...
Oui, je suis de retour dans cette série que j’aime et qui raconte l’histoire d’une famille. En fait, c’est une forme de saga familiale. Cette saison, Judith, mon personnage, évolue. Au départ, lorsqu’on l’a connue, elle était en rupture. Son conjoint s’était remarié avec une femme plus jeune. Elle se sentait mise à l’écart et avait de la difficulté à accepter que tout le monde se soit accommodé de la situation. Judith était dans son coin, esseulée, frustrée et fâchée. Dans la première saison, on l’a vue renouer avec la famille, ses enfants, ses petits-enfants et même son ex-conjoint, avec qui elle a enterré la hache de guerre.
Ça se passe donc mieux pour Judith dans la seconde saison?
Oui, elle cherche vers quoi la relation avec les siens va se développer. Elle estàuntournantdesavie.Ilyades questions qui vont surgir, qui ne sont pas réglées. Elle va s’occuper davantage d’elle-même et tenter de trouver quelle est sa vie à elle. Judith va aussi renouer avec ses premières amours. Elle était chanteuse populaire dans sa jeunesse, et elle va se demander si elle peut retourner dans le domaine et si elle a encore des choses à dire. En fait, son amour pour la musique, elle l’a toujours. Judith est dans la soixantaine. Elle est encore en santé, en forme, et elle tente de répondre à des questionnements sur sa situation. Qu’est-ce qui lui reste à elle? De quoi a-t-elle envie? Elle navigue à travers tout ça. Et elle reste une femme qui aime son monde, qui ne veut pas se déconnecter. Elle est très concernée par tout ce que vivent ses proches.
Est-ce que le personnage vous ressemble?
Oui, à certains égards. Je suis également rassembleuse. Je suis heureuse quand je suis avec ma famille, mes enfants. J’aime aussi mes pairs, les équipes avec lesquelles je me trouve. Le réalisateur m’a dit que j’avais apporté à Judith quelque chose de différent, un peu de tempérament, je dirais. C’est une femme lucide qui dit vraiment ce qu’elle pense. Malgré sa situation, sa rupture, je ne voulais surtout pas faire d’elle une victime. C’est une fille intelligente qui est capable d’aimer beaucoup, mais elle ne laisse pas passer grand-chose. Disons qu’elle n’a pas de messager, elle livre elle-même ce qu’elle pense! (rires)
Vous incarnez un autre personnage qui dit tout ce qu’il pense, cette fois dans Cerebrum, qu’on verra aussi à la rentrée...
Oui, c’est un rôle éclaté! Je devais déjà jouer dans la première saison, mais les dates ne convenaient pas. Cette fois, Richard Blaimert, qui a écrit la série — et avec qui j’ai travaillé à mes débuts à la télévision —, m’a proposé un rôle en me disant: «On veut que ce soit toi.» Lorsque j’ai lu le scénario, ç’a été une surprise. Ça m’a amenée complètement ailleurs. Un contre-emploi, c’est le fun pour une actrice! Je joue souvent les femmes mûres qui ont beaucoup d’autorité et qui veillent sur les autres. Là, j’incarne une femme qui souffre sans le savoir d’une maladie dégénérative qui fait qu’elle n’a plus de filtre! Elle dit tout, et c’est parfois cru! J’ai une fille qui est infirmière et je lui ai parlé du rôle; elle m’a confirmé que c’était véridique. Les gens qui travaillent en neurologie ont parfois des surprises. Les patients ne se rendent pas compte de leur état, mais leurs familles sont parfois démontées, un peu choquées par leurs propos... Donc, cette femme-là, zéro filtre! Il y a eu une première diffusion sur les canaux spécialisés, et la surprise n’a pas été seulement pour moi, mais aussi pour le public. On m’a beaucoup parlé de ce personnage!
Avant de devenir une personnalité aimée et connue du grand public, vous étiez très investie dans le théâtre. Vous en faites toujours. Vous êtes allée jouer à Paris il y a quelques mois, et ç’a été un beau succès... Vous rêvez de travailler là-bas plus longtemps?
Il faudrait que je m’y installe pour plusieurs mois, mais je ne sais pas si j’en ai envie. J’ai tourné dans un film français, Le fils de Jean, qui a reçu d’excellentes critiques. Il y a quelques années, lorsqu’on a présenté Les Belles-sœurs en France, une agence m’avait contactée, mais il n’y a pas eu de suite. Pour travailler là-bas, il faut y consacrer du temps, ce que je n’ai pas fait. D’abord j’ai des enfants; ensuite, connaissant le cinéma français, je pense qu’on y mise beaucoup sur la jeunesse. Et j’ai 60 ans. Je suis certaine qu’il y a plein de très bonnes actrices de 60 ans en France qui rêvent de tourner chez elles! (rires)
C’est vrai... Quand même, je vous écoute, j’ai aussi lu des entrevues de vous, et il y a toujours cette part d’humilité qui me surprend, alors que vous êtes, ici, une des plus grandes comédiennes. Or vous êtes presque trop modeste...
Ce n’est pas la première fois qu’on me fait la remarque. Bon, je ne me l’explique pas... Ça montre sans doute qui je suis. J’ai toujours pensé que nous exercions un métier. C’est de l’artisanat. À chaque rôle, c’est à recommencer. On se démène avec les mêmes démons, on fait face à nos limites. Au fond, je ne suis jamais sûre de ce que je fais. Je n’ai jamais dit: «Regardez-moi aller!» Et quand je parle de mon métier, je sais quand même une chose: il n’y a jamais rien d’acquis.
Vous avez confiance en votre talent, tout de même...
Oui, je suis consciente que les gens m’apprécient, qu’ils aiment mes personnages, ma manière de jouer et j’en suis très reconnaissante. Mais, au bout du compte, chaque jour sur scène ou sur les plateaux de tournage, ça recommence. Il faut donner le meilleur de soi-même. Et même si j’ai cette confiance, je continue d’espérer qu’on va penser à moi. Qu’on va rêver à moi. Au fond de moi, je souhaite que quelqu’un dise: «Je veux que ce soit elle qui joue ça», pour le plaisir que j’aurais de jouer. Je serais incapable de voir ces propositions en pensant: «Je suis une grande actrice! Je le mérite!» Ce n’est pas moi. Je pense que c’est très lié à mon éducation. Mon père nous mettait toujours en garde, nous, ses enfants, contre la tentation de nous enfler la tête! Je viens d’une famille modeste d’agriculteurs. Déjà, que je veuille faire du théâtre, ç’a été une surprise totale pour mon père. Il se demandait ce que j’avais mangé pour avoir de pareilles idées! Mais, au-delà de tout ça, je ne peux quand même pas aller contre ma nature... ni mon éducation! (rires)
Votre nature est aussi celle d’une fille rassembleuse. Je vous ai vue dans certains galas, les gens venaient vous saluer, vous embrasser, visiblement très heureux de vous retrouver...
Pour moi, on est une grande famille. Je suis heureuse avec mes collègues, et je tiens beaucoup au respect, à l’entraide. On fait un métier collectif. Ne pas comprendre ça, c’est ne rien comprendre du tout. Notre travail dépend du caméraman, de la personne aux accessoires, de celle aux costumes. Tous travaillent très fort, dans des conditions qui ne sont pas celles de Hollywood! On fait tout avec moins d’argent, plus rapidement. Ici, au Québec, tout le monde travaille avec beaucoup de cœur. Et j’ai ce souci que sur les plateaux ou les scènes où je travaille, les gens soient bien avec moi... Au théâtre soir après soir ou lorsqu’on part en tournée, il y a des liens qui se tissent. Et c’est vrai que j’ai besoin de sentir et de faire en sorte que ceux qui m’entourent soient heureux.
En terminant, que peut-on vous souhaiter, Marie-Thérèse?
La réponse est toute simple: «Qu’on rêve de moi, plus que moi je ne rêve d’autres projets.» Parce qu’au fond, le plus grand cadeau, dans ce métier, c’est qu’on rêve de nous. Qu’on nous voie dans un rôle sans qu’on le sache. Qu’on reçoive un coup de téléphone un jour, ou encore un message écrit, pour nous dire: «Je veux que ce soit vous.» J’ai la chance que ce soit arrivé dans ma carrière. Et c’est la plus belle des choses!
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