Marc Messier heureux dans son rôle de père
Patrick Delisle-Crevier
À 75 ans, le comédien continue de mener une carrière fort active, et pas question pour lui de songer un seul instant à la retraite. Oui, il appuie plus souvent qu’avant sur la pédale de frein et se permet de refuser un rôle ici et là quand la proposition lui plaît moins, mais l’homme demeure toujours aussi passionné par son métier. On peut le voir en ce moment dans le film Les hommes de ma mère réalisé par Anik Jean et il a aussi recoiffé la perruque orangée du coloré Réjean dans La petite vie. Entrevue avec Marc Messier.
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Marc, parle-moi de ton personnage dans Les hommes de ma mère...
J’incarne J.-A., un homme qui a mon âge, mais qui est beaucoup plus usé que moi. Il habite dans un CHSLD, il est seul, n’a presque jamais de visiteurs et est très hypothéqué par la vie. C’est un personnage très touchant. C’est un monsieur qui est malheureux et qui souffre de la maladie de Parkinson. Sa vie change lorsque cette jeune femme, dont il a connu la mère, débarque un jour pour le voir. Ils se feront du bien mutuellement. J’ai beaucoup aimé jouer ça.
C’est plutôt rare qu’on te voie jouer des personnages fragiles...
Effectivement, et j’ai trouvé ça intéressant à jouer. J’ai parfois joué des personnages désemparés, je pense entre autres à mon personnage dans le film Le pacte des anges. Mais il m’est effectivement arrivé peu souvent de jouer un personnage aussi vulnérable que celui de J.-A. C’est un homme usé, et j’ai vraiment voulu montrer cette fragilité. Je ne suis pas encore fragile comme lui, mais je sais très bien qu’à mon âge, tout peut basculer en une journée. Dernièrement, mon frère, qui était à peine plus vieux que moi, est décédé. Je pense aussi à mon ami Michel Côté, dont la vie a basculé à cause de la maladie. Je sais que ça peut arriver. Mais pour le moment, je suis en pleine forme et je savoure la vie.
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Est-ce difficile pour toi de vieillir et est-ce que ça occupe beaucoup tes pensées?
C’est certain que oui, et surtout lorsque j’ai tourné dans la série Avant le crash — j’incarnais quelqu’un qui avait un cancer et qui allait mourir —, parce que c’est à la même époque que mon ami Michel Côté est tombé malade. J’ai aussi pensé à mon frère Roland, qui est lui aussi décédé d’une longue maladie. Ce sont des diagnostics brutaux et difficiles à encaisser. Mais la mort, ça fait partie de la vie. Je ne suis pas hypocondriaque, mais je fais attention à moi. Je sais que le vieillissement est là, même si je n’en sens pas encore les effets et les inconvénients.
Songes-tu à la retraite?
Non, même que ça ne fait pas partie de mon vocabulaire. En ce moment, plusieurs gars de mon âge dans mon entourage sont à la retraite. Je pense même que je suis le seul qui travaille encore. Mais j’aime ça comme ça. Je suis dans une belle période de ma vie. Je me permets de dire non à des rôles qui m’intéressent moins et de dire oui à ceux qui me stimulent. Je n’ai pas de problème à dire non, j’ai une sécurité financière et je n’ai pas besoin de travailler. J’aime avoir des temps libres et avoir plus de temps à consacrer à mes enfants. Quand j’ai eu ma première fille, à 40 ans, j’étais un père absent, parce que je travaillais beaucoup. J’ai pu me reprendre plusieurs années plus tard avec mes deux plus jeunes.
Tu as fondé une nouvelle famille 20 ans après la naissance de ton premier enfant. Comment as-tu vécu ça?
J’ai aimé ça, parce que sincèrement, en tant que père, j’étais resté sur ma faim. Quand ma fille Gabrielle est née, j’avais à peine 40 ans et je menais une carrière de fou. J’étais moins présent. Avec mes deux autres enfants, qui ont 16 et 20 ans aujourd’hui, j’ai pu me reprendre. Je pense que j’ai été un meilleur père la deuxième fois. Depuis que je suis séparé, je les ai en garde partagée et je profite pleinement de ma semaine avec eux. Ils représentent la stabilité dans ma vie.
Est-ce que tu voulais des enfants?
Pas nécessairement, même qu’à l’époque, personne autour de moi ne pensait un seul instant que j’allais un jour avoir des enfants. Ce n’est que vers l’âge de 35 ans, quand j’ai rencontré une fille qui, elle, voulait absolument un enfant, que je me suis lancé. J’ai aimé ça au point d’en avoir deux autres d’une autre union par la suite.
As-tu été le genre de père que tu croyais être?
Sérieusement, je pense que je suis un meilleur père que je pensais l’être. Je tente d’être le plus présent possible et d’être à l’écoute de leurs besoins. Une chose que je sais, c’est qu’être père, ça me rend heureux et que j’aime passer du temps avec mes enfants.
L’un de tes enfants s’intéresse-t-il au métier de comédien?
Non, pas pour le moment. Ma fille est encore jeune, alors on ne sait jamais. Mais mon fils, lui, je ne pense pas, et pourtant, je suis certain qu’il serait bon. Ma plus vieille, quant à elle, enseigne la biologie à l’université.
Tu es toujours célibataire. Comment vis-tu le célibat?
Je suis très bien dans cette nouvelle vie. Je prends du temps pour moi. Et c’est une vie différente, parce que j’ai longtemps été dans une vie à deux. J’ai eu à apprivoiser tout ça, mais je suis heureux.
Quels sont tes projets à venir?
À la fin de l’été, je vais reprendre les tournages de la série À cœur battant. J’y joue Hervé Dubois, un homme qui a tué sa femme et sa secrétaire. Il obtient une libération conditionnelle et tente de retrouver sa fille pour avoir son pardon. C’est un personnage intéressant et compliqué. Je suis aussi au Théâtre La Marjolaine avec mon spectacle solo. Sinon, je travaille beaucoup sur ma terre, sur ma maison de campagne. Je lis des livres, je fais du vélo, je joue au tennis.
As-tu eu la carrière que tu pensais avoir?
J’ai eu une carrière pas mal plus intéressante que ce à quoi je m’attendais. J’ai eu de beaux rôles. Quand je suis arrivé dans ce métier, je ne faisais pas de projection de carrière. J’espérais que les gens allaient aimer ce que je faisais et je voulais simplement gagner ma vie à jouer des personnages devant les caméras et au théâtre. Mais ça s’est passé beaucoup mieux que je ne l’espérais, avec de magnifiques rôles, comme ceux de Marc Gagnon dans Lance et compte et de Réjean dans La petite vie, et à jouer soir après soir au théâtre dans Broue.
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Justement, le fait de recoiffer la perruque orangée de Réjean, comment ça s’est passé pour toi?
J’ai eu beaucoup de plaisir à retrouver cette belle folie, ce beau groupe et les techniciens, qui étaient presque les mêmes qu’il y a 30 ans. Ç’a été une magnifique opportunité pour moi. J’ai recoiffé mon personnage avec plaisir et ça revient vite grâce à la force du texte. Sa coiffure a un peu évolué, mais il n’a pas vraiment changé, et ç’a été un grand plaisir de renouer avec ce personnage après 30 ans.
Est-ce le personnage de Marc Gagnon dans Lance et compte qui a été le plus marquant pour toi?
Oui, il a été très important, parce que jouer ce rôle, ça a changé beaucoup de choses dans ma vie professionnelle, puisque je faisais beaucoup de théâtre et de comédie avant de jouer Marc Gagnon. Je suis arrivé avec ce rôle plus dramatique, un homme de mon âge, et dans l’une des premières séries importantes au Québec. Ça a fait un gros boum pour moi. À cette époque, il n’y avait pas 38 séries par année, il y en avait une ou deux. Mais je dois aussi dire que de jouer chaque soir dans Broue avec mon bon ami Michel Côté, ç’a aussi été un grand privilège.
Parle-moi de ton dernier moment avec lui...
On s’est parlé quelques jours avant qu’il nous quitte. On savait depuis quelque temps qu’il allait partir. Il avait eu un diagnostic qui ne lui laissait pas beaucoup de chances de s’en sortir. Il était atteint d’un cancer incurable et il s’est battu courageusement jusqu’au bout. Il a tout essayé et il a été fort impressionnant. Il a eu des cycles très pénibles, des effets secondaires, et il a survécu à tout ça pendant une année et demie. Son départ me fait beaucoup de peine, parce qu’il a toujours fait partie de ma vie. On a joué sur scène pendant des années. J’ai été très touché par son départ. Je suis très attristé et il me manque...
À cœur battant, mardi 20 h, à Radio-Canada, dès le 12 septembre.
Les nouveaux épisodes de La petite vie seront présentés en octobre sur Tou.tv Extra.
Pour en savoir plus sur la tournée de son spectacle Marc Messier: Seul... en scène!.