Malgré la guerre, la vie culturelle continue en Ukraine
Andrea Lubeck
Combattre l’ennemi russe par la culture: c’est le pari que font Andrii Yankovskyi et Diana Berg, à l’origine de diverses initiatives culturelles en Ukraine. Dans le cadre de Montréal au Sommet de la nuit, ils nous expliquent comment la scène underground reste bien vivante malgré les horreurs de la guerre.
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La scène culturelle ukrainienne n’avait jamais été aussi vibrante. Malgré la pandémie, 2021 a été une année faste avec un nombre sans précédent de visites d’artistes de partout dans le monde; 2022 s’annonçait encore mieux.
«L’intérêt envers la vie nocturne et la culture avait augmenté comme jamais auparavant. Il y avait beaucoup de nouveaux espaces culturels en émergence et des projets se préparaient, tant à Kyïv que partout au pays», relate Andrii Yankovskyi, propriétaire du bar HVLV dans la capitale ukrainienne.
Mais le 24 février, tout a basculé. La Russie envahit l’Ukraine et la vie de ses habitants est chamboulée. «Maintenant, tout le milieu culturel se retrouve dans un état d’incertitude», ajoute Andrii Yankovskyi.
Un retour petit à petit
Dans les États occupés de l’est, «la vie est un enfer sur terre» où toute la culture est mise sur pause, souligne Diana Berg, du centre culturel TU à Marioupol. Mais dans les régions de l’ouest, plus tranquilles, la vie culturelle reprend petit à petit.
Là où on trouve un semblant de normalité – «quand il n’y a que trois missiles qui fendent le ciel, c’est une journée normale» – les événements culturels qui se déroulent ont tous le même but: amasser des fonds pour soutenir l’armée et les Ukrainiens, en plus de sensibiliser le reste du monde à leur réalité.
«Au début, on fait tout pour aider l’armée. Puis, on comprend qu’il faut que l’on continue de vivre et que l’on doit normaliser la vie en temps de guerre le plus possible. C’est très difficile de rester mobilisé émotionnellement et mentalement et les activités culturelles sont très thérapeutiques et bien accueillies, même dans les villes près des lignes de front», illustre Diana Berg.
À la source de l’information
Fundradio, une initiative qu’Andrii Yankovskyi a mise sur pied, en est une. Presque chaque jour, vers 16h20 heure locale, on peut entendre des musiciens et des DJs, mais aussi des citoyens venus expliquer comment se déroule la vie à Kyïv en temps de guerre en direct du quartier Podil, qualifié comme le moteur de la scène underground ukrainienne.
«J’étais en Équateur quand l’invasion a commencé. Plutôt que de revenir chez moi, j’ai décidé d'aller quelque temps [ailleurs] en Europe. C’est là que j’ai constaté que l’idée que se fait le reste du monde de la guerre chez nous n’est pas tout à fait exacte. J’ai donc pensé à faire cette émission de radio pour offrir de l’information légitime en anglais sur la situation, mais aussi pour promouvoir nos artistes», explique-t-il.
Défendre les valeurs démocratiques
Plus que jamais, la culture agit comme véritable défenderesse des valeurs démocratiques et des droits humains, et c’est pourquoi il est important de la maintenir en vie malgré la guerre, affirme Diana Berg.
«Les Russes veulent délibérément exterminer la culture, l’histoire et l’identité ukrainienne. On l’a vu lorsqu’ils ont détruit les institutions historiques de Marioupol et d’ailleurs», dit-elle.
Elle plaide pour le développement de pratiques commémoratives afin de ne jamais oublier qui sont les Ukrainiens. «L’après-guerre sera une époque intéressante pour nous. Je crois que l’on assistera à une renaissance de la scène artistique ukrainienne et de la place de nos artistes dans le monde.»
«Nous voulons que le monde comprenne que l’Ukraine est totalement indépendante et séparée de la Russie. Notre culture est différente, nous voulons la préserver et c’est pourquoi nous lui donnons une voix aujourd’hui», conclut Andrii Yankovskyi.