Macron toujours favori de la présidentielle en France
AFP
Servi par une campagne sans grand relief et des opposants qui peinent à s’imposer nettement, le président sortant Emmanuel Macron, pas encore officiellement candidat, apparaît toujours comme le favori de l’élection présidentielle d’avril en France.
Soucieux de s’afficher en homme d’Etat concentré sur les grandes affaires du moment - gestion de la situation sanitaire en France, diplomatie tous azimuts autour de la crise ukrainienne -, Emmanuel Macron n’est toujours pas entré dans l’arène de la présidentielle et retarde l’annonce d’une candidature qui ne fait pas le moindre doute.
Au grand dam de ses rivaux, qui l’accusent de faire campagne sans le dire, et pour son propre bénéfice, puisque cette situation lui profite jusqu’à présent.
Le président sortant reste en effet stable depuis des mois dans les intentions de vote, autour de 25% au premier tour, et gagnant au second tour quel que soit son adversaire.
Face à lui, une extrême droite assez forte mais divisée entre deux candidats, Marine Le Pen (17,5% au premier tour selon un récent sondage) et Eric Zemmour (14,5%), et une gauche affaiblie dont aucun des quatre principaux représentants ne dépasse les 10%.
La candidate de la droite républicaine, Valérie Pécresse, qui apparaissait comme la rivale la plus dangereuse pour Emmanuel Macron, commence à perdre des points dans les sondages, à 15,5%.
«Macron essaie de maximiser son statut de président, car c’est ce qui le différencie des autres candidats. Il a tout intérêt à maintenir cette image, parce que c’est essentiellement ce qui met ses adversaires à distance», analyse le politologue Gaspard Estrada.
Se déclarer le plus tard possible est une stratégie déjà utilisée par ses prédécesseurs. En 1965, le général de Gaulle s’était officiellement lancé un mois avant le scrutin, tactique répétée avec succès en 1988 par le socialiste François Mitterrand.
À deux mois du premier tour de l’élection, prévu le 10 avril, «“on ne voit pas dans les sondages une tendance qui met en danger le président», constate M. Estrada.
«Tous ces équilibres peuvent être bousculés mais, à ce stade, le vote pour Emmanuel Macron prend les allures d’un choix par défaut. Un choix par dépit même, si l’on observe le peu d’enthousiasme pour cette présidentielle», estimait un récent éditorial dans le quotidien Le Monde.
Volatilité
Élu en 2017 quand personne ne l’attendait, après avoir bénéficié du discrédit des autres candidats, de l’éclatement des partis traditionnels, et du vote barrage à l’extrême droite lorsqu’il s’est retrouvé face à Marine Le Pen au deuxième tour, M. Macron, 44 ans, vise un second mandat crucial pour mener à bien des réformes inabouties et sculpter son image dans l’histoire.
S’il gagne en avril, il sera le premier président à être réélu pour un second mandat depuis Jacques Chirac en 2002. Le président de droite Nicolas Sarkozy et le socialiste François Hollande n’ont fait qu’un seul mandat.
Toutefois, l’incertitude reste élevée et beaucoup de choses peuvent changer d’ici avril, nombre d’électeurs n’ayant pas encore fait leur choix, et le risque d’abstention restant élevé.
Signe de la volatilité de la situation politique, 39% des électeurs n’ont pas exprimé de choix, selon une récente étude. Parmi ceux-ci, 20% sont de «probables votants», et 19% de «probables abstentionnistes».
«Tant qu’on n’a pas la configuration définitive des candidatures, début mars, après la validation des parrainages, on est sur du vent», juge Anne Jadot, maître de conférence en science politique à l’Université de Lorraine. On ne peut exclure «l’élimination d’un candidat important, faute de parrainages suffisants, qui rebattrait les cartes», souligne-t-elle.
Un candidat à la présidentielle en France n’est validé qu’après avoir obtenu 500 parrainages d’élus, maires ou parlementaires. Pour l’heure, seul M. Macron, bien que non candidat, les a obtenus. Certains candidats, notamment Marine Le Pen et Eric Zemmour, sont à la peine.
La liste définitive des candidats sera annoncée le 7 mars par le Conseil constitutionnel.
Une extrême droite conquérante mais déchirée
Avec près d’un tiers des intentions de vote, l’extrême droite française aborde l’élection présidentielle en position de force, mais divisée entre Marine Le Pen, sa dirigeante encore incontestée il y a quelques mois, et un nouveau venu, l’ex-polémiste Eric Zemmour.
Les derniers sondages donnent invariablement le président sortant Emmanuel Macron largement en tête au premier tour et réélu au second, mais une féroce bataille pour la deuxième place oppose la candidate de droite Valérie Pécresse, à Eric Zemmour et Marine Le Pen, avec généralement un léger avantage pour cette dernière.
Candidate pour la troisième fois, battue en 2017 par M. Macron, elle a édulcoré certains aspects de son programme, renonçant à la suppression de la double nationalité ou à la sortie de la France de l’Union européenne (UE).
À rebours de l’entreprise de «dédiabolisation» du Front national (FN), rebaptisé Rassemblement national (RN), engagée par Marine Le Pen depuis une décennie, Eric Zemmour la déborde sur sa droite, par une campagne très agressive envers l’immigration et l’islam.
«Ce qui est en jeu, c’est le leadership de l’extrême droite, avec deux profils très particuliers», explique à l’AFP Stéphane François, professeur de science politique à l’université de Mons (Belgique).
«D’un côté, on a Marine Le Pen qui essaye d’adoucir son discours», ajoute-t-il, de l’autre Eric Zemmour «met de l’huile sur le feu et envoie des messages aux plus radicaux de l’extrême droite».
Eric Zemmour focalise ainsi son discours sur la notion controversée d’un “grand remplacement” de la population européenne par une population immigrée non européenne et d’une «guerre de civilisations» dont la France serait le théâtre.
«Il y a un problème majeur, qui est le grand remplacement du peuple français par un autre peuple, par une autre civilisation», a-t-il réaffirmé lundi sur la radio France Inter.
«Recomposition de l’espace politique»
Marine Le Pen lui a reproché dans une interview au Figaro la semaine dernière de recycler dans son parti «une série de chapelles», «venues puis reparties» du FN : «les catholiques traditionalistes, les païens, et quelques nazis».
Elle a surtout accusé Eric Zemmour, chantre de «l’union des droites» entre droite et extrême droite, de se battre «pas pour gagner mais pour tuer» son parti par les débauchages d’élus, dont plusieurs eurodéputés. Selon elle, «seule la mort du RN et l’échec de Marine Le Pen peuvent lui permettre d’envisager une recomposition fantasmagorique de l’espace politique en 2027, 2032 ou 2039».
Un de ces transfuges, l’avocat et eurodéputé Gilbert Collard, s’est étonné que Marine Le Pen utilise contre Eric Zemmour le discours de la gauche et des associations antiracistes contre son propre parti. «Quand il n’y aura plus personne au Rassemblement national, elle va finir présidente de SOS Racisme», a-t-il raillé sur la radio RTL.
Marine Le Pen s’est encore efforcée samedi d’humaniser sa candidature, se livrant pendant dix minutes à la fin de son meeting à Reims (nord-est) sur les «épreuves» de sa vie, personnelle et politique, un exercice plus courant dans les campagnes électorales américaines qu’en France.
«Le problème, c’est que l’extrême droite, c’est l’image de la force. Quand vous fendez l’armure, ça peut être ressenti comme une faiblesse», estime Christian Delporte, spécialiste en communication politique et historien des médias, estimant que «ça ne l’aidera pas à récupérer l’électorat d’Eric Zemmour» séduit par une rhétorique plus brutale.
En revanche, cette séquence peut «l’aider à récupérer des franges de l’électorat de Valérie Pécresse», selon Christian Delporte.
À l’acrimonie de la joute politique à l’extrême droite s’ajoute une facture familiale puisque la nièce de Marine Le Pen, Marion Maréchal, ex-députée qui souhaite «refaire de la politique», a exprimé sa préférence pour la candidature d’Eric Zemmour.
Le patriarche Jean-Marie Le Pen, fondateur du FN et exclu du RN par sa fille Marine en 2015 après de nouveaux propos controversés sur la Shoah, lui a apporté son soutien. «Je ne comprends pas que Marion soutienne un inconnu par rapport à la famille, si sympathique soit-il», a-t-il confié au Journal du dimanche.