Macha Grenon explique pourquoi elle se fait aussi discrète sur sa vie personnelle
Patrick Delisle-Crevier
Ces jours-ci, Macha Grenon se glisse dans la peau de Marsha Klonitsky, la maman de Leonard Cohen, dans la série So long, Marianne (À Marianne de Leonard). Rare rencontre avec la comédienne, qui nous parle de ce magnifique rôle, de sa carrière, de sa discrétion et de sa cinquantaine, qu’elle savoure pleinement.
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Macha, comment vas-tu ces jours-ci?
Je vais très bien. J’ai passé un très bel été. J’en ai profité pour voir les gens que j’aime et sortir un peu de la ville. Ç’a été un été calme et doux.
Tu incarnes la maman de Leonard Cohen à l’écran. Ça représente quoi pour toi?
Ce fut une expérience incroyable, car je suis une grande fan de Leonard Cohen. Nous avons tourné les scènes dans le quartier où était située la maison familiale, dans une maison similaire, à quelques pas de la vraie. Habituellement, avant une audition, c’est surtout le trac qui nous habite, mais là, c’était un sentiment d’immense privilège que d’auditionner pour ce rôle. J’ai aussi vécu une drôle de synchronicité, comme si les astres étaient alignés...
Explique-moi ça.
Le matin de mon anniversaire, j’avais une deuxième audition par Zoom. Un des techniciens qui a tourné les scènes de la série à Hydra pour la production était mon premier amoureux. Nous nous écrivons toujours à nos fêtes. Donc, le matin de ma fête, j’ouvre mon cellulaire et la première chose que je vois, c’est son texto. «Bonne fête d’Hydra», avec une photo de l’île d’Hydra, en Grèce. La série porte sur un pan de la vie de Leonard et sur son histoire d’amour avec sa muse, Marianne, qui a commencé à ce moment. Mon ami Nico n’avait aucune idée que j’avais auditionné pour le rôle. J’ai donc reçu une photo du plateau le matin de ma deuxième audition, et lors de mon Zoom avec le producteur montréalais, Pablo, le jour de ma fête, il m’a offert le rôle. Il n’y a pas de hasard.
Comment se prépare-t-on à jouer un tel rôle?
Il y a quelque chose de très intimidant dans le fait de jouer quelqu’un qui a existé. On veut respecter le souvenir de cette personne. Comme cette série se concentre sur un moment bien précis dans la vie de Leonard Cohen — les années 1960 et son histoire d’amour avec Marianne —, c’est certain que mon personnage incarne la tradition, quelque chose de plus sévère. Mais cette femme n’était pas que ça. On le sait: la spiritualité et la musique de Leonard Cohen lui viennent de sa maman. Mais on ne voit pas cet aspect dans cette série. Ce qu’on voit, c’est son désir à elle que son fils ne prenne pas trop le champ gauche, et l’inquiétude qu’elle entretenait à son sujet lors des profonds épisodes dépressifs. Bien sûr, j’ai voulu comprendre son histoire pour bien jouer Marsha et j’ai aussi voulu travailler avec un coach de dialecte. Je trouvais intéressant qu’il y ait une légère musique des pays de l’Est dans son accent, car elle était une immigrante lithuanienne.
Que retiens-tu du tournage?
Ce fut un grand bonheur créatif! Je faisais la plupart de mes scènes avec Alex Wolff, qui incarne Leonard Cohen. Il était transcendant dans son rôle. Il entrait sur le plateau et on avait l’impression qu’il était déjà habité par quelque chose. J’ai aussi eu quelques scènes avec Thea Sofie Loch Næss, qui incarne Marianne. J’ai vraiment eu l’impression de travailler avec des forces créatives, et cela m’a allumée complètement.
Quels sont tes autres projets?
Je vais faire complètement autre chose, puisque je me joindrai à la compagnie québécoise Le Théâtre de la Dame de Coeur. Je prêterai ma voix à plusieurs marionnettes géantes. Je travaille avec eux depuis des années et c’est vraiment un grand bonheur. Pour le moment, on ne me voit pas ailleurs que dans So Long, Marianne (À Marianne de Leonard) à la télévision.
Tu me disais que tu avais passé une audition pour décrocher ce rôle. Quel est ton rapport à cet exercice?
Je n’ai aucun problème à devoir passer une audition. Surtout dans ce cas-ci; je peux comprendre, car ce sont des gens qui proviennent de l’étranger. Notre réalisateur est norvégien, alors il ne savait pas qui était Macha Grenon. Et dans un cas comme celui-ci, je suis contente d’avoir auditionné et d’avoir décroché le rôle. Ça peut tellement être intimidant à jouer, comme personnage, que de commencer en me disant que la production a vu un potentiel en moi s’est révélé rassurant. Ça m’a apaisée.
Aimes-tu passer des auditions, normalement?
Je sais que ça fait partie de mon métier. J’ai appris à faire la paix avec ça quand j’avais 20 ans. Je me suis dit que j’étais aussi bien d’en faire quelque chose de créatif et d’apprendre de tout ça.
Que fais-tu quand tu ne tournes pas?
Ma vie est tellement remplie. Je suis heureuse et je suis bien entourée. Tu me connais, je suis discrète, je ne suis pas celle qui en dit beaucoup sur sa vie. J’ai tellement toutes sortes de passions qui m’habitent! Je me laisse aller là-dedans.
Tu comptes plus de 35 ans de carrière. Est-ce que ça se passe comme tu le souhaitais?
Je ne sais pas, mais chose certaine, je me sens extrêmement privilégiée, car j’ai eu un parcours incroyable, rempli de projets auxquels je n’aurais jamais pensé participer. Je suis très fière d’avoir réussi à faire ce que j’aimais profondément et plus que tout, c’està- dire jouer. C’est une grande chance, dans la vie, de faire ce qu’on aime.
Quel a été l’élément déclencheur qui t’a poussée vers ce métier?
Quand j’étais enfant, ma mère m’emmenait au théâtre. Je me souviens avoir vu, entre autres, une représentation de Cyrano de Bergerac avec Gilles Pelletier. En arrivant chez moi, j’avais déguisé mes amis en personnages de la pièce: c’était clair que je voulais être actrice. Mes amis ne comprenaient pas trop, mais moi, je voulais faire ça. Je suis passionnée par plein d’autres choses, mais dès que je me suis engagée dans ce métier, je me suis donnée complètement. Je n’ai jamais pensé faire autre chose.
As-tu déjà eu l’ambition de percer en Europe ou aux États-Unis?
Non. J’ai eu la chance, cependant, de travailler avec plein de gens qui venaient d’ailleurs et ça m’a comblée. Si j’avais un seul regret, ce serait de ne pas jouer davantage au théâtre. Je n’en ai pas fait tant que ça, mais l’envie de faire du théâtre m’habitait beaucoup quand j’étais plus jeune. J’aurais aussi aimé faire une école de théâtre et avoir une formation. Mais maintenant, à 56 ans, je suis assez sereine par rapport à mon parcours.
Andrée Lachapelle a été une mentore pour toi, n’est-ce pas?
Oui, et elle était aussi une grande amie. Elle s’était fait une famille de jeunes comédiennes sur qui elle veillait et j’ai eu la chance d’en faire partie. Elle nous appelait pour prendre de nos nouvelles, pour nous encourager et nous guider. Elle a souvent joué ma mère dans différentes et elle a aussi joué avec moi dans Scoop. J’ai tellement eu de belles conversations avec elle.
Et comment vis-tu l’étape de la cinquantaine?
Pour moi, vieillir, en général, ça se passe bien. J’ai eu la chance d’avoir une femme phare dans ma vie, et c’est Andrée Lachapelle. Elle m’a dit un jour: «Tu vas voir, la cinquantaine, c’est extraordinaire!» C’est comme si elle avait semé ça en moi. C’est une période de ma vie que j’aime, sur les plans tant personnel que professionnel. J’ai de beaux rôles, comme dans L’empereur ou Les honorables. Ce retour devant les caméras n’était pas planifié et ç’a été une belle surprise!
Tu es toujours très discrète sur ta vie, et tu te révèles peu. Pourquoi?
Parce que je suis faite comme ça. Ce n’est surtout pas pour juger les gens qui sont autrement. C’est dans ma nature. Je peux parler de mon travail, mais je ne suis pas bonne quand vient le temps de mettre l’accent sur moi. Quand c’était la folie et que j’étais partout, par exemple du temps de Scoop, je ne trouvais pas cela évident. Il y avait aussi beaucoup moins de plateformes à l’époque et moins de séries. Nous étions donc très visibles et ce n’était pas facile à vivre.
La série So long, Marianne (À Marianne de Leonard) est disponible sur Crave.