«Convoi pour la liberté»: l’occupation d’Ottawa s’organise
Anne Caroline Desplanques et Roxane Trudel | Journal de Montréal
Un camp de base a poussé en périphérie du centre-ville d’Ottawa pour ravitailler les camionneurs et les aider à tenir « le temps qu’il faudra » pour arriver à faire plier les décideurs.
« Les policiers sont ben tannés, mais nous, on est bien. On s’en ira pas », lance Josée, une camionneuse de métier qui a bien voulu parler au Journal.
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Nous sommes à six kilomètres à l’est du centre-ville, dans une zone industrielle en bordure d’autoroute.
C’est là que s’organise le ravitaillement des manifestants du « convoi de la liberté » qui occupent la capitale fédérale depuis maintenant cinq jours.
Autour de Josée, un village grouillant d’activité s’organise. Six chapiteaux chauffés, une cuisine, une salle à manger, deux immenses camions pleins de vivres.
« Tout ça, c’est des dons. Les gens nous apportent toutes sortes de choses, du bois, de l’eau, de la nourriture », raconte tout sourire la Québécoise.
Autour des feux, on se réchauffe en buvant du café. On parle politique et on se plaint abondamment de la couverture médiatique. En cuisine, le souper mijote dans d’énormes chaudrons. Il y en a assez pour nourrir un régiment.
Écoutez la chronique de Félix Séguin au micro de Richard Martineau sur QUB radio :
Des véhicules ravitailleurs font des aller-retour entre ce camp et le parlement. Ils prennent les petites rues et passent les barrages de police sans soucis.
« Les policiers nous laissent passer. Ils n’ont pas le choix. Il faut bien que les gars mangent », indique Josée en nous invitant à rester manger des spaghettis.
Mais ses collègues ne voient pas les choses du même œil. Un camionneur peu amical sort de sa cabine pour nous lancer des insultes. Les journalistes ne sont pas les bienvenus ici.
Au cœur de la manifestation, devant le parlement, DeAndre Mahadeo, 35 ans, a permis au Journal de jeter un coup d’œil à l’intérieur de son confortable salon roulant.
Un manifestant américain
Il est venu depuis l’Indiana pour appuyer le mouvement de protestation et il est équipé pour passer des semaines loin de chez lui : cuisinette, micro-onde, machine à café, couvertures de rechange, frigo, lit rétractable, tout est là.
Dehors, les klaxons ont repris. Witold Skala, 58 ans, fait du bruit pendant que des quatre roues se glissent entre les camions pour distribuer des denrées, de l’essence et ramasser les poubelles.
« Je vais rester le temps qu’il faudra. J’ai des enfants à nourrir », dit l’Ontarien.
Écoutez la chronique de Luc Laliberté, spécialiste de la politique américaine:
Encouragé par les citoyens qui lui apportent depuis vendredi nourriture et argent pour l’aider, il n’a pas l’intention de partir malgré les efforts de négociations des autorités qui semblent vouloir avoir les manifestants à l’usure.
Peu impressionné, Witold Skala a de quoi s’occuper : une guitare et un vélo.
« C’est pour faire de l’exercice », s’exclame-t-il en riant.
Protéger leur gagne-pain
Le camionneur assure que les vrais routiers encore à Ottawa ne veulent que protéger leur gagne-pain.
« Ceux qui cherchaient le trouble il y a deux jours, ce ne sont pas des camionneurs », déplore-t-il en indiquant qu’il a dû se départir des six camions de sa flotte à cause du contexte actuel.
Tyler Armstrong, lui, a récemment perdu son emploi en raison de l’obligation vaccinale pour les camionneurs transfrontaliers et il est bien décidé à le récupérer.
« Je ne pars pas avant qu’ils changent la loi et qu’on revienne à la normale. Je ne pars pas tant que tout le monde n’est pas libre », martèle l’Ontarien.