LNH: Un recrutement à distance
Jean-François Chaumont
La routine n’existe plus dans le sport. La lutte au coronavirus a fait dérailler tous les métiers reliés à la Ligue nationale de hockey (LNH) et celui de recruteur n’y échappe pas.
Mardi dernier, Jean-Philippe Glaude regardait le match des Predators de Nashville contre le Canadien de Montréal au Centre Bell.
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Le lendemain, il s’envolait pour Moncton afin de voir l’une des équipes de l’heure dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), les Wildcats de Moncton. C’était une journée comme les autres pour un recruteur dans la LNH.
«Je dirais que notre définition de tâche, c’est voyageur professionnel avec un œil pour le hockey, ironise un recruteur d’une équipe de l’Association de l’Ouest qui préfère garder l’anonymat. Avec les ligues qui sont arrêtées et les interdictions de voyager, c’est comme si nous venions de perdre une grosse portion de notre vie.»
Glaude, un recruteur amateur pour les Predators depuis 2013, raconte une anecdote illustrant bien les changements simples du quotidien.
«Après le match, je suis descendu pour rencontrer les entraîneurs des Predators. J’étais avec mon garçon. Il y avait une bonne ambiance puisqu’on venait de battre le Canadien. Je rencontrais donc John Hynes [l’entraîneur-chef] pour la première fois. Je trouvais ça étrange de lui donner un coup de coude à la place de lui serrer la main. Mais nous préférions en rire. C’était la même chose avec David Poile, notre DG.»
Si ce geste de salutation avec le coude semblait étrange il y a moins d’une semaine, il devient maintenant coutume.
Assez d’informations
En théorie, le repêchage de la LNH se déroulera les 26 et 27 juin au Centre Bell, à Montréal. À moins d’une surprise, Alexis Lafrenière sera le premier à grimper sur l’estrade pour endosser son nouveau chandail. Le choix de Lafrenière n’a rien de sorcier, mais le reste du repêchage sera plus compliqué.
Glaude a décrit l’impact de la suspension des activités dans pratiquement toutes les ligues sur la planète.
«Nous ne serions pas dans le néant pour le repêchage, fait savoir l’ancien défenseur des Voltigeurs de Drummondville, dans la LHJMQ. Les derniers mois de la saison servent souvent à analyser ce que tu as vu depuis un an, deux ans ou même trois ans dans de rares cas. Un jeune comme Lafrenière joue à Rimouski depuis trois ans en raison de sa date de naissance tardive (octobre). Nous avons déjà une bonne idée de la projection des joueurs.»
Parmi les embûches rencontrées, les deux recruteurs sondés par «Le Journal de Montréal» ont mentionné l’annulation du Championnat du monde des moins de 18 ans, qui devait se tenir à Plymouth, au Michigan, à la mi-avril.
«C’est toujours un bon niveau de jeu et tu trouves des réponses sur le caractère de certains joueurs, note Glaude. Tu ne te fais pas une nouvelle idée, mais tu obtiens parfois des réponses.»
L’exemple de Samuel Girard
Advenant un scénario où il n’y aurait pas de séries éliminatoires dans la LHJMQ, la OHL ou la WHL, Glaude considère que ça ne changerait pas trop l’évaluation des espoirs.
«Je ne dirais pas qu’un jeune reculera énormément en raison d’une mauvaise prestation en séries, réplique-t-il. Mais l’inverse est parfois différent. Quand un jeune joueur joue de très bons matchs en séries, il grimpera de quelques rangs.
«Je peux faire un parallèle avec Samuel Girard, que nous avons repêché au deuxième tour en 2016. Je regardais le sixième match de la finale entre les Cataractes et les Huskies de Rouyn-Noranda à Shawinigan avec notre recruteur en chef chez les Preds. Sam avait connu un très fort match. Il dominait le jeu à 17 ans. À ce match, j’avais réalisé encore plus que ce jeune était spécial. Malgré la pression et l’enjeu, il avait trouvé une façon de ressortir du lot.»
Du travail par vidéos
Dans les prochains jours, les recruteurs poursuivront leurs devoirs même s’ils ne prendront pas place dans les gradins d’un aréna.
«Nous ferons des téléconférences la semaine prochaine pour discuter de nos listes, explique Glaude. Nous commencerons à planifier la possibilité qu’il n’y ait pas une réunion avec tous les recruteurs dans la même pièce. De toute façon, pour l’instant, nos gars d’Europe ne peuvent pas prendre l’avion pour les États-Unis.
«Nous avons aussi un gars pour notre recrutement amateur qui est basé à Nashville. Sa principale mission consiste à découper des séances vidéo pour les joueurs du repêchage que nous lui demandons. Nous placerons plusieurs vidéos et elles seront disponibles pour tous nos recruteurs. Je pourrais regarder un jeune de la Suède. À l’inverse, nos recruteurs d’Europe auront l’occasion de voir des jeunes de la LHJMQ.
«Je prendrai du temps pour regarder, par exemple, les 10 ou 15 meilleurs Suédois dans notre liste, enchaîne Glaude. Comme je n’aurai pas la chance de les voir au Mondial des moins de 18 ans, je me rattraperai avec des vidéos. Nous aurons cinq choix dans les trois premiers tours. C’est assez rare avec les Preds. Nous aurons la chance de rentrer de bons jeunes au sein de l’organisation.»