«Lipstick effect»: Quand les petits luxes cosmétiques font du bien au moral
Kelly-Ann Neeley
Connaissez-vous le «lipstick effect» (ou «effet rouge à lèvres»en français)? C’est un phénomène qui s’observe en période économique difficile: les gens ont tendance à acheter des produits peu chers, mais veulent quand même se payer de petits luxes, comme... un rouge à lèvres. Étonnant, non?
Qu'est ce qui nous pousse à consommer de la sorte?
La professeure adjointe au département de marketing de l’Université de Sherbrooke, Elodie Massa, indique que ces petits luxes sont en fait des produits de substitution. Notre revenu discrétionnaire étant plus bas qu’avant, on se gâte moins. La professionnelle apporte une nuance: ce sont surtout les personnes utilisant le magasinage comme une échappatoire qui agissent de la sorte. «En marketing, on appelle ça l’expérience de magasinage hédonique, c’est-à-dire qu’on le fait pour le plaisir», explique Mme Massa. Elle ajoute que, souvent, l’achat de produits de luxe vient avec un service à la clientèle personnalisé qui nous fait nous sentir bien et important.
La psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier partage cet avis. «Malgré une situation économique plus difficile, l’humain cherche à ressentir du plaisir, dit-elle. Nous sommes portés à aller vers des expériences qui nous font nous sentir bien. C’est ici qu’entre en jeu, entre autres, le système de sécrétion de dopamine qui nous procure un état de bien-être.
Des situations très différentes permettent d’activer ce système de plaisir, que ce soit manger son dessert préféré ou se procurer une crème de luxe pour le visage. Dans les deux cas, on ressent des émotions positives, ce qui viendrait mettre un baume sur le négatif.» Une fois le bien acheté, l’effet ne dure toutefois pas nécessairement très longtemps, précise la psychologue. C’est pourquoi certaines personnes vont chercher à activer sans cesse cette sensation de plaisir par de petits achats.
Quand la honte s'ajoute à l'équation
Un autre facteur important qui explique ce comportement, selon la Dre Beaulieu-Pelletier? La honte parfois ressentie lors d’une période économique difficile, qu’elle soit vécue collectivement lors d’une récession ou individuellement, à la suite d’une perte d’emploi par exemple. Ces petits achats permettent de dissimuler la réalité. «C’est là que les cosmétiques entrent en ligne de compte en tant que produits de substitution, croit la psychologue. L’achat de mon rouge à lèvres ou de mon masque pour le visage me permet en quelque sorte de montrer que j’ai bonne mine et que je suis en santé, mais aussi que je n’ai aucun problème d’argent. C’est une sorte de façade, qu’elle soit construite délibérément ou non», conclut-elle.
L’achat de cosmétiques à titre de substitution n’est pas un réflexe pour lequel on devrait se sentir coupable, puisque les effets sont bel et bien positifs sur le moral. Bien qu’une promenade de santé avec un ami, par une belle journée ensoleillée, ait un effet similaire sur notre bien-être, cette stratégie de régulation émotionnelle par l’achat de petits luxes est tout aussi valable. Il suffit de trouver un juste équilibre!