Non, l’iode vendue en pharmacie ne vous sauvera pas d’un incident nucléaire
Genevieve Abran
Se procurer des comprimés d’iode en pharmacie pour se protéger d’une possible attaque nucléaire n’est pas utile au Québec, assurent deux médecins spécialistes.
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Dans plusieurs pays européens, des habitants se ruent sur les comprimés d’iode, destinés à prévenir un cancer de la thyroïde en cas d’émissions radioactives. La France a d’ailleurs annoncé qu’elle enverrait 2,5 millions de doses d’iode en Ukraine face à la menace nucléaire.
Au Québec, l’Association québécoise des pharmaciens confirme que des demandes de capsules d’iode ont été observées dans la province depuis le début de l’invasion en Ukraine, précisant qu’il s’agit de «cas isolés».
L’iode stable, ou iodure de potassium, est un oligo-élément naturel absolument nécessaire à la santé. Il entre dans la composition d’hormones fabriquées par la glande thyroïde, située sur le devant du cou, qui fixe l’iode inhalé ou ingéré. Les comprimés d’iode stable, c’est-à-dire non radioactif, protègent la glande thyroïde contre une contamination radioactive.
Les Québécois n’ont pas à se procurer de capsules d’iode ou à se préoccuper de l’impact sur leur santé d’une attaque nucléaire en Ukraine, insistent deux médecins spécialistes en nucléarisation en entrevue au 24 heures.
Rien ne sert de courir
Se ruer vers une pharmacie en quête de comprimés d’iode est complètement inutile, affirme Dr François Lamoureux, ancien président de l’Association des médecins spécialistes en médecine nucléaire du Québec.
«Non, ce n’est pas recommandé de prendre des capsules d’iode maintenant [de manière préventive], c’est même déconseillé», indique Dr Lamoureux. Il explique que plusieurs effets néfastes peuvent survenir suite à une utilisation non-nécessaire d’iode stable. Une personne peut notamment faire une grave réaction allergique ou bien débalancer sa thyroïde, ce qui s’ensuit de plusieurs problèmes de santé.
«Moi, je ne vais pas me stocker [de comprimés d’iode]», lance Dr Tarek Hijal, directeur de la division de radio-oncologie du CUSM.
De tout façon, les comprimés d’iode comme ceux que la France a donné à l’Ukraine ne sont pas tenues en stock dans les pharmacies du Québec. «Dans une situation de crise ou de menace, c’est le gouvernement qui ferait des démarches pour les rendre disponibles», affirme l’AQPP. «Rien ne sert d’appeler en pharmacie ou de s’y rendre pour s’en procurer», ajoute-t-on.
Les produits naturels disponibles sur les tablettes ne contiennent pas de quantités suffisantes d’iode, poursuit l’AQPP, et ne seraient donc pas en mesure de protéger la glande thyroïde de la radioactivité. L’Association n’a constaté aucune variation sur les ventes de ces produits.
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Pas de danger au Québec
«On est au Québec, il n’y a pas de problème nucléaire», assure Dr Hijal. Même si la radioactivité prend plusieurs jours à se désintégrer et qu’elle peut voyager dans l’air et dans les nuages, le risque demeure très faible au Québec, précise-t-il.
«Plus on est proche de l’endroit où la bombe arrive, plus le risque pour la santé est élevé. [...] On est quand même loin au Québec [de l’Ukraine] alors c’est un risque faible. Est-ce qu’aujourd’hui il faudrait dire aux gens d’aller se chercher de l’iode dans les pharmacies? On en n’est pas là», poursuit Dr Hijal. Il assure que, si la prise de comprimés d’iode devenait nécessaire, les autorités sanitaires informeraient la population.
Ce qu’il faut savoir sur l’iode
Les comprimés d’iode stable, c’est-à-dire non radioactif, protègent la glande thyroïde contre une contamination radioactive. Au Québec, tout préfet qui opère dans un secteur dans un rayon de 20 kilomètres d’une centrale nucléaire doit tenir en stock suffisamment de ces capsules pour la population environnante, explique l’ancien président de l’Association des médecins spécialistes en médecine nucléaire Dr François Lamoureux.
Un accident grave dans une installation nucléaire peut entraîner le rejet dans l’atmosphère d’iode radioactif. Inhalé ou ingéré par la consommation d’aliments contaminés, ce radioélément contribue à l’irradiation de la population, lui faisant courir un risque accru de cancer de la thyroïde.
Par exemple, l’accident du réacteur nucléaire de Tchernobyl en 1986 a causé un important rejet dans l’environnement d’iode 131 et d’iode radioactif à courte durée de vie. Un taux plus élevé de cancer de la thyroïde a été observé chez les personnes vivant dans les zones contaminées du Bélarusse, où les habitants n’avaient pas reçu de comprimés d’iode stable. Les Ukrainiens vivant dans un rayon de 20 kilomètres ayant reçu des capsules ont quant à eux eu moins de diagnostic de cancer.
Pour éviter que la thyroïde ne fixe l’iode radioactif, une prise d’iode stable constitue un moyen de prévention pour protéger la santé des populations exposées.
- Avec des informations de l'AFP