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L’intersectionnalité vraiment utilisée contre le Québec, comme l'avance le chef du Bloc?

Photo d'archives, Agence QMI
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Photo portrait de Léa  Martin

Léa Martin

2023-03-14T19:56:26Z
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Le chef du Bloc Québécois, Yves-François Blanchet, a laissé entendre le week-end dernier que l’intersectionnalité est une arme utilisée par Ottawa contre le Québec. Est-ce vraiment le cas? Ce concept va-t-il vraiment à l’encontre des valeurs et des intérêts du Québec? On fait le point.  

En des termes simples, l’intersectionnalité est un concept qui stipule que nous ne formons pas un groupe homogène. Selon leur statut socioéconomique, leur origine ethnique, culturelle, leur orientation sexuelle ou leur handicap, certaines personnes peuvent vivre des discriminations que d’autres ne vivront pas.  

En gros, si on l’applique au féminisme, l’intersectionnalité vise à reconnaître que certains groupes de femmes «vivent à l’intersection de différentes oppressions et vont rencontrer des obstacles au cours de leur vie que d’autres [femmes] ne vivront jamais», explique la présidente de la Fédération des femmes du Québec (FFQ), Mélanie Ederer.  

Selon le chef bloquiste, qui a pris la parole la fin de semaine dernière lors du congrès du Parti Québécois (PQ) à Sherbrooke, le Canada utiliserait cette idée comme une «arme» contre les valeurs du Québec, indiquait Le Devoir. 

Paul St-Pierre Plamondon
Paul St-Pierre Plamondon Photo tirée de Facebook

Le chef du PQ, Paul St-Pierre Plamondon, partagerait cet avis. S’il reconnaît que «l’intersectionnalité en soi est légitime comme étude», il pense que ça devient un «problème démocratique» si «on transforme ça en idéologie et que la conclusion c’est constamment que le Québec est fautif», rapportait La Presse.  

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• À lire aussi: Après le racisme systémique, le «féminisme intersectionnel» est-il le nouveau concept interdit de la CAQ?

La question qui se pose: ont-ils raison d’affirmer que l'intersectionnalité est un concept antiquébécois?  

La réponse est non, selon le professeur au Département de science politique de l’Université de Montréal Martin Papillon.  

«Dès qu’on critique les politiques du Québec, on critique le Québec et les Québécois dans leur ensemble. [Cette vision], on appelle ça du populisme», affirme le professeur, qui remarque une convergence dans le discours du Bloc, du PQ et de la CAQ à ce sujet.  

«De critiquer le Québec ou d’avoir une vision différente de la citoyenneté ou du vivre-ensemble dans une société, ce n’est pas être anti-Québec, insiste Martin Papillon. Là, il y a un mélange, une confusion, entre être anti-Québec et ne pas partager la valeur du gouvernement actuel.» 

Ça ne veut pas dire qu’on ne peut critiquer ou s’opposer à l'intersectionnalité, insiste d'ailleurs le professeur: «Ce que je veux dire, c’est que le lien qu’on fait avec cette idée que ce serait anti-Québec en soi est mal avisé.»

Créer un Québec plus inclusif 

Le professeur au Département de science politique de l’UQAM Francis Dupuis-Déri va dans le même sens. «Critiquer les lois, critiquer les politiques, ce n’est pas être contre le Québec», soutient-il.  

Il ne voit d’ailleurs dans l'intersectionnalité aucune attaque contre le Québec. Selon lui, cette approche permet plutôt de mieux comprendre la réalité des différents groupes qui forment notre société.  

«Toutes les femmes au Québec ne vivent pas la même réalité, poursuit-il. Une récente étude sur le harcèlement de rue à Montréal montrait que les musulmanes qui portent le hidjab sont souvent harcelées, y compris par d’autres femmes. L’intersectionnalité permet de porter attention à ces réalités complexes.» 

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«Est-ce que c’est ça, menacer le Québec?», demande Francis Dupuis-Déri.  

Un changement de cap à Québec?

Le concept d’intersectionnalité a récemment fait jaser à l'Assemblée nationale. 

À la fin du mois de février, la ministre responsable de la Condition féminine de la CAQ, Martine Biron, a en effet rejeté le concept de féminisme intersectionnel, affirmant qu'il ne correspondait pas à la vision de son gouvernement du féminisme. 

La ministre s’est opposée à une motion de Québec solidaire pour que l’Assemblée nationale encourage «l’analyse différenciée selon les sexes dans une perspective intersectionnelle afin de défendre les droits de toutes les femmes au Québec», en prévision du 8 mars.  

Jusqu’à l’année dernière, le gouvernement du Québec semblait pourtant adhérer au féminisme intersectionnel – et à l’intersectionnalité de manière plus globale.  

Dans les documents sur la Stratégie gouvernementale pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2022-2027 et le Plan d'action pour la réussite en enseignement supérieur 2021-2026 de la CAQ, la mention de l’intersectionnalité revient en effet à 18 reprises.

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