Voici comment les candidats à la mairie de Montréal-Nord veulent enrayer la violence
Gabriel Ouimet
Pas moins de quatre homicides par arme à feu sont survenus dans Montréal-Nord en 2021, en plus de nombreuses autres fusillades. Les résidents du coin craignent pour leur sécurité et veulent que ça cesse. À un mois des élections municipales, on a demandé aux candidats à la mairie d’arrondissement quel était leur plan de match pour régler le problème.
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Alimentés par une guerre entre deux gangs rivaux, les incidents violents se sont multipliés à Montréal dans les derniers mois. Un sondage Léger réalisé récemment pour Le Devoir indiquait d’ailleurs que le contrôle des armes à feu et le financement de la police formaient le deuxième enjeu prioritaire aux yeux des citoyens, après le logement.
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Montréal-Nord fait partie des secteurs particulièrement touchés. Au point où, le 20 juin dernier, trois fusillades y ont éclaté en plein jour, en quelques minutes, dans un rayon de 5 kilomètres.
Les candidats ont tous un point en commun: ils croient qu’il faut miser sur la prévention pour enrayer la violence. On leur a aussi demandé ce qu’ils pensaient faire dans l’immédiat. Voici leurs réponses.
Will Prosper – Projet Montréal
Will Prosper, travailleur communautaire et fondateur de l’organisme Hoodstock, a longtemps milité contre les inégalités à Montréal-Nord et est une figure bien connue dans l’arrondissement. Selon lui, il faut mieux soutenir la jeunesse pour éviter qu'elle voie la violence comme une option, notamment en augmentant le nombre d’intervenants sur le terrain.
«Ça fait des années qu’on se plaint qu’il n’y a pas assez de travailleurs de rue à Montréal-Nord. Il n’y en a que deux! Sur une population de plus de 85 000 personnes avec des enjeux de jeunesse aussi criants, c’est hallucinant», déplore-t-il.
«Il faut créer un contact avec les jeunes dès l’âge de 12-17 ans, avec des intervenants et en partenariat avec les écoles et des programmes de tutorat. Ça permettrait à ces jeunes de se développer et de devenir des modèles positifs dans le quartier. Mais pour faire ça, il faut plus de ressources aux organismes et plus d’intervenants», croit-il.
Ces ajouts gagneraient à être faits de concert avec des projets de police de proximité afin de rapprocher les policiers et les citoyens du quartier, selon lui.
«Il faut que les policiers connaissent les gens du quartier pour réduire les tensions qui existent avec les citoyens. C’est important qu’il y ait de la confiance réciproque entre eux. Moi, j’aimerais que les policiers restent au moins trois ans dans le même arrondissement. C’est essentiel, sinon ça va continuer à créer des conflits avec la communauté», poursuit-il.
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Son parti propose aussi à cet effet la mise en place d’équipes mixtes, composées de travailleurs sociaux et de policiers, qui pourraient intervenir auprès de la population plus vulnérable.
Will Prosper veut aussi prioriser la construction d’un centre sportif, un projet constamment évoqué dans les 10 dernières années, mais qui peine à se concrétiser.
«Présentement, pour [la mairesse sortante Valérie Plante], il y a quatre, cinq arrondissements qui ont ce besoin-là. Si je suis élu à Montréal-Nord, on va être le premier arrondissement sur cette liste, je le garantis», dit celui qui appartient au même parti que Mme Plante.
À court terme, le candidat croit qu’il est primordial que la police consacre son énergie à lutter contre les trafiquants d’armes, ce que la Ville ne peut pas faire seule. «Il n’y a personne qui fabrique des armes à Montréal-Nord, donc il faut absolument s’attaquer à ceux qui vendent ces armes-là. C’est eux qu’il faut cibler, et il faut le faire en partenariat avec les différents paliers du gouvernement.»
Il rappelle à ce sujet le plan de 110 millions de dollars sur quatre ans en matière de sécurité publique annoncé le 25 septembre passé par Projet Montréal, qui promet des investissements de plusieurs millions de dollars pour lutter contre les groupes criminels et le trafic d’armes à feu.
Rappelons que l’ancien policier de la GRC a eu un début de campagne difficile quand Le Journal de Montréal a révélé qu’il y a 22 ans, il avait été forcé de démissionner de son poste parce que son employeur le soupçonnait d’avoir divulgué des renseignements policiers à des membres de gang de rue faisant l’objet d’une enquête pour meurtre. «Il a fait une erreur, pour laquelle il a payé de son emploi. Mais il faut reconnaître tout le travail de terrain qu’il fait depuis 20 ans pour aider les jeunes de Montréal-Nord», avait déclaré la cheffe de Projet Montréal Valérie Plante en réaffirmant lui faire confiance.
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Christine Black – Ensemble Montréal
Mairesse de l’arrondissement depuis 2016, Christine Black croit qu’il est important d’investir davantage dans le budget de la police afin d’augmenter le nombre de policiers dans les rues de la métropole et de s’attaquer au problème de la violence par arme à feu à court terme.
«C’est important de donner à la police les moyens d’intervenir. En ce moment, il manque de policiers sur l’île de Montréal pour répondre à tous les besoins. Il faut donc investir davantage dans les services policiers», indique-t-elle.
À long terme, elle croit que le travail à faire dans l’arrondissement doit provenir de tous les fronts. Elle cite notamment l’habitation, la santé, l’économie, mais surtout la jeunesse comme secteurs dans lesquels l’administration municipale pourrait intervenir.
«Pour moi, la solution à la violence passe par un ensemble d’investissements dans plusieurs domaines. Il n’y a pas de recette magique qui permettrait d’investir dans un élément pour régler le problème. C’est l’ensemble qui va transformer notre quartier», dit-elle.
Elle prend l’exemple d’investissements faits dans la Corporation de développement économique communautaire de Montréal-Nord (CDEC), qui permet de développer des projets d’entrepreneuriat dans l’arrondissement.
«On leur donne les moyens de dynamiser le quartier pour faire vivre nos artères commerciales et pour favoriser l’entrepreneuriat, auprès des jeunes, entre autres. La logique, c’est de miser sur un effet boule de neige, puisque ces investissements vont servir de levier pour aller en chercher d’autres éventuellement», précise-t-elle.
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Cette logique pourrait également s’appliquer aux organismes communautaires qui interviennent auprès des jeunes, qui ont dû redoubler d’efforts sur le terrain en raison d'un manque de personnel criant.
«Avec les événements des derniers mois, les organismes ont dû intervenir beaucoup sur le terrain et ils sont fatigués. Il manque de main-d’œuvre pour qu’ils puissent fonctionner à plein régime et travailler sur leur structure, en plus d’intervenir sur le terrain», explique-t-elle.
Elle croit donc que plus d’investissements leur permettraient entre autres de mieux coordonner leurs demandes de financement et de mieux s’organiser.
Carl-Henry Jean-François – Mouvement Montréal
Du côté de Mouvement Montréal, le candidat Carl-Henry Jean-François croit qu’il serait important de financer divers projets qui viseraient à réduire la tension et ramener l’ordre dans l’arrondissement à court terme.
Il évoque notamment la possibilité de réformer en partie l’approche policière.
«Il faut absolument que les policiers et la population se rapprochent pour mieux se comprendre et se respecter. En ce moment, 84% des policiers du SPVM n’habitent même pas sur l’île de Montréal. Nous, ce qu’on veut, ce sont des policiers qui habitent là où ils travaillent», indique-t-il.
Il précise que les policiers devraient également être mieux formés afin d’améliorer leur approche des personnes les plus vulnérables, par exemple celles qui sont aux prises avec un problème de santé mentale. Ils devraient aussi être mieux répartis dans le quartier.
«On veut s’assurer que la police soit mieux formée pour répondre à des problèmes précis. Il y a des endroits précis dans l’arrondissement où on voudrait déployer cette force policière», indique-t-il.
Balarama Holness, chef du parti et ancien candidat déchu de Projet Montréal à Montréal-Nord en 2017, estime que des gestes simples, comme un suivi plus transparent du budget du SPVM, permettraient de «couper dans le gras» et de réinvestir ces sommes pour financer de telles ambitions.
«Le budget est passé de 400 millions de dollars à 700 millions en 20 ans et nous ne savons pas comment le SPVM dépense ces fonds. Pourtant, les mêmes problèmes refont surface. Donc, pour nous, il faudrait voir s’il y a moyen d’économiser afin d’investir ces fonds ailleurs», explique-t-il.
Il précise que ces réinvestissements devraient être dirigés vers la jeunesse du quartier pour qu’elle puisse s’épanouir loin de la criminalité. Cela passerait notamment par la construction d’un centre sportif dans le quartier, une priorité, selon lui.
«Les jeunes qui commettent cette violence, ils ont entre 16 et 24 ans, généralement. Pourquoi? Parce que, depuis leur naissance, il manque d’investissements dans la jeunesse du quartier. Il n’y a aucun centre sportif entre Montréal-Nord, Anjou, Saint-Léonard et Rivière-des-Prairies. Il faut absolument en construire un rapidement», presse-t-il.
Mouvement Montréal vise également des investissements en culture et dans divers projets de tutorat en entrepreneuriat, qui serviraient à éloigner les jeunes de la criminalité.
*Note: Le candidat d’Action Montréal Vito Salvaggio n’a pas répondu à nos demandes d’entrevue.
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