Réal Béland et sa fille Charlotte se confient sur leur vie avec le syndrome d’Asperger
Daniel Daignault
Outre l’amour père-fille, un lien particulier unit Réal Béland et Charlotte: ils sont tous deux atteints du syndrome d’Asperger. L’humoriste a fait cette découverte sur le tard, à 47 ans, alors que sa fille, âgée de 25 ans, se questionnait depuis toujours sur sa différence par rapport aux autres. Ils ont appris à vivre avec cette réalité.
• À lire aussi: Un grand projet familial pour Réal Béland
Réal, il y a deux ans, vous appreniez que vous êtes Asperger. Revenons sur ce qui vous a amené à le découvrir.
Réal: C’est grâce à Charlotte. Toute ma vie, je pensais que c’était une grande timidité, que j’étais quelqu’un d’hyper sauvage. Quant à Charlotte, depuis qu’elle était toute petite, elle ne savait pas ce qu’elle avait. Elle est dyslexique, et on pensait que c’était aussi de la grande timidité, mais elle sentait vraiment que ça n’allait pas, que c’était plus que ça. Donc, elle a regardé sur le Net et m’a dit qu’elle pensait qu’elle était Asperger.
En lisant quels étaient les symptômes, vous avez donc compris ce que c’était?
Charlotte: Oui. Je me reconnaissais beaucoup dans ce que je lisais. On disait que, souvent, le premier diagnostic de ceux et celles qui sont Asperger était une anxiété généralisée, qu’ils pouvaient être dépressifs, ou bipolaires. Ça, ce n’est que la pointe de l’iceberg.
R.: Elle avait aussi passé des tests sur Internet, et ça lui donnait un résultat montrant qu'elle était Asperger à 95 %, 97 %. Je suis allé avec elle et sa mère chez Autisme Montréal. On y a rencontré une sommité, qu’on appelle affectueusement Yoda, l’un des seuls au Québec qui est en mesure de détecter chez un enfant s’il est autiste ou Asperger. Il nous a soumis à un questionnaire durant trois heures. On a eu une discussion profonde, et tout ce qu’il disait à Charlotte, je me reconnaissais là-dedans.
Pouvez-vous expliquer davantage ce qu’est une personne Asperger?
R.: Il faut bien comprendre que c’est un autiste qui évolue. Alors qu’un autiste va habituellement évoluer jusqu’à 10, 12 ans, et que ça va s’arrêter là, dans 95 % des cas, un Asperger, lui, va apprendre des expériences de la vie. C’est pour ça qu’on est fonctionnels. Il y a quand même des comorbidités qui vont avec ça, il paraît qu’il y en aurait environ 25. Charlotte et moi, on en a trois ou quatre, ce qui fait qu’on est fonctionnels.
Que pouvez-vous faire pour vous aider?
R.: Selon les comorbidités, il y a une médication. Pour Charlotte, c’est de l’anxiété et de la dépression, alors elle doit être médicamentée parce que sinon, elle ne pourrait pas fonctionner. Moi, je n’en ai pas besoin, je me suis pas mal guéri de mon anxiété, même si ça revient en vieillissant. Dans mon cas, ce sont plutôt des tocs, des choses comme ça.
Avant le diagnostic, avez-vous toujours senti qu’il y avait peut-être quelque chose que vous deviez explorer chez vous?
R.: Ç’a toujours été là, mais comme j’ai compris ce que j’avais à 47 ans, j’ai eu le temps d’essayer de passer par-dessus ça toute ma vie. Je ne me suis jamais dit: «Hé! Je suis Asperger!» Je pense que ça m’a aidé de ne pas le savoir, que ça m’a avantagé, compte tenu de mon caractère.
À présent que vous le savez, vous revient-il des situations en lien avec ce syndrome?
R.: Mets-en! Jeune, j’étais incapable de parler aux gens tellement j’étais gêné, il fallait que je me pile dessus chaque fois. Jeune, si j’avais eu les réseaux sociaux et les textos, je ne suis pas sûr que j’aurais parlé aux gens. J’aurais eu une possibilité de toujours écrire, de m’enfermer là-dedans. Je m’en suis voulu, parce que je disais à Charlotte: «Inquiète-toi pas, t’es timide, moi aussi, j’étais comme ça jeune. Tu es anxieuse? Moi aussi, je l’étais. Ça va s’arranger.» On avait des points en commun sans savoir ce que c’était.
Y a-t-il quelqu’un d’autre dans votre famille qui est Asperger?
R.: En fait, c’est héréditaire. Si Charlotte avait un enfant, il y aurait 83 % ou 86 % des chances, je ne me souviens pas exactement, qu’il soit autiste ou Asperger. Je pense que mon père l’était probablement. Je l’ai moins connu, mais je me souviens de lui comme un homme hyper renfermé, alors je me dis que ça vient probablement de lui. Quand on avait de la visite, il se cachait dans la chambre pour écouter la télé. Ça me ressemble.
Diriez-vous, Charlotte, que cela a créé un lien de plus avec votre père?
C.: C’est sûr, parce qu’on a beau dire aux autres ce que c’est, je pense que tu ne sais pas vraiment ce qu’est l’Asperger quand tu ne le vis pas. Nous, on le sait, et mon père peut comprendre comment je me sens.
R.: Beaucoup disent qu’ils pensent qu’ils le sont parce qu’ils sont timides. Oui, tu peux l’être, mais tu ne l’es pas 10 fois plus que moi. C’est tout à fait ça: on est timides fois 10. Je me souviens que le spécialiste nous avait dit: «Un Asperger, ça a tout le temps mal au ventre.» On s’est regardés, Charlotte et moi, et on a fait: «Hein! Chaque jour, on a mal au ventre...» C’est cette sorte d’anxiété qui nous fait penser qu’on va parler à des gens ou être avec des gens et qu’on a mal au ventre. C’est hallucinant, mais on vit avec ça.
Comment avez-vous fait pour composer avec cette réalité en montant sur scène, en appelant des inconnus avec votre personnage de Monsieur Latreille?
R.: Comme je ne le savais pas, je suis allé de l’avant. Il faut dire que j’ai été élevé dans ce milieu et, pour moi, il n’y a rien d’extraordinaire là-dedans. Sur scène, tu es un peu coupé du monde. Tu es dans une bulle, tu n’as pas vraiment de contact direct avec le public. Aller souper avec 10 amis, c’est pas mal plus gênant que de faire un show devant 1000 personnes. Quand tu te sers comme il faut de ton Asperger, il y a aussi des avantages.
Et comment ça se traduit?
R.: Dans mon cas, je suis ultra-sensible. Quand je parle à quelqu’un, je sais exactement quel genre de personne elle est en quelques secondes. En ce sens, c’est sûr que ça m’a aidé pour faire mes appels de Monsieur Latreille.
Pour plus d’informations sur les actualités et les spectacles de Réal Béland, auxquels Charlotte participe, allez à realbeland.com.
À VOIR AUSSI: 40 vedettes québécoises qui arborent fièrement des tatouages