Les touristes se détournent doucement des États-Unis de Trump

AFP
En quelques semaines, le ciel s’est assombri pour le tourisme aux États-Unis dans le sillage de décisions du président Donald Trump, dont la teneur hérisse certains visiteurs étrangers et qui fait craindre un bond des prix et un dollar plus fort.
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Les entrées de voyageurs étrangers sur le sol américain devraient reculer en 2025 de 5,1% par rapport à l’année précédente, alors qu’une hausse de 8,8% était anticipée auparavant, selon un rapport publié fin février par Tourism Economics. Leurs dépenses devraient être inférieures de 10,9%.
Depuis cette publication, «la situation a empiré [...], et le résultat sera probablement pire», relevait mardi Adam Sacks, président de Tourism Economics, qui y voit les «conséquences de l’antipathie envers les États-Unis».
Ces dernières semaines, l’administration Trump a instauré des droits de douane contre Canada, Mexique et Chine. Elle a aussi menacé d’en imposer à l’Union européenne.
Parallèlement, des agences gouvernementales ont été fermées ou privées de financements (parcs nationaux, USAID), des milliers de fonctionnaires licenciés, tandis que Donald Trump échafaudait des plans controversés pour les guerres en Ukraine et à Gaza.
«La polarisation engendrée par la politique et la rhétorique du gouvernement Trump [...] va décourager les voyages aux États-Unis», estime Tourism Economics, évoquant également des «pressions» exercées pour ne pas y organiser d’événements (conférences, sports, etc.)
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L’Institut du forum touristique mondial anticipe un «impact important» sur les arrivées internationales, s’attendant à une «refonte» du secteur. Il rappelle que, lors du premier mandat de Donald Trump, moins de Chinois étaient venus.
Quelque 35% des habitants de 16 pays d’Europe et d’Asie interrogés par YouGov en décembre étaient moins enclins à venir aux États-Unis sous Trump. 22% l’étaient davantage.
L’AFP a questionné une poignée de touristes venus de France, d’Ouzbékistan ou d’Argentine au célèbre Times Square de New York. Les positions de Donald Trump n’ont pas modifié leurs projets.
Passeport
Marianela Lopez et Ailen Hadjikovakis, âgées de 33 ans, ont néanmoins utilisé leur passeport européen plutôt qu’argentin pour éviter tout problème à la frontière.
«Nous avions un peu peur de la situation, mais nous n’avons rien modifié», explique Marianela.
Pas de changements non plus pour la famille Lagardère, venue de France.
«[Les Américains] ont élu ce président. C’est la démocratie. S’ils ne sont pas contents, ils changeront dans quatre ans», relève Laurent, 54 ans. «Le personnage est ce qu’il est», et éviter les États-Unis «ne changera rien», ajoute-t-il.
Quelque 77,7 millions de touristes étrangers étaient attendus en 2024 (+17 % sur un an), d’après le National Travel and Tourism Office, qui n’a pas encore de chiffres définitifs à présenter.
Les touristes d’Europe de l’Ouest, 37 % des visiteurs en 2024, sont les plus susceptibles de choisir d’autres destinations, avec les Canadiens et les Mexicains.
L’U.S. Travel Association prévenait début février que des tarifs douaniers rebuteraient les Canadiens, premiers contingents de touristes étrangers dans le pays (20,4 millions en 2024).
D’après Statistiques Canada, les retours frontaliers de Canadiens ont chuté de 23% en février sur un an, second recul mensuel consécutif.
À New York, qui a accueilli 12,9 millions de voyageurs étrangers en 2024, l’effet est déjà perceptible avec des annulations des Canadiens auprès de voyagistes et une diminution des recherches sur internet (hôtels, spectacles), explique à l’AFP Julie Coker, présidente de NYC Tourism, qui a ajusté à la baisse en février ses prévisions pour l’année.
«Nous ne voyons encore rien pour l’Europe ou le Royaume-Uni», premier contingent, car c’est trop tôt, a-t-elle relevé. «Nous surveillons de près». Mais les autorités britanniques et allemandes viennent de prévenir leurs ressortissants de redoubler de vigilance concernant leurs documents de voyage, évoquant le risque d’arrestation.
Comme plusieurs transporteurs, United Airlines a constaté une «grosse chute» des voyages du Canada vers les États-Unis ainsi qu’une baisse de la demande de voyages intérieurs.
Pour Tourism Economics, le secteur touristique pourrait perdre environ 64 G$ en 2025 de revenus du fait de l’atrophie des voyages internationaux et domestiques.
Les Américains, restés prudents face aux incertitudes macroéconomiques et géopolitiques, semblent désormais figés par la tournure de l’économie. Des mots comme récession et inflation effraient aussi les touristes, soulignent les experts.
Sans parler du risque d’un billet vert encore plus fort.
«Cela risque de rendre les États-Unis plus chers [...], affectant le nombre de visiteurs et la durée des séjours», a relevé Tourism Economics.
Les professionnels craignent également les effets du resserrement de la politique migratoire sur les grands événements comme la Ryder Cup (2025), la Coupe du monde de football (2026) et les JO d’été à Los Angeles (2026).