Les tops et les flops de Trevor Timmins


Jonathan Bernier
On fait grand état de la nomination du prochain directeur général du Canadien. Toutefois, on semble oublier qu’un poste tout aussi névralgique au sein de l’organisation reste à pourvoir : celui de directeur du recrutement amateur.
Martin Madden Jr., directeur du recrutement des Ducks depuis la saison 2008-2009, Daniel Doré, qui semble suivre le même itinéraire que Jeff Gorton (dépisteur amateur des Bruins de 1996 à 2007, puis des Rangers de 2007 à aujourd’hui) et Jean-Philippe Glaude, à l’emploi des Predators depuis 2013 et possiblement l’un des jeunes les plus allumés de la profession, pourraient être des candidats intéressants.
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Peu importe l’identité de l’élu, Gorton, le prochain directeur général et lui devront s’asseoir rapidement pour dresser les grandes lignes de leur vision et de la direction qu’ils comptent donner à l’organisation.
L’héritage de Timmins
D’ici là, permettons-nous un dernier tour d’horizon du règne de Trevor Timmins. De son embauche par André Savard en 3 juillet 2002, à son congédiement par Geoff Molson, le 28 novembre 2021, Timmins a effectué 144 sélections. S’il a démontré un certain flair au cours de ses cinq premiers repêchages, il s’est lamentablement effondré lors des 10 suivants.
Depuis 2008, Brendan Gallagher, Alex Galchenyuk et Arturri Lehkonen sont les seuls à avoir obtenu un poste régulier et significatif au sein de l’équipe. Son incapacité à dénicher des choix de premier tour de qualité n’est pas étrangère aux insuccès répétés de l’équipe au cours des cinq dernières années. Voici donc 10 fois où Timmins a eu le compas dans l’œil et 10 autres où il s’est plutôt foutu le doigt dans l’œil.
1. Carey Price
2005, 1re ronde, 5e au total

En raison du lock-out, la saison précédente, l’ordre de sélection est déterminé par une loterie. Le Canadien joue de chance et obtient le cinquième droit de parole. Même si José Théodore semble bien en selle devant la cage du Canadien, Timmins jette son dévolu sur celui qu’il considère comme le meilleur joueur disponible à son rang de sélection. Plus de 15 ans plus tard, Carey Price constitue, et de loin, sa sélection la plus étincelante. Price détient le plus grand nombre de victoires dans l’histoire de la concession (360). On dit que Timmins voyait Benoit Pouliot dans sa soupe. Heureusement pour lui, le Wild l’a choisi tout juste avant.
2. Max Pacioretty
2007, 1re ronde, 22e au total

Le 25 février 2007, une transaction en apparence anodine impliquant Craig Rivet a permis à Timmins d’obtenir un droit de parole supplémentaire au premier tour du repêchage tenu quelques mois plus tard. Timmins a profité de ce droit de parole pour appeler Max Pacioretty, qui deviendra le plus prolifique buteur du Tricolore lors de la décennie suivante et éventuellement le 29e capitaine de l’histoire de l’équipe. Sans compter qu’il fut le prix d’acquisition de Nick Suzuki, sur qui repose l’avenir du Tricolore.
3. Brendan Gallagher
2010, 5e ronde, 147e au total

Il a eu beau récolter 81 points, dont 40 buts en 72 matchs, à sa deuxième saison avec les Giants de Vancouver, son petit gabarit fait reculer plusieurs équipes. Timmins a tenté sa chance avec l’Albertain au 5e tour et ne l’a jamais regretté. La fougue et la détermination de Gallagher lui ont valu d’amorcer la saison 2013 avec le grand club (campagne qui a commencé en janvier). Au fil des 11 dernières années, il est devenu le cœur et l’âme de cette formation. Il affiche plus de 600 matchs au compteur. Sans les blessures, il approcherait les 700. Sélectionné au 147e rang, Gallagher n’est devancé que par neuf joueurs chez les espoirs de cette cuvée.
4. Ryan McDonagh
2007, 1re ronde, 12e au total

Timmins vise dans le mille en sélectionnant Ryan McDonagh au 12e rang de l’encan de 2007. L’Américain a du coffre, une belle maturité et un talent indéniable dans plusieurs facettes du jeu. Tellement que, deux ans plus tard, avant même que McDonagh ait participé à un premier camp d’entraînement professionnel, Glen Sather, le directeur général des Rangers, exige qu’il soit inclus dans la transaction qui impliquera le transfert de Scott Gomez à Montréal.
McDonagh sera le capitaine de cette équipe pendant quatre saisons avant d’aller remporter deux coupes Stanley avec le Lightning.
5. P.K. Subban
2007, 2e ronde, 43e au total

Timmins a connu plusieurs années de vaches maigres au repêchage. Mais, en 2007, il a tiré la trifecta. Après McDonagh et Pacioretty, il sélectionne, au deuxième tour, P.K. Subban. Par son style flamboyant hors de la patinoire et son côté spectaculaire sur la surface de jeu, le défenseur deviendra rapidement un favori de la foule. Deux aspects de sa personnalité qui ne plaisent, cependant, pas à tous dans l’entourage de l’équipe. Disons qu’ils se marient mal aux habitudes conservatrices de l’organisation. C’est tout de même ce qui attirera David Poile et le convaincra d’échanger Shea Weber contre ses services. Subban est le dernier lauréat du trophée Norris (2013) dans l’histoire du Canadien. Il a été finaliste pour ce même prix en 2015.
6. Mikhail Sergachev
2016, 1re ronde, 9e au total

La relève en défense fait grandement défaut lorsque s’amorce le repêchage de 2016. Lors de la saison précédente, 15 joueurs se sont succédé à la ligne bleue du Tricolore. Timmins règle une partie du problème en appelant Mikhail Sergachev, un arrière gaucher qui, malgré ses 18 ans, possède déjà la charpente d’un homme. Les quatre matchs qu’il joue dans l’uniforme du Canadien à la fin de la campagne suivante laissent présager de bonnes choses. La direction voit en lui le successeur d’Andreï Markov. Toutefois, les Montréalais sont cruellement en manque de marqueurs. Lorsque Bergevin démontre de l’intérêt pour Jonathan Drouin, son homologue du Lightning flaire la bonne affaire. Sergachev ira gagner deux coupes Stanley avec le Lightning.
7. Jaroslav Halak
2003, 9e ronde, 271e au total

Qui ne se souvient pas du printemps 2010 ? Le simple souvenir de ces quelques semaines vaut à Jaroslav Halak une mention dans ce palmarès. Ses prouesses lui ont presque valu de chasser Carey Price de Montréal. Choix de 9e tour en 2003, le gardien slovaque roule toujours sa bosse 18 ans plus tard. Il a gravé son nom sur le trophée Jennings, remis au duo de gardiens ayant maintenu la meilleure moyenne, à deux occasions. De plus, il a été invité au match des étoiles en 2015. De cette séance de sélection légendaire, seulement cinq joueurs réclamés plus loin que le deuxième tour évoluent toujours dans le circuit Bettman : Brad Richardson, Nate Thompson, Joe Pavelski, Halak et Brian Elliott.
8. Artturi Lehkonen
2013, 2e ronde, 55e au total

L’année 2013 ne fut pas un grand succès pour Timmins, même s’il avait quatre droits de parole parmi les 55 premiers choix. Le dernier du quatuor est le seul à connaître une carrière régulière dans le circuit Bettman. Sans être une grande vedette, Artturi Lehkonen est un joueur honnête capable d’offrir de bons services à l’équipe. Surtout défensivement. D’ailleurs, on a souvent reproché à Timmins d’être passé par-dessus de très bons joueurs. Dans le cas de Lehkonen, l’Ontarien n’a pas à rougir. Seulement quatre joueurs repêchés plus loin que le Finlandais ont disputé plus de matchs que lui dans la LNH.
9. Jake Evans
2014, 7e ronde, 207e au total

Le système de développement du Canadien n’a rien d’un modèle d’excellence. Plusieurs espoirs ont sans doute été gaspillés par un manque de compétence à ce niveau. Jake Evans est possiblement l’exception qui confirme la règle. Repêché au septième tour de l’encan de 2014 (207e choix sur 2010), le Torontois a gravi les échelons un à la fois. Quatre ans à l’Université Notre-Dame et un peu plus d’une saison et demie à Laval lui ont été nécessaires pour peaufiner le style qui lui permettrait d’obtenir un poste régulier dans la LNH. Au début de la saison, Marc Bergevin l’a récompensé en lui offrant une prolongation de trois ans d’une valeur annuelle de 1,7 M$.
10. Mark Streit
2004, 9e ronde, 262e au total

Il n’a disputé que trois saisons à Montréal, mais il a su s’imposer comme l’un des meilleurs défenseurs offensifs de la formation. À sa dernière campagne avec le Tricolore (2007-2008, si on exclut son retour de deux matchs en 2017-2018), il a terminé au troisième rang des pointeurs de l’équipe. Il ne fut pas étranger aux succès de l’équipe en supériorité numérique (24,1 %) avec une récolte de 34 points avec l’avantage d’un homme (12e rang du circuit). Il a connu une carrière de 786 matchs dans la LNH. Pas mal pour un joueur sélectionné en 9e ronde, à l’âge de 26 ans, et à qui le Canadien a même déjà demandé de jouer à l’avant.
Le doigt dans l’oeil
1. David Fischer
2006, 1er tour, 20e au total

Seulement trois joueurs sélectionnés au premier tour du repêchage de 2006 n’ont jamais joué dans la LNH. David Fischer est l’un d’eux. Timmins croyait assurément avoir déniché la perle rare en dégotant le défenseur dans une école secondaire du Minnesota. Or, en plus de ne pas jouer dans le circuit Bettman, Fischer a à peine goûté au hockey de la Ligue américaine. Et, à ce moment, il ne faisait même plus partie de l’organisation du Canadien. En fait, le Tricolore ne lui a jamais offert de contrat. Il est toujours bon de rappeler, au risque de devenir redondant, que Claude Giroux, qui venait de connaître une saison de 103 points à Gatineau, a été choisi deux rangs plus tard par les Flyers. D’ailleurs, André Savard, adjoint du DG Bob Gainey, s’était battu en faveur de Giroux. En vain.
2. Jarred Tinordi
2010, 1re ronde, 22e au total

Trevor Timmins a un gros défenseur dans sa ligne de mire à l’approche de sa sélection prévue au 27e rang. Il craint tellement de le perdre qu’il demande à Pierre Gauthier, son directeur général, de le rehausser de quelques rangs. Gauthier envoie à Phoenix ses choix de premier (27e au total) et de deuxième (57e) ronde en retour du choix de premier tour (22e) des Coyotes. Timmins appelle Jared Tinordi, fils de Mark, l’ancien colosse des North Stars et des Capitals. Il disputera 46 matchs avec le Tricolore avant d’être échangé... aux Coyotes. En passant, Mark Pysyk, Kevin Hayes, Quinton Howden et Evgeny Kuznetsov ont été sélectionnés entre les 22e et 27e rangs de ce repêchage.
3. Nikita Scherbak
2014, 1re ronde, 26e au total

En raison de la montée de la KHL, les Russes ont de moins en moins la cote au repêchage depuis quelques années. Les directeurs généraux craignent que ces jeunes athlètes préfèrent jouer dans leur pays. Ça n’empêche pas Timmins de jeter son dévolu sur Nikita Scherbak. L’attaquant s’est bien acclimaté à l’Amérique du Nord puisqu’il a passé la saison à Saskatoon, dans la Ligue junior de l’Ouest. Toutefois, son adaptation à la LNH ne sera pas remplie d’autant de succès. Même dans la Ligue américaine, c’est loin d’être convaincant. Tellement que le Canadien le laissera partir en le plaçant au ballottage à peine quatre ans et demi plus tard. Même avec les Kings, il n’a pas été en mesure de lancer sa carrière.
4. Michael McCarron
2013, 1re ronde, 25e au total

Résultat d’une série contre les Sénateurs où son équipe s’est fait passablement brasser et a subi une élimination rapide en cinq rencontres, Marc Bergevin souhaite embaucher des pans de murs. C’est dans cette optique que Timmins choisit Michael McCarron, un colosse de 6 pieds, 5 pouces et 228 livres. Un joueur de centre, en plus ! Qui dit mieux ? Sauf que le coup de patin de l’attaquant américain est plus que déficient. Il jouera 69 matchs avec le Canadien. Encore à ce jour, il fait la navette entre la Ligue américaine et la LNH, maintenant avec l’organisation des Predators de Nashville.
5. Louis Leblanc
2009, 1re ronde, 18e au total

On ne saura jamais avec certitude si Timmins a cédé à la pression populaire en sélectionnant Louis Leblanc parce que le repêchage se déroulait à Montréal. On peut également se demander si, dans le cas de l’attaquant de Pointe-Claire, ce n’est pas le développement qui a fait défaut. À commencer par la recommandation insistante de l’organisation de lui faire quitter Harvard pour le faire jouer avec le Junior de Montréal. Néanmoins, il a disputé 42 matchs avec le Tricolore à l’âge de 21 ans. Et se peut-il que la blessure à une cheville subie pendant un combat face aux Marlies de Toronto, au début de la saison 2012-2013, l’ait privé d’un autre séjour formateur avec le Canadien ?
6. Cory Urquhart
2003, 2e ronde, 40e au total

Le hasard a voulu que Cory Urquhart connaisse les meilleurs moments de sa carrière junior dans les quelques semaines où les dépisteurs du Canadien épiaient les matchs du Rocket de Montréal. Il obtient 15 points en sept matchs éliminatoires. Séduit par les talents de marqueur et les habiletés de l’attaquant originaire d’Halifax, le Canadien le sélectionne dans le premier tiers du deuxième tour. Il ne défendra jamais les couleurs du Tricolore, se contentant de faire la navette entre la Ligue américaine et la ECHL. D’ailleurs, Timmins choisira trois joueurs du Rocket lors de ce repêchage. De ce trio, Maxim Lapierre sera le seul à se tailler une place avec l’équipe (293 matchs avec le CH).
7. Danny Kristo
2008, 2e ronde, 56e au total

En raison de la transaction qui lui a permis d’acquérir Alex Tanguay, le Canadien n’a pas de choix de premier tour en 2008. Il doit patienter jusqu’au 56e rang pour obtenir un droit de parole. Timmins sélectionne Danny Kristo, un jeune attaquant issu du programme national de développement américain. Kristo connaîtra de très bonnes saisons à l’université de North Dakota, mais son développement plafonne. Le Tricolore jette l’éponge cinq ans plus tard après une expérience de neuf matchs avec les Bulldogs d’Hamilton. Kristo ne jouera jamais un match dans la LNH, tout comme les quatre autres sélections de Timmins à ce repêchage.
8. Andrei Kostitsyn
2003, 1re ronde, 10e au total

Le repêchage de 2003 est sans contredit le plus prolifique des 30 dernières années. Marc-André Fleury, Eric Staal, Jeff Carter, Dustin Brown, Brent Seabrook, Ryan Getlaf et Corey Perry ne sont que quelques-uns des futures vedettes réclamées au premier tour de cet encan. Pour un directeur du recrutement, il était pratiquement impossible de rater la cible. C’est pourtant ce qu’a fait Timmins en réclamant Andrei Kostitsyn au 10e rang. S’il avait un talent certain et le physique de l’emploi, le Bélarussien avait un niveau de détermination assez douteux. Il a connu un début de carrière prometteur, mais a rapidement sombré. On se souvient de lui davantage pour ses acoquinements avec le milieu interlope.
9. Noah Juulsen
2015, 1re ronde, 26e au total

Timmins fait un choix logique en sélectionnant Noah Juulsen. Le Canadien a besoin de regarnir sa banque de défenseurs et le Britanno-Colombien démontre des qualités plus qu’intéressantes. Ses aptitudes offensives, jumelées à un gabarit somme toute imposant, laissent présager une belle carrière dans la LNH. Dans ce cas-ci, ce sont les blessures qui auront raison de ce beau projet. Ces problèmes de vision persistants et de migraines, résultat de deux rondelles reçues au visage dans le même match, l’ont pratiquement forcé à l’inactivité complète durant trois saisons. En janvier 2021, tout juste avant l’ouverture de la saison, les Panthers l’ont réclamé au ballottage.
10. Jesperi Kotkaniemi
2018, 1re ronde, 3e au total

Des équipes ont commis des erreurs bien plus graves au cours de l’histoire. Néanmoins, l’entêtement de Timmins et de Marc Bergevin à vouloir à tout prix choisir un joueur de centre plutôt que le meilleur patineur disponible les a fait passer à côté de Brady Tkachuk. L’avenir nous dira si le Canadien avait vu juste. Mais jusqu’à maintenant, ça semble plutôt être le contraire. Tkachuk a déjà récolté 147 points en 224 matchs dans la LNH. En début de saison, il a signé un pacte de sept saisons avec les Sénateurs et a été élu capitaine de la formation. Son rôle est déjà bien défini et son ascendant sur l’équipe est bien établi. Pendant ce temps, le Canadien a perdu Kotkaniemi en raison d’une offre hostile déraisonnable des Hurricanes.