Les Russes risquent de s’appauvrir rapidement
Clara Loiseau | Journal de Montréal
Les lourdes sanctions imposées au gouvernement de Vladimir Poutine entraîneront un appauvrissement rapide de la population russe, qui paiera le prix fort de la guerre que son président a choisi de mener, selon des experts.
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«La Russie, qui n’est pas un pays très riche et qui n’a pas beaucoup de diversité agricole, va arriver rapidement à un problème de sécurité alimentaire et il va y avoir aussi un appauvrissement rapide de la population, surtout de la classe moyenne», estime François Audet, directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaires (OCCAH).
Depuis près de trois semaines, les sanctions économiques se multiplient contre la Russie et ses oligarques pour faire plier Vladimir Poutine et tenter d’arrêter la guerre qu’il a déclenchée en Ukraine le 24 février dernier.
Parmi ces mesures, il y a notamment la fermeture des espaces aériens pour les avions russes, la suspension des visas, le contrôle ou l’interdiction des exportations et des importations et le gel et la saisie des biens de plus de 700 oligarques russes.
Pour M. Audet, ces sanctions extraient, en quelque sorte, la Russie de la mondialisation et la coupent de ses chaînes d’approvisionnement.
«On a vu comment le rouble [la monnaie russe] est en train de s’effondrer. L’inflation, que l’on estime ici comme étant draconienne, n’est rien à côté de ce qui se dessine en Russie», indique-t-il.
En effet, au Canada, l’inflation annuelle des aliments a atteint 6,5% en janvier 2022, alors que, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, elle a atteint 11% en Russie à la même période.
Pouvoir d’achat
Résultat: le pouvoir d’achat des Russes risque de diminuer fortement à cause du conflit.
Pour Arthur Silve, professeur d’économie à l’Université Laval, il est clair que la situation en Russie est dramatique et que le pays vit sa plus grave crise économique.
«Il faut s’attendre à ce que dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, il y ait des rayonnages complètement vides dans les marchés en Russie. Donc des biens qui ne sont plus disponibles», prévient-il.
De son côté, Florian Mayneris, professeur au Département de sciences économiques à l’ESG-UQAM, abonde dans le même sens.
«Même si la Chine peut se substituer en partie pour les produits agroalimentaires, l’Union européenne représentait quand même près de 30% des importations russes», indique-t-il.
Pétrole et gaz
Toutefois, l’appauvrissement des Russes ne se fera pas du jour au lendemain; il se fera progressivement, analyse M. Mayneris.
«Les mesures, telles qu’elles sont prises actuellement, elles sont de nature à déstabiliser fortement l’économie russe, mais elles n’empêchent pas de fonctionner ou du moins n’empêchent pas Vladimir Poutine de conduire son effort de guerre», explique celui qui est aussi membre du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO).
Chaque jour, la Russie continue de recevoir des millions de dollars grâce à ses exportations de pétrole et de gaz, qui sont l’équivalent de plus de 10% de son produit intérieur brut, souligne M. Mayneris.
Pour lui, il est évident que tant que la Russie continuera son commerce d’hydrocarbures, Vladimir Poutine pourra continuer de mener sa guerre.
- Avec Héloïse Archambault, Le Journal de Montréal