Les Québécois veulent que la limite du taux d'alcool au volant soit réduite, selon plusieurs sondages
Experts et militants ne s’expliquent pas la position du gouvernement
Dominique Scali
Les experts et militants nagent dans l’incompréhension devant l’inaction du gouvernement alors qu’une majorité de Québécois voudraient que la limite d’alcool au volant soit réduite à 0,05 et que toutes les recherches pointent en ce sens.
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«Je ne sais pas quoi vous dire», soupire Antoine Bittar, à propos de la position du gouvernement Legault prônant le statu quo.
En tant que directeur de MADD Montréal, qui lutte contre la conduite avec facultés affaiblies, sa voix s’ajoute à celle de nombreux groupes civils ou scientifiques qui réclament une réduction de la limite du taux d’alcool dans le sang de 0,08 à 0,05.
La ministre des Transports Geneviève Guilbault a affirmé ne pas avoir l’intention d’acquiescer, même si elle vient de déposer un projet de loi sur la sécurité routière.
C’est pourtant ce que recommande l’Institut national de santé publique (INSPQ) depuis 2010. C’est également ce qu’a demandé le coroner Yvon Garneau cet automne, ainsi que l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) et CAA-Québec cette semaine.
Appui en hausse
Or, la position de la ministre Guilbault est d’autant plus difficile à saisir que plusieurs sondages ont montré qu’un tel abaissement de la limite aurait l’appui d’une majorité de la population, notent les intervenants.
En mars 2022, un sondage Léger réalisé pour l’ASPQ a relevé que 50% des Québécois y seraient favorables. En mars 2023, le taux d’appui dans le même sondage avait augmenté à 57%.
- Écoutez l'entrevue avec Antoine Bittar et Élizabeth Rivera, un couple de parents endeuillés par la perte d’un enfant décédé dans un accident de la route impliquant un chauffard intoxiqué, via QUB :
Un sondage SOM réalisé pour Les coops de l’information réalisé l’automne dernier arrivait même à un taux d’appui de 61%, selon Le Droit.
Déjà en 2020, l’INSPQ arrivait à la conclusion que 70% des Québécois considèrent que les sanctions liées à l’alcool au volant devraient être plus sévères.
«Fausse route»
«Je leur demande [au gouvernement] de me donner un seul argument», lance Monsef Derraji, député libéral qui a déposé une pétition sur le sujet sur le site de l’Assemblée nationale.
«Si on se base sur la science, la CAQ fait fausse route. Si on se base sur l’avis du coroner, la CAQ fait fausse route. Si on se base sur l’opinion populaire [...] la CAQ fait fausse route», résume-t-il.
Le Québec est la dernière province canadienne à maintenir sa limite à 80 mg d’alcool par 100 mL de sang (0,08), alors que toutes les autres l’ont déjà réduite à 0,05, voire 0,04.
Données «éloquentes»
«Les données sont éloquentes», dit Nicolas Ryan de CAA-Québec. Par exemple, la Colombie-Britannique connaît une baisse impressionnante du nombre de décès liés à l’alcool au volant depuis 2019, illustre-t-il.
«On est rendus à un moment où on ne peut plus accepter des morts qui sont évitables», abonde Antoine Bittar.
M. Bittar et sa femme, Elizabeth Rivera, ont fait couler beaucoup d’encre malgré eux dans les derniers jours. Ils ont révélé avoir été invités à payer 200$ afin d’avoir accès à la ministre Guilbault lors d’un cocktail de financement.
En 2017, ils ont perdu leur fille Jessica. Elle est morte dans un accident après être montée à bord de la voiture d’une connaissance. Le conducteur était en état d’ébriété, mais n’avait pas l’air intoxiqué, raconte M. Bittar.
Jessica avait 26 ans. Elle en aurait 32 aujourd’hui.
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