Les Québécois ouvrent leurs bras aux réfugiés ukrainiens
Mathieu Carbasse
Les yeux rivés vers l’Ukraine, les Québécois s’organisent pour venir en aide à la population sur place... et pour préparer l’arrivée des premiers réfugiés dans les prochaines semaines.
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«Nous, comme Canadiens, mais aussi comme humains sur cette planète, est-on d’accord pour regarder un pays de 45 millions d’habitants se faire rayer complètement de la planète? C’est ce [que Vladimir Poutine] est pourtant en train de faire.»
Quand il parle du président russe, Michael Shwec ne mâche pas ses mots. Et pour le président du Conseil provincial du Québec du Congrès ukrainien canadien, ce n’est pas quand le nombre de réfugiés atteindra 4 millions et qu’il y aura des dizaines de milliers de morts qu’il faudra agir. C’est maintenant, et personne ne peut dire qu’il ne peut rien faire.
Il demande donc à tous les Canadiens d’apporter leur aide que ce soit pour la population encore sur place ou pour commencer à organiser l’arrivée des premiers réfugiés.
D’ailleurs, il faudrait peut-être écrire «réfugiées», car ce sont avant tout des femmes et des enfants qui fuient l’Ukraine, tandis que les hommes doivent rester au pays pour défendre leur drapeau. Ce qui amène des défis particuliers.
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«Cette vague de réfugiés, ça va demander un effort supplémentaire car il s’agit de mères et d’enfants», prévient celui qui représente la communauté des Ukrainiens du Québec et qui se dit «très reconnaissant» du soutien offert à ce jour par la population du Québec.
«D’habitude, les réfugiés qui arrivent au Québec, ce sont des familles: un père, une mère et des enfants. Là, ce ne sera pas le cas. Les mères ne pourront pas tout de suite aller se chercher une job, ça va prendre des efforts de garderie, donc des besoins financiers plus importants, mais aussi des supports sociaux et psychologiques.»
M. Shwec se réjouit de voir qu’un plan est à l’étude avec la Ville de Montréal. Il espère que la double initiative du gouvernement fédéral, qui prévoit que les ressortissants ukrainiens dont la demande obtiendra l'aval des autorités pourront rester jusqu'à deux ans au pays, ne tardera pas à se mettre en place et à permettre aux premiers réfugiés de rentrer au Canada.
Le succès fulgurant d’un groupe Facebook
Pour mesurer la volonté des Québécois de s'impliquer, il suffit de se rendre sur la page Facebook du groupe «Héberge tes réfugiés ukrainiens».
Créé dans les premiers jours du conflit, le groupe compte aujourd’hui plus de 7000 membres. Il est devenu en quelques jours le point de chute de milliers de Québécois prêts à mettre à disposition un lit, une chambre ou même un chalet.
«La situation des Ukrainiens m’a touché, je me suis senti concerné par leur situation, explique Alexandre Dufresne, à l’origine de l’initiative. Autour du 25 ou 26 février, le Québec et le Canada ont commencé à parler de ce qu’ils avaient l’intention de faire pour les réfugiés, mais je voyais par contre que c’était très embryonnaire, qu’il n’y avait pas de concret mis sur pied par les gouvernements.»
L'avocat de 32 ans a donc créé un groupe, après avoir réalisé qu'il ne semblait pas déjà en exister. Et le succès a tout de suite été au rendez-vous.
«Je n’ai pas été surpris par l’intérêt et l’engouement des gens, par contre, le nombre m’a surpris, détaille-t-il. Du jour au lendemain, le groupe a quadruplé de membres. Dès que les médias ont commencé à en parler, il y a un paquet de gens qui se sont mis à nous contacter. C’est là qu’on a commencé à se dire : bon, il faut qu’on s’organise un peu mieux.»
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Entre 7000 et 10 000 places déjà proposées
M. Dufresne a alors créé un formulaire disponible directement sur la page du groupe pour que les gens désireux d’accueillir des réfugiés puissent donner leurs informations (nom, prénom, numéro de téléphone, là où ils habitent) afin d’être mis ultérieurement en contact avec des réfugiés.
Lundi, plus de 2500 formulaires avaient déjà été remplis et le nombre continuait de monter régulièrement.
«En règle générale, les gens offrent 4 places, explique Alexandre Dufresne. Alors en multipliant par le nombre de formulaires, on peut penser que ça représente au total entre 7000 et 10 000 places.»
Tandis que plusieurs personnes se sont jointes à lui pour l’aider à administrer le groupe, l’étape de mettre en contact des gens n’est pas encore venue. Pour l’instant, Alexandre Dufresne travaille pour convertir cette liste-là en action concrète.
«S’il y a des gens bien placés au ministère de l’Immigration canadien ou québécois, ou bien placés dans les organismes qui peuvent venir en aide aux réfugiés, c’est avec ces gens-là qu’on a besoin de traiter présentement. Le traitement de plus de 2500 dossiers nécessite des équipes de dizaines de personnes, qui doivent aussi veiller à préserver la confidentialité des informations collectées.»
Des dons affluent auprès des églises ukrainiennes
Des collectes de matériel médical et de nourriture s’organisent dans la région de Montréal, autant pour fournir une aide d’urgence aux Ukrainiens restés sur place que pour fournir des biens essentiels aux réfugiés qui arriveront bientôt au Québec.
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L'Église catholique ukrainienne de l'Assomption-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie, au coin de la 10e Avenue et de la rue de Bellechasse dans Rosemont, accepte toute sorte de dons, notamment des bas, des manteaux, des sous-vêtements, des produits d’hygiène pour les femmes, mais aussi des couches, poussettes et même des jouets pour les enfants.
«Ces gens-là n’ont rien, explique Michael Swhec. Si on regarde les trains qui quittent l’Ukraine, il y a beaucoup de monde qui laissent leur valise pour faire une place pour une autre personne. Ils viennent donc avec un sac, une petite valise peut-être... Ils vont arriver à Montréal comme ça, donc il faut les accueillir, il faut les aider.»
Enfin, les dons en argent à destination des réfugiés commencent à être recueillis à la Caisse populaire ukrainienne de Montréal (dans Rosemont) et un fonds pour les réfugiés va bientôt être mis sur pied par le Congrès ukrainien canadien.