Les produits défrisants augmenteraient les risques de cancer, selon une nouvelle étude
Anne-Lovely Etienne
BILLET - Alerte! Une nouvelle étude des National Institutes of Health aux États-Unis (NIH) dévoile que les femmes qui utilisent des produits chimiques pour lisser les cheveux sont plus à risque de développer un cancer de l’utérus. Et toutes les femmes noires de mon entourage sont déjà passées par là.
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La plupart des petites filles noires se souviennent de leur premier lissage permanent (défrisant en créole)... C’est aussi marquant que ses premières règles. Je vous le jure.
À 12 ans, c’était ma première fois. Je rêvais d’avoir les cheveux lisses et soyeux comme le modèle de la boîte de Dark & Lovely. Il fallait me mouler aux critères de beauté eurocentriques.
Avec du recul, je me rends bien compte que plusieurs signes indiquaient que ces produits de défrisage contiennent des ingrédients chimiques forts:
- Une odeur de poisson pourri émane de ta crinière, alors que ton cheveu tissé serré devient en l’espace d’une demi-heure très droit.
- La sensation de brûlure et de picotement qui monte en intensité, en attendant que le produit fasse effet.
- Après quelques jours, il est possible de sentir sur le cuir chevelu des lésions causées par la brûlure.
Comment peut-on penser que c’est bon pour notre santé? Les standards de beauté et le manque de représentativité nous ont-ils tant aveuglé?
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Défrisants et cancer
Pour réaliser l’étude, le National Institute of Environmental Health Sciences a suivi durant près de 11 ans 33 497 femmes américaines âgées entre 35 et 74 ans.
Les chercheurs ont observé que la proportion de femmes qui développent un cancer de l’utérus avant 70 ans est de 1,64% chez celles qui n’ont jamais utilisé de défrisants ou de relaxants pour les cheveux, un taux qui augmente à 4,05% chez les utilisatrices.
Environ 60% des participantes à l’étude qui ont rapporté avoir utilisé des produits lissants dans la dernière année sont des femmes noires. «Parce que les femmes noires utilisent des produits pour lisser ou détendre les cheveux plus fréquemment et commencent à un plus jeune âge, ces données peuvent être encore plus pertinentes pour elle», a d’ailleurs fait remarquer la Dre Che-Jung Chang, l’une des autrices de l’étude.
L’une des hypothèses principales pour expliquer ces observations est que ces produits contiennent des parabènes, du bisphénol A, des métaux et du formaldéhyde, qui pourraient contribuer aux risques de développer le cancer. De plus, les lésions et brûlures causées par les défriseurs augmenteraient l’absorption de ces ingrédients par le cuir chevelu.
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Une victoire pour le mouvement Nappy
Cette découverte va dans le même sens que le mouvement Nappy (pour natural and happy), dans lequel des femmes noires et métisses valorisent l’apparence des cheveux naturels.
D’ailleurs, un article paru sur Forbes cette semaine dévoile que les ventes aux salons de coiffure américains de produits défrisants sont passées de 71 millions en 2011 à 30 millions en 2021. Une chute vertigineuse.
Nancy Falaise, spécialiste des cheveux texturés et propriétaire du Salon Académie Nancy Falaise, se réjouit du retour des cheveux naturels au détriment des lisseurs chimiques.
«Il est temps d’arrêter les défrisants. Si vous saviez le nombre de brûlures que j’ai vu sur des cuirs chevelus, des crânes défigurés... Ça tue le bulbe. J’ai même vu une brûlure au deuxième degré. Vous n’avez qu’à googler: défrisants et brûlures... Je vous dis, vous allez y voir des horreurs», partage-t-elle.
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Mme Falaise crie donc victoire pour les femmes afro-descendantes, laissées longtemps dans l’ignorance, ne connaissant pas les dangers des défrisants.
«J’ai vu des mamans utiliser ces produits sur leurs filles de 5 ou 6 ans. Imaginez lorsque ça fait 30 ans d’utilisation. Ce n’est ni bon pour notre santé, ni pour l’estime de soi. Un moment donné, il faut assumer nos cheveux frisés», s’exclame l’experte de la coiffure afro à Montréal.
«Aucun docteur ne voulait dire avec certitude qu’il y avait un lien avec les produits qu’on utilise pour nos cheveux et notre santé, mais la donne vient désormais de changer avec cette étude», conclut-elle.