Les «polluants éternels» sont partout: 4 choses à savoir sur les PFAS
Anne-Sophie Poiré
On en retrouve dans l’eau potable de presque toutes les villes du Québec, dans le jus Simply Tropical, dans la glace de l’Arctique norvégien, dans les culottes menstruelles, dans le papier de toilette ou dans le corps d'épaulards en Colombie-Britannique: les PFAS, des substances chimiques nocives pour la santé surnommées «polluants éternels», sont partout et inquiètent.
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C’est quoi, les PFAS?
Les PFAS ont fait les manchettes cette semaine après qu’une enquête de Radio-Canada a révélé que ces «polluants éternels» étaient présents dans l’eau potable de presque toutes les villes de la province.
Les niveaux détectés dans les municipalités de Saint-Donat, dans Lanaudière, et de Val-d’Or, en Abitibi, sont particulièrement préoccupants, y rapportent des experts.
L'acronyme PFAS fait référence aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, une classe de produits chimiques de synthèse utilisés dans une multitude d’objets de la vie la courante, qui permettent de les rendre ignifuges, imperméables ou antiadhésifs.
Le nombre total de PFAS est estimé entre 5000 et 10 000, selon une étude menée par le professeur de chimie environnementale de l’Université de Montréal, Sébastien Sauvé. Ils doivent leur pseudonyme de «polluants éternels» à leur cycle de vie très long.
«On a fabriqué ces nouvelles molécules qui n’existaient pas dans la nature en laboratoire dans les années 1940-1950. Elles s’accumulent dans l’environnement, et on finit par les retrouver partout en diverses quantités», explique la chimiste et professeure titulaire à l’Université McGill, Audrey Moores.
Elles sont relâchées dans l'environnement à tout moment: lors de leur fabrication, de leur utilisation ou lorsque les objets en contenant sont jetés.
Résultat: «la nature ne sait pas quoi faire avec, elle ne sait pas les dégrader, poursuit l'experte. Ces molécules finissent par se décomposer, mais extrêmement lentement.»
Où retrouve-t-on les PFAS?
Les PFAS sont impliquées dans la fabrication d’une foule de produits industriels et d’usage courant pour les rendre les résistants à l'eau, à l’huile, aux taches ou à la chaleur. On les retrouve dans les emballages alimentaires, les cosmétiques hydrofuges, les teintures, revêtements antiadhésifs ou les textiles comme les tapis, les meubles ou les vêtements.
L'eau, les aliments et la poussière sont les principales voies d'exposition, selon Santé Canada.
Une poursuite intentée contre Coca-Cola en janvier affirme d’ailleurs que le jus Simply Tropical, un produit dit «pur et naturel à 100%», serait contaminé par ces substances chimiques éternelles.
Elles finissent donc par se retrouver partout, jusque dans les animaux et le sang de plus de 98% des Canadiens et des Américains.
Quels sont les risques de l’exposition aux PFAS?
On sait que les PFAS présentent des risques pour la santé. Elles préoccupent la communauté scientifique, notamment parce qu’elles ont été associées à des cas de cancers, de maladies cardiovasculaires, de cholestérol, de problèmes du système immunitaire, de fertilité et de troubles du développement chez les enfants.
Elles peuvent aussi réduire la réponse des anticorps à la vaccination.
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«Une multitude d’études ont démontré que certaines PFAS se bioaccumulent chez l'humain et la faune avec des effets toxiques potentiels», souligne le chercheur Sébastien Sauvé dans son étude.
«L’ensemble des travaux effectués à ce jour sont assez préoccupants pour que les autorités gouvernementales se penchent sérieusement sur le problème: Santé Canada, l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis et l’Union européenne, entre autres, ont établi ou sont en voie d’établir des limites indicatives pour les PFAS dans l'eau potable.»
Santé Canada vient tout juste d’établir la dose maximale de PFAS dans l’eau potable à 30 nanogrammes par litre [ng/L].
Il n’existe encore aucune norme au Québec.
Mais selon le directeur national de la santé publique du Québec, le Dr Luc Boileau, les taux de contamination «sont bien en deçà des limites canadiennes», même si les échantillons recueillis dans cinq municipalités québécoises dépassaient les 30 ng/L.
Il a assuré à Radio-Canada que «l’eau est très potable au Québec».
L’étude du professeur Sauvé suggère tout de même d’appliquer le principe de précaution et de faire le maximum possible pour diminuer notre exposition à ces substances.
Pourquoi utilise-t-on les PFAS?
Les PFAS sont associées à un certain niveau de confort, commente la chimiste Audrey Moores: du papier toilette plus doux et plus résistant, une poêle antiadhésive ou du mascara hydrofuge.
«Le triclosan est un antibactérien notamment utilisé dans les dentifrices. On n’a pas vraiment besoin de cette spécificité dans la pâte à dents, mais ça va permettre de mettre une étiquette sur la boîte et à vendre leurs produits plus chers pour attirer le consommateur», illustre-t-elle.
Une étude publiée dans la revue Science Translational Medicine, en 2018, a par ailleurs démontré que le triclosan favorisait l’inflammation de l’intestin et la progression du cancer du côlon chez les souris.
La professeure Moores rappelle que des produits naturels possèdent des fonctions similaires à celles recherchées dans les PFAS. «L’huile d’olive, par exemple, pourrait remplacer un produit chimique éternel utilisé comme surfaçant, donc qui a la capacité de lier ensemble de l’eau et des produits huileux comme dans une crème pour le visage.»
Mais l’utilisation des PFAS est souvent une question économique. «C’est moins cher que d’utiliser des produits naturels», résume l’experte.