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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Symptômes de COVID-19: forcés de s'absenter du travail, les parents de jeunes enfants au bout du rouleau

Ils doivent quitter le travail dès le moindre signe vu par la garderie

Photo Martin Alarie
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Photo portrait de Dominique  Scali

Dominique Scali

2021-10-20T04:00:00Z
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Des parents qui voient leur banque de congés s’amenuiser parce que leurs enfants ont des symptômes de COVID-19 sont au bout du rouleau après plus d’un an et demi de pandémie.

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«Je le sais que je vais perdre ma job», raconte Simon (nom fictif), père d’une famille reconstituée de cinq enfants.

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Il a cumulé depuis mars une trentaine de jours d’absence à son travail dans une ressource intermédiaire de Québec parce qu’un ou plusieurs de ses enfants devaient être retirés de l’école ou de la garderie en raison de symptômes liés à la COVID-19 ou d’isolement préventif. Il a requis l’anonymat pour ne pas envenimer la situation.

En mars dernier, il a reçu une lettre de congédiement de la part de son employeur en raison d’absences injustifiées. Quelques jours plus tard, il a reçu une lettre d’excuse qu’a pu consulter Le Journal. On y précise qu’une de ses absences avait finalement été «motivée par un billet médical».

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«Je suis tanné, tanné, tanné», soupire-t-il. «Je me sens mal. Je me sens jugé comme un jeune de 16 ans en lendemain de brosse».

«Mais à un moment donné, [si un enfant doit rester à la maison], il n’y en a pas, d’alternative.»

Automne difficile

Avec la montée du variant Delta et l’augmentation des contacts dans la population, cet automne-ci n’est pas plus facile à vivre que celui de l’an passé pour les parents qui doivent à tout bout de champ s’absenter du travail pour s’occuper de leurs enfants, selon plusieurs intervenants.

Une nouvelle directive est d’ailleurs entrée en vigueur le 23 septembre pour l’ensemble du milieu des garderies et CPE. Dorénavant, lorsqu’un des enfants présente des symptômes, toute sa fratrie d’âge préscolaire devrait s’isoler en attendant le résultat du test.

«On est juste en octobre [...] Qu’est-ce qu’on va faire quand les grands froids vont arriver?», se demande Lise Dupont, 30 ans, une mère de Mascouche dont la fillette de 3 ans a déjà été retirée à quatre ou cinq reprises depuis août.

Rendez-vous annulés

Les isolements préventifs sont «un mal nécessaire», rappelle le Dr Guillaume Lafortune. Sans contrôle des éclosions, les écoles et garderies seraient régulièrement fermées pour de longues périodes, illustre-t-il. 

Ce neurologue de la Montérégie est bien placé pour comprendre les parents épuisés : depuis le début de la pandémie, lui et sa conjointe estiment avoir dû annuler entre 300 et 400 rendez-vous pour aller chercher leurs propres enfants au CPE.

«C'est vraiment plate pour les patients. Il y en a qui sont âgés, donc leurs enfants ont eux aussi dû rater du travail [pour les amener au rendez-vous]», illustre la Dre Elizabeth Rivard, pneumologue. 

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Elle a d'ailleurs instauré un système pour ne pas trop pénaliser les patients. Chaque mois, elle se prévoit un ou deux jours sans rendez-vous. Ainsi, elle peut replacer les rendez-vous manqués pour des raisons familiales ces jours-là. «À date, ça ne m'est pas arrivée d'avoir une journée à chiller», assure-t-elle en riant.

«C’est la situation qui est complexe. Je ne vois pas qui est à blâmer», conclut M. Lafortune, qui invite les parents à tenir bon. 

Tolérance obligée

Pour Manon Poirier, directrice générale de l'Ordre des conseillers en ressources humaines, il va de soi que les employeurs n'ont plus le choix d'être maintenant tolérants et compréhensifs avec la réalité des parents, même s'ils peinent à trouver des remplaçants en raison de la pénurie de main-d'oeuvre. 

«Une organisation qui ne prend pas soin de son monde, elle n'atteindra pas ses objectifs. Plus aujourd'hui», notamment parce que les travailleurs ont beaucoup de choix sur le marché, explique-t-elle.

Les garderies veulent aussi des tests rapides  

Les garderies et CPE voudraient avoir accès à des tests de dépistage rapide au même titre que les écoles afin d’éviter aux parents des retraits inutiles.

«En deux mots, c’est l’enfer», dit Mona Lisa Borrega, vice-présidente de l’Association des garderies privées du Québec.

«On joue beaucoup à la police et on est épuisés de ça», dit-elle. «95% des parents collaborent, mais c’est le mozus de 5%, le problème», estime-t-elle.

Par exemple, elle a dû fermer la pouponnière de sa propre garderie parce qu’un parent infecté s’est présenté et y a infecté d’autres personnes. Or, dans les milieux de la petite enfance, les jeunes ne portent pas de masque et la distanciation est impossible à respecter.

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«Donnez-vous des tests rapides, au moins pour tester nos propres employés et éviter les interruptions de service», demande-t-elle.

«On ne peut pas constamment demander aux parents de prendre congé», abonde Valérie Ellzy-Robert, directrice générale du CPE La Voie Lactée à Saint-Hubert, qui a été fermé du 2 au 13 septembre.

Elle serait même prête à ce que son établissement serve de projet-pilote.

C’est d’ailleurs ce qu’a demandé l’Association québécoise des CPE au gouvernement, en vain jusqu’à présent. «On ne voit pas la lumière au bout du tunnel, mais on a cet outil, les tests de dépistage rapide, dont on ne sert pas [...] On pense que ça pourrait changer la réalité des familles», dit la directrice Geneviève Bélisle.

Prête à payer

Julie Lafond est bien d’accord. «Je serais prête à payer pour avoir ces tests», dit cette mère de trois enfants de la région de Granby. Elle a appris cette semaine que la classe de 2e année de son garçon fermait. Or, elle et son conjoint ont déjà accumulé une dizaine de jours d’absence depuis la rentrée.

«On dirait qu’on régresse», s’étonne celle qui peine à obtenir des rendez-vous de dépistage dans son coin ou à consulter un médecin pour les otites de ses enfants étant donné la fermeture des cliniques «chaudes».

De son côté, le ministère de la Santé indique que des travaux sont en cours pour évaluer «les différentes stratégies de dépistage qui pourraient être déployées» en garderie.

- Avec Daphnée Dion-Viens du Journal de Québec

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