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L'article provient de Bureau d'enquête

Les Hells Angels de Québec opèrent maintenant comme une entreprise familiale

La bande de motards célèbre aujourd’hui son 35e anniversaire de fondation dans la Capitale

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Eric Thibault et Félix Séguin

2023-05-26T04:00:00Z
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Les Hells Angels de la région de Québec, dont c’est le 35e anniversaire ce week-end, sont devenus une «entreprise familiale» qui se transmet d’une génération à l’autre, comme la mafia montréalaise.

• À lire aussi: Crime organisé: la police s’invite chez un autre gros nom des Hells Angels

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C’est l’étonnant constat que tirent les services de renseignements policiers québécois dans de récents rapports internes auxquels notre Bureau d’enquête a eu accès.

Tricoté serré, le chapitre «Quebec City», dans le jargon des motards qui l’ont baptisé à l’anglaise, est le seul parmi les cinq du gang dans la province à être composé d’autant de frères, de duos père et fils ou membres et neveux.

Plusieurs de ses membres fondateurs portant la veste ornée d’une tête de mort ailée depuis le 16 mai 1988, et qui ont pu échapper au redoutable tueur à gages Gérald Gallant durant leur guerre sanglante contre les Rock Machine dans les années 90, ont maintenant de la relève issue de leur propre famille. 

  • Écoutez le segment judiciaire avec Félix Séguin diffusé chaque jour en direct 8 h 35 via QUB radio :

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Red Devils

C’est le cas de Marc «Tom» Pelletier, 69 ans, l’ex-président du chapitre qui s’était fait connaître en devenant le premier «porte-parole» officiel – et l’un des seuls – des Hells au Québec à avoir donné des entrevues aux journalistes, à la fin des années 80.

Marc Pelletier, en juin 2019
Marc Pelletier, en juin 2019 Photo d'archives, AGENCE QMI (MAXIME DELAND)

Son fils Mathieu est présentement le seul «prospect» – ou aspirant – du club. 

Le motard de 31 ans, qui a aussi porté les couleurs des Red Devils, le club-école des Hells, pourrait donc rejoindre son père sous peu en devenant le 16e membre en règle du chapitre de Québec. 

Mathieu Pelletier, membre des Red Devils et fils du membre en règle des Hells Angels du chapitre de Québec Marc Pelletier, en 2020. COURTOISIE
Mathieu Pelletier, membre des Red Devils et fils du membre en règle des Hells Angels du chapitre de Québec Marc Pelletier, en 2020. COURTOISIE Photo Courtoisie

Il en va de même pour Alain «Judas» Harton, 68 ans, un autre membre fondateur du gang dans la capitale.

Alain Harton, membre en règle des Hells Angels du chapitre de Québec, en 2020. COURTOISIE
Alain Harton, membre en règle des Hells Angels du chapitre de Québec, en 2020. COURTOISIE Photo Courtoisie

Son neveu Daniel, 46 ans, est lui aussi fiché par les services policiers comme un membre des Red Devils. 

Photo Courtoisie
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Pour sa part, le doyen et ex-leader du chapitre de Québec, Daniel «Gros Dan» Hudon, 72 ans, compte deux de ses neveux parmi les proches de cette organisation criminelle. 

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L’un d’eux, Ralph Hudon, 39 ans, compte également parmi les porte-couleurs des Red Devils, tout comme son oncle, Richard «Ti-Bob» Hudon, 62 ans. 

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«Il semble être tout désigné pour reprendre les rênes de l’entreprise familiale», écrit la Sûreté du Québec au sujet de Ralph Hudon dans l’un de ces rapports, en référence au trafic de drogue et autres activités illicites que le clan Hudon est soupçonné de contrôler sur un vaste territoire compris entre la Rive-Sud de Québec et le Bas-Saint-Laurent.

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Autres cas

Le père de Ralph Hudon, Bruno, a aussi fait partie des Hells du chapitre de Québec avant de quitter le gang en bons termes durant les années 90.

Quant à «Marco» Roberge, un autre vétéran Hells de Québec, il compterait sur l’un de ses frères et l’un de ses neveux parmi ses associés dans le monde interlope. 

Roberge, un transfuge de l’organisation des Rock Machine, est soupçonné de tremper dans le narcotrafic par la Gendarmerie royale du Canada, comme la plupart des Hells au pays. 

Le duo père-fils le plus notoire dans l’histoire québécoise des Hells est sans doute celui d’Aurèle et de Mario Brouillette, deux ex-membres du chapitre de Trois-Rivières. 

Au début des années 2000, Mario était vu comme le «dauphin» de Maurice «Mom» Boucher pour diriger le gang, mais la police l’en a empêché en l’envoyant purger deux longues peines d’incarcération consécutives. 

En 2008, son père Aurèle fut l’un des Hells québécois à l’origine de la mise sur pied du chapitre de la bande en République dominicaine. 

Gros party ce week-end

Une centaine de motards de partout dans la province seraient attendus dès cet après-midi, en Beauce, pour les festivités du 35e anniversaire des Hells Angels de Québec. 

Le rassemblement se tiendra à Frampton, dans une résidence du 2e rang qui sert de local aux Hells. 

Le party se déroulera tout le week-end sous la surveillance des policiers de la Sûreté du Québec, qui établiront notamment des points de contrôle routiers pour vérifier l’identité des motards sur place.

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Pas de concurrence, peu de violence

Les Hells Angels de Québec exercent une «emprise totale» sur le marché de la drogue de leur vaste territoire, dans un calme plat qui ferait des jaloux à Montréal et ses banlieues.

Les Hells «dominent entièrement» le marché criminel des régions de la Capitale-Nationale, de Chaudière-Appalaches, de la Beauce, du Bas-Saint-Laurent et de la Côte-Nord où les motards n’ont aucune concurrence, selon de récents rapports policiers consultés par notre Bureau d’enquête.

Les deux derniers motards ayant gradué chez les Hells de Québec, Alexandre Maltais, 42 ans, et Sylvain Marcotte, 52 ans, imposeraient leur «autorité» dans certaines de ces régions. 

«Cette situation diffère significativement de celle qu’on retrouve dans des régions comparables sur le plan urbain, comme Laval ou Montréal. Dans ces villes, les principaux acteurs du crime organisé ont des origines et des attaches beaucoup plus diversifiées», mentionne-t-on dans ces documents internes.

Une montre à l’effigie de ce chapitre des Hells confisquée lors de l’opération SharQc en 2009
Une montre à l’effigie de ce chapitre des Hells confisquée lors de l’opération SharQc en 2009 Photo Courtoisie

Le jour et la nuit

Conséquences des conflits liés aux gangs de rue montréalais à la mafia italienne, aux motards et autres groupes criminels, des balles sifflent une journée sur trois dans les rues de la métropole depuis le début de 2023, selon une compilation des crimes avec coups de feu récemment rapportée dans Le Journal de Montréal.

En comparaison, dans la capitale où les gangs et la mafia sont absents ou presque, c’est plutôt tous les 73 jours qu’on entend des coups de feu, d’après des données diffusées par la police de Québec pour les années 2020 et 2021.

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De plus, à Montréal, on dénombre près d’une trentaine de victimes de meurtres liés au crime organisé depuis deux ans et demi. 

Mais à Québec, le dernier règlement de compte mortel associé aux motards remonterait à novembre 2018.

Depuis 2019, la police de Québec (SPVQ) a mis sur pied le projet Malsain pour réprimer la violence et l’usage d’armes à feu par le crime organisé, bien que la situation reste marginale par rapport à la métropole. 

Le SPVQ a obtenu quatre des 65 M$ que le gouvernement Legault a injectés depuis 2020 dans toutes les escouades policières de lutte contre ce fléau. 


Un leader actif sur les réseaux sociaux

Le nouveau numéro un des Hells Angels à Québec, Martin Gamache, est aussi considéré par les forces policières comme l’un des 10 criminels les plus influents de toute la province.

«Martin Gamache contrôle le trafic de stupéfiants sur le territoire de la ville de Québec depuis plusieurs années. Il semble avoir la confiance de ses confrères (des Hells) dans l’exercice de cette fonction», peut-on lire à son sujet dans un récent rapport interne de renseignements policiers dont notre Bureau d’enquête a pu prendre connaissance.

Martin Gamache, photographié en 2008 sur une plage en République dominicaine où les Hells québécois ont parrainé, la même année, la création du premier chapitre du gang de motards dans ce pays.
Martin Gamache, photographié en 2008 sur une plage en République dominicaine où les Hells québécois ont parrainé, la même année, la création du premier chapitre du gang de motards dans ce pays. Photo Le Journal

On dit du motard de 52 ans qu’il serait un «proche collaborateur» d’un ancien président du chapitre de Québec, Marc Pelletier, ainsi que des vétérans Hells Jonathan Robert et Marc Roberge.

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Frondeur sur Facebook

Gamache, qu’on surnomme «Gam» dans le milieu interlope, avait fait parler de lui durant l’été 2018 quand il ne s’était pas gêné pour narguer et critiquer publiquement la Sûreté du Québec après que lui et d’autres motards eurent été interpellés par un patrouilleur sur la route 175, dans la réserve faunique des Laurentides. 

Il avait diffusé sur Facebook un enregistrement vidéo de l’intervention qu’il a filmée avec son téléphone et durant laquelle il ridiculisait le policier parce que ce dernier tenait dans sa main un pistolet à impulsion électrique pendant qu’il vérifiait leurs papiers. 

«Il veut me “taser” !», avait-il dit avec une pointe de sarcasme en faisant référence au nom anglais de l’arme en question, déclenchant des éclats de rire de ses camarades à moto. Il n’avait finalement reçu aucune contravention.

Membre des Hells depuis 2004, Gamache a été incarcéré de 2009 à 2016 après sa condamnation pour complot de meurtres dans l’opération SharQc. Durant sa détention, celui qu’on surnommait alors «Gros Gam» a maigri de 50 kg.

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