Métier de perfusionniste: voici ceux qui soignent les pires cas de COVID-19 depuis deux ans
Étienne Brière et Daphnée Hacker-B.
Les perfusionnistes sont parmi les travailleurs de la santé qui traitent les cas les plus sévères de COVID-19. Et pourtant, leur rôle et leurs besoins demeurent totalement mécompris des dirigeants du réseau hospitalier. C’est ce que déplore la perfusionniste clinique Fanny Lange, qui les exhorte à venir sur le terrain.
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La pandémie a propulsé les perfusionnistes au front, particulièrement ceux qui oeuvrent à l’hôpital du Sacré-Cœur-de-Montréal, où travaille depuis 13 ans Fanny Lange. «C’est là que se retrouvent les pires cas de COVID-19 du Québec», explique la travailleuse de 35 ans.
Lorsque les poumons ne répondent plus à aucun traitement, le patient doit être pris en charge par une machine appelée ecmo. Cet appareil complexe est opéré par les perfusionnistes et il remplace de façon artificielle le cœur et les poumons. Le patient est maintenu en vie ainsi – durant des semaines, voire des mois – jusqu’au rétablissement de ses organes vitaux.
«Notre métier est critique, quand les patients nous côtoient, c’est la thérapie de la dernière chance, on doit réagir vite et on est constamment sous un stress», témoigne Mme Lange.
Déconnexion des administrateurs
«Outre la poignée de médecins spécialistes qui travaillent avec nous, les gestionnaires n’ont aucune idée de ce qu’on fait», laisse tomber la perfusionniste, découragée de recevoir des «commandes d’en haut totalement déconnectées». Elle donne en exemple les fréquentes demandes «de ne pas dépasser les heures de travail permises». «Désolée mais si mon patient est sur le point de mourir, je ne vais pas partir, personne ne m’empêchera de le soigner!» s’exclame avec fougue la mère de famille qui n’hésite pas à faire de grands sacrifices pour le bien de ses patients.
À son avis, il est temps que les dirigeants viennent passer «une seule journée» sur le terrain. C’est la meilleure façon, selon Fanny Lange, pour que les gestionnaires se mettent en mode «écoute». «On a des idées et des solutions pour améliorer le système de santé», dit-elle.
Reconnaissance et autogestion
«Il faut donner un grand pouvoir d’autogestion aux employés, ils savent mieux que quiconque les besoins directs de leur équipe et comment déjouer plusieurs impasses», fait valoir Mme Lange.
«C’est fatigant de le répéter sans cesse, mais ce que les travailleurs de la santé ont besoin, c’est une véritable reconnaissance», souligne celle qui coordonne le programme de perfusion extracorporelle à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.
Les perfusionnistes se battent avec le gouvernement depuis des années pour une meilleure rémunération, mais aussi pour la reconnaissance de la formation qu'ils suivent au deuxième cycle universitaire. «Nous avions le statut de maîtrise et il nous a été retiré durant la réforme Barrette. C’est ridicule. On veut le ravoir tel que promis dès septembre 2022», conclut Fanny Lange.