Les femmes japonaises auront accès à la pilule abortive... avec l’accord du conjoint
Claudie Arseneault
La pilule abortive, une méthode permettant d’avorter sans intervention chirurgicale, pourrait être autorisée au Japon d’ici la fin de l’année, alors qu’elle est offerte gratuitement au Québec depuis février 2018. Les femmes devront toutefois demander le consentement de leur partenaire pour y avoir droit.
Après avoir légalisé l’avortement en 1948, mais aussi adopté la Loi de protection eugénique, le consentement de l’homme était déjà requis pour les avortements chirurgicaux, sauf exception.
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Le Japon est en effet l’un des 11 pays à exiger le consentement d’un tiers pour les avortements, malgré les appels de l’Organisation mondiale de la santé et du Comité des Nations unies pour mettre fin à cette pratique jugée discriminatoire pour les femmes. Cette exigence de consentement est également décriée par des militants pour les droits des femmes au Japon.
«Le consentement du conjoint devient un problème lorsqu’il y a désaccord, ou lorsqu’il oblige la femme à donner naissance contre son gré», a affirmé Kumi Tsukahara de l’association Action for Safe Abortion Japan, comme rapporté par The Guardian. «Être forcée de poursuivre une grossesse non désirée est violent et une forme de torture», ajoute-t-elle.
L’échec du Japon à approuver un médicament qui est déjà disponible dans plus de 70 pays reflète la faible priorité que le parlement et la communauté médicale à prédominance masculine du pays accordent à la santé des femmes, affirment d’autres militants et des élus.
«Les femmes ne sont pas la propriété des hommes», a déclaré Mizuho Fukushima, député de l’opposition et membre du Parti social-démocrate. «Pourquoi une femme devrait-elle avoir besoin de l’approbation de son partenaire? C’est son corps.»
«Nous pensons que le consentement du conjoint est nécessaire, même si un avortement est réalisé avec un médicament oral», a pour sa part déclaré Yasuhiro Hashimoto, haut responsable du ministère de la Santé, à une commission parlementaire au début du mois, selon le média Bloomberg.
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Manque de ressources
Bien qu’autorisé au Japon, ce médicament ne serait pas couvert par l’assurance maladie, selon les médias locaux. Il coûterait aux Japonaises près de 100 000 yens japonais, ou 970 dollars canadiens, par dose. Les femmes qui choisiront ce traitement devront être suivies de près par un médecin, advenant une éventuelle hospitalisation.
La pilule abortive et l’avortement médical coûtant sensiblement le même prix, c’est donc dire que bien femmes, notamment celles qui vivent dans une situation financière précaire, pourront toujours difficilement mettre un terme à leur grossesse.
«La réalité est que pour certaines femmes, l’avortement n’est pas possible pour des raisons financières», a déclaré Chiaki Shirai, professeur en sciences sociales de l’Université de Shizuoka. «La contraception, l’avortement et l’accouchement devraient être financés par l’État.»
Mizuho Fukushima abonde dans le même sens: le coût élevé des avortements chirurgicaux et l’exigence de consentement obligent les femmes à vivre des grossesses non désirées.
En 2020, environ 145 000 avortements chirurgicaux ont été pratiqués au Japon.