Pourquoi les États-Unis et le Canada boycottent-ils diplomatiquement les JO de Pékin? On vous explique
Jean-Michel Clermont-Goulet
- Après les États-Unis, l'Australie et le Royaume-Uni, c'est au tour du Canada d'annoncer qu'il n'enverra aucune représentation diplomatique ou officielle aux Jeux olympiques et paralympiques d'hiver 2022.
- Plusieurs organisations de défense des droits de la personne accusent Pékin d’avoir interné au moins un million de musulmans dans des «camps de rééducation», au Xinjiang.
- Les Jeux de Pékin doivent se dérouler du 4 au 20 février prochains.
C'est maintenant officiel: alors que des milliers s'entraînent en vue des Jeux olympiques de Pékin, le Canada emboite le pas aux États-Unis et annonce un boycottage démocratique des 24e olympiades d’hiver. Mais pourquoi? On vous explique.
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Des représailles américaines
«L’administration Biden n’enverra aucune représentation diplomatique ou officielle aux Jeux olympiques et paralympiques d’hiver 2022, à Pékin, étant donné le génocide et les crimes contre l’humanité en cours au Xinjiang», a confirmé lundi la porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki.
Cette décision a été prise en guise de représailles contre les agissements du gouvernement de Xi Jinping.
C’est bien, tout ça, mais pourquoi le gouvernement américain en est-il arrivé là? Qu’a fait la Chine?
L’affaire Peng Shuai
La dernière affaire en lice date de quelques semaines à peine: l’étrange disparition de la joueuse de tennis chinoise Peng Shuai.
Le 2 novembre dernier, l’ancien numéro 1 du double dames a publié un message dans lequel elle accusait l’ancien vice-premier ministre de la Chine Zhang Gaoli de l’avoir forcée à avoir une relation sexuelle avec lui et à être sa maîtresse.
Dans les jours et les semaines qui ont suivi ces révélations, plus aucune trace de l'athlète. Le 21 novembre, elle a finalement donné signe de vie, dans des circonstances nébuleuses qui n'ont pas rassuré la communauté internationale.
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La semaine dernière, la WTA a annoncé la suspension des tournois féminins de tennis en Chine, «quelles qu’en soient les conséquences financières», en soutien à Peng Shuai.
Génocide des Ouïghours
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Ce n'est pas tout. Le gouvernement américain accuse Pékin de perpétrer un «génocide» et des «crimes contre l'humanité» dans la région autonome du Xinjiang, située au nord-ouest de la Chine, où les droits des musulmans ouïghours sont largement bafoués.
Plusieurs organisations de défense des droits de la personne accusent Pékin d’avoir interné au moins un million de musulmans dans des «camps de rééducation», au Xinjiang.
En conférence de presse, Washington a soutenu que le sort réservé aux Ouïghours était la principale raison de sa décision de boycotter les Jeux.
En étant présente, «la représentation diplomatique américaine traiterait ces Jeux comme si c’était business as usual, malgré les violations flagrantes des droits de la personne et les atrocités de la Chine au Xinjiang. Et nous ne pouvons tout simplement pas faire cela», a soutenu Jen Psaki.
Et ça signifie quoi, au juste, un boycottage diplomatique?
Si les États-Unis boycottent les Jeux, est-ce à dire qu’aucun athlète américain ne s’y rendra? Non.
Ça signifie plutôt qu’aucun représentant du gouvernement des États-Unis n’assistera aux Jeux olympiques ni aux paralympiques, mais que les athlètes américains, eux, participeront bel et bien aux compétitions.
«Les athlètes de l'équipe américaine ont notre soutien total. Nous serons derrière eux à 100% pendant que nous les encouragerons d’ici», a d’ailleurs affirmé Jen Psaki.
Le Comité international olympique (CIO) s’est réjoui que la décision «politique» de Washington ne remette pas en cause la participation des sportifs américains.
Le Canada emboîte finalement le pas
La Maison-Blanche a confirmé qu'elle a mis au courant de sa décision ses alliés, dont fait partie le Canada. Toutefois, la balle est dans son camp, quant à savoir s’il boycottera aussi les JO de Pékin, prévus du 4 au 20 février 2022.
Après «des mois de discussions» avec ses alliés, Justin Trudeau a finalement annoncé ce mercredi un boycott diplomatique de la part du Canada.
Le Canada demeure profondément troublé par les signalements de violations de droits de la personne en Chine. Des représentants diplomatiques ne seront donc pas envoyés à Beijing pour les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver. On va continuer de soutenir nos vaillants athlètes.
— Justin Trudeau (@JustinTrudeau) December 8, 2021
Les chefs conservateur et néodémocrate, Erin O’Toole et Jagmeet Singh, ont confirmé au même moment qu’ils seraient d’accord avec un boycottage diplomatique de la 24e olympiade hivernale.
Le Bloc Québécois réclamait également le boycottage des Jeux.
«Ça n’a aucun maudit bon sens qu’un gouvernement qui se prétend vertueux dans une démocratie quand même fonctionnelle tolère, par l’absence de mesures, par l’absence d’intervention, par l’absence de position claire, le traitement subi par les Ouïghours de la part de la dictature chinoise», avait alors dénoncé le chef du parti, Yves-François Blanchet.
Et les autres nations, elles?
Tout comme le gouvernement australien de Scott Morrison, le premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé ce mercredi qu’il y aurait «effectivement un boycottage diplomatique des Jeux olympiques d’hiver de Pékin».
Quelques heures après l'annonce de l'administration Biden, la Nouvelle-Zélande a confirmé elle aussi qu'elle n'enverra pas de représentants diplomatiques en Chine.
Dans tous les cas, les athlètes des deux nations pourront se rendre à la 24e olympiade.
En Allemagne, la future ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, plaide pour une diplomatie plus ferme avec les régimes autoritaires tels que celui de la Chine et elle n’exclut pas d’emboîter le pas aux États-Unis.
Une réponse de la Chine
Face au boycottage diplomatique annoncé par l’administration Biden, Pékin n’a pas tardé à mentionner qu’il pourrait envisager des «contre-mesures» «si les États-Unis voulaient à tout prix faire les choses à leur manière».
Avant l’annonce du gouvernement américain, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, Zhao Lijian, avait affirmé qu’un boycottage «ne serait que de la “fanfaronnade”».
− Avec les informations de l'AFP et Raphaël Pirro et de l'Agence QMI