Les déboires de la Russie en Ukraine sur le point de faire tomber Vladimir Poutine?
Gabriel Ouimet
L’armée ukrainienne multiplie les victoires dans le nord-est et le sud de l’Ukraine depuis deux semaines, forçant les troupes russes à se replier en urgence. Ces nouveaux déboires de l’armée de Vladimir Poutine sonnent-ils le début de la fin pour le président russe, qui fait face à de plus en plus de critiques chez lui?
• À lire aussi: Les forces ukrainiennes reprennent une vingtaine de villes aux Russes
En plus d’une offensive au sud, les troupes ukrainiennes ont lancé des attaques le 6 septembre dernier dans la région de Kharkiv, dans le nord-est du pays. En un peu plus de cinq jours, les Ukrainiens sont parvenus à reprendre 6000 km2 de territoire à Moscou, ainsi que certaines villes clés.
Ces percées de l’armée ukrainienne représentent la défaite la plus cuisante de l’armée russe depuis le début de l’invasion.
Moscou a d’ailleurs promis de répliquer à l’offensive ukrainienne par des «frappes massives» sur tous les fronts, mardi. Il y a toutefois fort à parier que ces menaces ne seront pas mises à exécution par la Russie, selon Maria Popova, professeure associée de science politique à l’Université McGill et spécialiste de la Russie postsoviétique.
«Ce n’est simplement pas possible pour la Russie de pousser le conflit plus loin actuellement. Les soldats russes et les autorités dirigeantes font déjà tout ce qu’ils peuvent, et ils le font depuis le début de l’offensive», souligne-t-elle.
Des voix s’élèvent contre Poutine
Ces nouvelles défaites de l’armée russe sont une bien mauvaise nouvelle pour Vladimir Poutine, puisqu’elles alimentent la grogne à son égard en Russie.
«Vladimir Poutine fait actuellement face à une opposition qui vient autant de personnes qui veulent une escalade dans le conflit que de personnes qui sont contre la guerre», affirme la professeure.
Dans une lettre envoyée vendredi dernier à la Douma, la chambre basse du Parlement russe, des élus municipaux de Moscou et de Saint-Pétersbourg ont exigé que Vladimir Poutine soit démis de ses fonctions, l’accusant d’avoir lancé des attaques «préjudiciables à la sécurité de la Russie et de ses citoyens».
Si la nouvelle fait grand bruit dans les médias occidentaux, il n’y a pas de quoi crier au loup, estime Maria Popova.
«Ce ne sont pas de nouveaux opposants. Il y a longtemps que ces élus sont opposés à Vladimir Poutine. Il ne faudrait pas croire qu’ils vont déstabiliser le régime, puisqu’ils demeurent très marginaux», estime-t-elle.
Des voix s’élèvent aussi contre Poutine dans les médias qui sont traditionnellement ses alliés. La patronne de Russia Today, Margarita Simonyan, qui appelait à la destruction de l’Ukraine depuis le début du conflit, aurait évoqué samedi le «vivre-ensemble», selon France info.
À l’opposé, des partisans d’une ligne dure nationaliste estiment que Vladimir Poutine manque de vigueur dans les circonstances et appellent à une escalade du conflit.
Encore une fois, rien d’assez sérieux pour vraiment changer l’opinion publique et ébranler le régime, estime Maria Popova.
«C’est prématuré de parler d’une fragilisation du régime, malgré ces récentes prises de parole. Oui, des voix s’élèvent un peu plus dans les médias, mais nous sommes encore loin d’une révolution ou d’un changement de régime en Russie. D’ailleurs, l’opinion publique russe a été très passive dans les six derniers mois. Il n’y a pas d’appel puissant à l’escalade ou encore à la paix dans la société civile.»
• À lire aussi: Où s’en va la guerre en Ukraine, six mois après le début des combats? On vous explique.
L’Ukraine, une priorité malgré tout
Une question demeure toutefois: les récentes défaites de son armée, combinées aux appels à l’escalade, pourraient-elles inciter Vladimir Poutine à jouer le tout pour le tout et à utiliser l’arme nucléaire?
«Ces inquiétudes étaient raisonnables en début de conflit, puisque Vladimir Poutine brandissait souvent la menace nucléaire, ce qui faisait croire qu’il était irrationnel. Cependant, dans les derniers mois, je crois que nous avons vu que Poutine est plutôt rationnel dans cette guerre», analyse Maria Popova.
«À chacune des défaites encaissées sur le terrain, les troupes se retirent. Il n’a pas eu recours au nucléaire lorsque l’armée a été humiliée près de Kyïv en avril dernier ni quand il a été arrêté à Kharkiv en mars, puis il n’en parle pas en ce moment malgré les défaites», poursuit la professeure de science politique.
Les avancées ukrainiennes pourraient même forcer l’armée russe à reculer encore davantage et éventuellement à appeler à un cessez-le-feu, qui lui permettrait de gagner du temps et de prétendre en Russie que la situation est maîtrisée, soutient Maria Popova.
«La priorité de Poutine pourrait être de négocier une pause, ou même la paix, afin de se regrouper et de recommencer à lancer des attaques lorsqu’elles seront prêtes», affirme-t-elle.
C’est d’ailleurs à ce moment que commencera le vrai test pour les alliés de l’Ukraine, qui devront garder Moscou à l’œil, croit la professeure.
«Je crois que le vrai test pour les alliés de l’Ukraine sera de ne pas tomber dans le panneau et de garder en tête que la Russie de Poutine n’abandonnera jamais sa conquête de l’Ukraine. La Russie sera très patiente dans ce dossier», conclut-elle.