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Les milliers de mines russes posées en Ukraine tueront des civils pendant des décennies

AFP
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Photo portrait de Gabriel  Ouimet

Gabriel Ouimet

2022-08-18T17:37:43Z
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Dans les champs et les forêts, dans les chambres d’hôpital et sous les cadavres de soldats morts à la guerre, dans les entrées d’immeubles résidentiels à logements et même dans le coffre de voitures: les mines posées par l’armée russe dans les zones habitées d’Ukraine menaceront la vie des civils pendant des décennies, craignent des experts.

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Enfouies dans le sol ou cachées en milieu urbain, les mines se déclenchent lorsqu’une cible passe dessus ou à proximité. Bien qu’elles servent habituellement à freiner l’ennemi en zone de combat, elles peuvent aussi être utilisées à des fins plus sinistres, explique Éric Ouellet, professeur spécialisé en commandement militaire stratégique et en prise de décision au Collège des Forces canadiennes.

«Ce n’est pas l’usage le plus commun, mais elles peuvent aussi être utilisées comme armes de terreur lorsqu’elles sont placées en zones où il y a des infrastructures civiles, afin que les citoyens ne puissent pas revenir chez eux», détaille-t-il. 

Bien qu’il soit restreint par certains traités internationaux – auxquels Moscou n’adhère pas –, l’usage de mines en tous genres comme armes de terreur est largement documenté en Ukraine. Et à ces mines s’ajoutent celles utilisées par les armées russe et ukrainienne dans les zones de combat. 

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Des mines et d'autres engins explosifs trouvés lors d'une opération de déminage dans un champ non loin de la ville de Brovary, au nord-est de Kyïv, le 21 avril 2022 .
Des mines et d'autres engins explosifs trouvés lors d'une opération de déminage dans un champ non loin de la ville de Brovary, au nord-est de Kyïv, le 21 avril 2022 . AFP

Résultat: plus de 160 000 mines et obus non explosés ont été désamorcés depuis la fin du mois de mars, un chiffre qui ne représenterait que la pointe de l’iceberg. Kyïv estime en effet que la moitié de son territoire a été miné depuis le début de l’invasion russe. 

En juillet seulement, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme avait déjà recensé 13 morts et 22 blessés civils en lien avec ces explosifs. 

Un problème pour les décennies à venir

Des mines, l’Ukraine n’a d'ailleurs pas fini d’en trouver. 

L’ONG Handicap international estime qu’il faudra au moins 50 ans pour déminer le pays, rappelant que des mines posées au Vietnam pendant la guerre, il y a presqu’un demi-siècle, continuent de tuer et de mutiler plusieurs centaines de personnes dans le pays, ainsi qu’au Cambodge et au Laos.

Impossible d’ailleurs de savoir combien de mines et d’explosifs toujours actifs se trouvent actuellement dans le sol ukrainien, souligne Éric Ouellet. 

«En théorie, une armée qui utilise des mines doit bien marquer où se trouve chacune d’entre elles pour faciliter l’effort de déminage une fois le conflit terminé. Mais c’est rarement fait et encore moins pendant qu’un conflit fait rage», poursuit le militaire.  

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Des citoyens ordinaires à la rescousse

Pour aider l’Ukraine à se débarrasser des mines antipersonnel terrestres, les États-Unis ont annoncé, le 9 août dernier, une enveloppe de 89 millions $, qui servira notamment à former du personnel sur le terrain. 

Une aide de laquelle l’Ukraine a grandement besoin, assure Olesia Fesenko, une étudiante à la maîtrise de 24 ans originaire de l’Est ukrainien qui participe quotidiennement aux efforts de déminage de l’organisme humanitaire HALO Trust. 

«Chaque jour de guerre engendre des problèmes à long terme pour nous puisque, théoriquement, nous estimons qu’une année de guerre équivaut à dix ans de déminage par la suite. Comme les besoins ne cessent d’augmenter, nous n’avons donc aucune idée de combien de temps le pays sera touché par le problème exactement», indique-t-elle. 

Olesia Fesenko, 24 ans, participe aux efforts de déminage en Ukraine.
Olesia Fesenko, 24 ans, participe aux efforts de déminage en Ukraine. Courtoisie: HALO Trust

Devant l’ampleur du travail, des milliers de femmes et d’hommes ordinaires, comme elle, ont décidé de prendre part à l’effort de déminage en Ukraine. Et malgré toutes les mesures de sécurité prises par les organismes humanitaires, la tâche demeure hautement risquée, souligne Éric Ouellet. 

«Les mines sont faites pour ne pas être facilement détectables et causer des blessures importantes. Par exemple, certaines sont munies d’un ressort qui fait qu’elles sautent 30-40 cm avant d’exploser afin de couper le pied. D’autres sont reliées ensemble par un fil invisible qui les fait exploser lorsqu’il est accroché», illustre-t-il. 

Olesia Fesenko assure cependant qu’elle n’a pas peur, puisque le déminage est pour elle un «devoir envers son pays».

«En plus de celles en ville, beaucoup de mines se trouvent dans des terres agricoles et des forêts où les gens vont faire de la cueillette. C’est donc important de déminer ces endroits et d’apprendre aux gens comment agir pour éviter le pire. Je veux m’assurer que ces endroits redeviennent un jour sécuritaires, puisqu’ils sont une source de revenu important pour plusieurs Ukrainiens. Je le fais pour nous, mais aussi pour nos enfants et leurs enfants», conclut-elle. 

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