Les arbres blessés par le verglas vont-ils survivre?
Anne-Sophie Poiré
Plusieurs centaines de branches d’arbres alourdies par le verglas sont tombées comme des mouches dans les parcs et les rues de Montréal, mercredi. Le décor apocalyptique donne froid dans le dos, mais devrait-on craindre pour la santé des arbres?
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Les 30 millimètres de pluie verglaçante qui se sont abattus sur le sud-ouest du Québec mercredi ont causé des dommages importants à la flore. À Montréal, près de 300 arbres seraient potentiellement tombés, et quelque 1500 branches seraient cassées ou menaceraient de le faire, selon les chiffres de la Ville.
Si le spectacle fait mal au cœur, les experts consultés par 24 heures s’accordent: la situation est loin d’être catastrophique pour les arbres.
«Les tempêtes comme celle qu’on a connue hier tuent principalement les arbres déjà malades ou très endommagés. Dans les forêts, ça peut même laisser de l’espace pour de nouvelles pousses», assure le professeur de biologie à l’Université de Sherbrooke Mark Vellend.
Les spécialistes ne craignent pas non plus pour la santé des arbres ayant perdu quelques morceaux: ils vont récupérer rapidement.
«Les espèces qui poussent dans l’est de l’Amérique du Nord sont très bien adaptées aux intempéries. C’est l’endroit au monde où on reçoit le plus de verglas historiquement», souligne le spécialiste en foresterie urbaine et titulaire de la Chaire Hydro-Québec sur le contrôle de la croissance des arbres, Christian Messier.
«Contrairement aux humains ou aux animaux, l’arbre ne peut pas se sauver lorsqu’il est menacé. Il a évolué pour être capable de résister à ces perturbations. La chute de branches lui permet de sacrifier une partie pour rester en vie, poursuit-il. Pour la plupart des individus, ce n’est pas grave. Ça va repousser et ils vont se rétablir.»
Les arbres sont comme des écureuils
Mais 1500 branches cassées, ça fait beaucoup d’arbres blessés. Est-ce que certains pourraient ne jamais s’en remettre?
«Les arbres sont des espèces modulaires, explique M. Messier. Les différentes parties de l’arbre sont importantes pour la croissance de l’individu, mais il peut s’en débarrasser sans que ça affecte sa santé. Il sera capable de refaire des branches un peu partout dans sa cime. Ses cellules sont faites pour reproduire n’importe quelle structure.»
Le chercheur les compare à des écureuils: «Ils emmagasinent énormément de réserves dans leurs racines et leurs troncs, justement pour pallier le stress et ce genre de perturbations.»
Dès l’été, les arbres blessés commenceront à reconstruire leur cime. Et d’ici quelques années, ils seront complètement rétablis.
«Après 5 ou 6 ans, presque tous les arbres vont avoir retrouvé leurs branches. Elles ne seront évidemment pas aussi grosses que celles qui sont tombées, mais la canopée va avoir retrouvé une bonne partie de sa densité», estime Mark Vellend.
Christian Messier précise que certains individus pourraient même en sortir plus forts.
«L’arbre va se débarrasser de ses branches les plus fragiles ou qui le déstabilisent: celles qui ont poussé près d’une blessure dans le tronc ou celles qui ont été fragilisées par l’élagage. Dans les villes, les arbres sont taillés pour les éloigner des fils électriques. Ça les force à pousser sur le côté, ce qui rend leurs branches plus fragiles», fait-il valoir.
«Quand elles tombent, l’arbre se solidifie», ajoute l’expert, qui précise qu’à court terme, l’arbre sera encore plus stable pour absorber l’accumulation du verglas et la neige sur ses branches.
Sans la recherche, ça aurait pu être pire
Christian Messier travaille depuis 15 ans avec Hydro-Québec pour perfectionner l’élagage des arbres afin qu’ils résistent toujours plus aux intempéries. L’élagage consiste à débarrasser un arbre de ses branches superflues.
Des centaines de milliers de personnes manquent toujours d’électricité au Québec, mais sans ces nouvelles techniques d’élagage, ça aurait été pire, affirme le chercheur.
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«Un verglas comme celui qu’on a connu hier est utile pour nos recherches afin de mieux prévenir la chute de branches dans le futur», précise celui qui travaille sur un algorithme qui permettra de prédire les arbres à risque lors de tempête de verglas.
L’appareil sera développé d’ici les 5 prochaines années.
«J’appelle ça de la foresterie urbaine de haute précision, lance M. Messier. Plutôt que d’élaguer systématiquement, on pourrait tailler les arbres de manière plus stratégique.»
Rappelons que le réchauffement climatique continuera d’affecter la sévérité des tempêtes.