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L'article provient de Clin d'oeil
Style de vie

Les applications de rencontres: un danger pour la santé mentale des femmes?

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Maude Goyer

2024-02-13T17:00:00Z
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Elles vivent du rejet, du ghosting, du chantage et des ruptures. Elles sont victimes de fraude par vol d’identité, elles reçoivent des photos non sollicitées et se font débiter des mensonges. Sur les applications de rencontres, de nombreuses femmes sont malmenées, voire maltraitées... et malgré ça, elles y retournent. Pourquoi?

«J’ai perdu beaucoup de temps et d’énergie sur les applis de rencontres», nous confie Vanessa, une parajuriste et étudiante en droit de 34 ans. «J’y ai vécu des montagnes russes d’émotions... Ça a beaucoup joué sur ma santé mentale.»

Après une rupture douloureuse à la suite d’une relation difficile, Vanessa décide de s’inscrire sur les applis de rencontres. Pendant deux ans, elle multiplie les rendez-vous par l’entremise de Facebook Rencontres, Tinder, Hinge, Bumble, Fruitz... 

Elle a tout vu, tout vécu: des échanges avec des hommes intéressants qui disparaissent soudainement (en ligne ou après une rencontre en personne), des rendez-vous ratés où sa date ne daigne même pas se présenter, des commentaires désobligeants sur son apparence physique, des découvertes étonnantes qui prouvaient bien qu’on lui avait menti... 

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«Évidemment, tu te poses des questions après avoir vécu autant de mésaventures, laisse-t-elle tomber. Tu te demandes si tu as fait ou dit quelque chose de mal. Tu te mets à douter. Ton estime s’enfonce... et ton moral aussi.»

Rejets en série

Vanessa n’est pas la seule écorchée des applis de rencontres. Toute personne qui les fréquente, que ce soit depuis quelques mois ou des années, dans un but sérieux ou pas, pourra le confirmer: c’est la jungle. Il faut avoir le cœur solidement accroché et n’entretenir aucun doute sur sa valeur personnelle pour y trouver son compte.

«Les femmes tolèrent beaucoup de choses sur ces applis», dit Marie-Soleil Cordeau, une coach de vie amoureuse depuis 13 ans qui a accompagné des centaines de femmes à travers leur parcours amoureux. «Elles vont de relation toxique en relation toxique, vivent des fins brutales et beaucoup de rejet.»

Combien de ces rejets peut-on absorber dans une année, dans une vie? Chaque être humain traverse des périodes difficiles, des moments de vulnérabilité et de doute. Or ces états émotionnels peuvent être dangereux pour qui veut s’inscrire sur des applis de rencontres. 

«Il ne faut pas y aller quand on se sent fragile, souligne Janick Coutu, psychologue. Le burnout des applications de rencontres, ça existe!»

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C’est ce qui est arrivé à Caroline, une employée fédérale de 33 ans qui habite en Outaouais. Elle a vécu des épisodes d’anxiété et d’humeur dépressive, avec des hauts et des bas intenses lorsqu’elle fréquentait les applis de rencontres. 

«J’ai accordé trop d’importance à ce que les gars disaient de moi, révèle-t-elle. Je leur ai donné beaucoup de pouvoir sur la perception que j’avais de moi-même. Je suis devenue insécure: je regardais toujours mon cellulaire pour voir si untel ou untel m’avait écrit. Et je me demandais sans cesse pourquoi il ne me répondait pas... J’avais constamment l’impression d’être un plan B.»

Une dépendance

Aujourd’hui en couple et heureuse (elle a rencontré son copain sur Tinder il y a quatre ans), Caroline jette un regard critique sur ces mois de flirt, de déceptions et de déroute. «J’ai accordé trop de chances à des gars qui n’en méritaient pas, note-t-elle. Mon estime de soi en a souffert alors qu’au fond, ma valeur personnelle n’avait pas changé.»

Malgré toutes les blessures d’égo, les désillusions et le ghosting en série, Caroline et Vanessa sont retournées, encore et encore, sur les applis de rencontres. C’est qu’une fois inscrites, elles ont fait du fameux swipe (ce geste de balayer vers la gauche les candidats qui ne nous intéressent pas et vers la droite ceux qui nous plaisent) une habitude quotidienne. 

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Célibataire depuis un an, Laurence, une éducatrice spécialisée de Québec, confirme: les applis de rencontres deviennent vite une dépendance. «Tu embarques là-dessus et tu recherches de l’attention, commente-t-elle. Tu veux texter, rencontrer, flirter, plaire... Ça crée un petit thrill, et tout va très vite. C’est une course contre la montre!»

Le mauvais côté de la médaille? Le stress et l’anxiété envahissent rapidement les accros aux applis – et le désenchantement frappe fort. «Ces plateformes ont volé ma paix mentale, indique la trentenaire. Elles sont divertissantes, mais déstabilisent vite émotionnellement. Ça affecte ta confiance, ton estime, ta valeur...»

Pour freiner le besoin de «balayer des faces» et éviter de perdre du temps en ligne, la sexologue Myriam Daguzan Bernier recommande de se fixer un nombre maximum de minutes consacrées quotidiennement aux applis de rencontres. «On peut se dire qu’on passe une demi-heure par jour sur Tinder, propose-t-elle. Ou qu’on examine au plus 15 profils au cours de notre journée.»

Selon elle, la solitude vécue par bien des gens, dans notre société, explique en partie cette recherche frénétique et insatiable pour trouver «la bonne personne». «Il y a une grande solitude humaine en ce moment, dit-elle. La pandémie a frappé fort. Plusieurs se demandent comment se faire des amis, une fois adultes.»

Ludification et cercle vicieux

Selon Myriam Daguzan Bernier, les applis sont basées sur le principe de la ludification, soit un ensemble de mécanismes mis en place pour inciter les utilisateurs, de façon ludique, à adopter un certain comportement. «On provoque une montée de dopamine, ce qui procure instantanément du plaisir à l’utilisateur, mais de façon éphémère, un peu comme les jeux de hasard.»

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Ici, la récompense prend la forme d’un «match» ou d’un message inespéré dans la messagerie de l’appli de rencontres. «C’est comme gagner le jackpot, dit la psychologue Janick Coutu. Un autre facteur entre en ligne de compte: l’illusion qu’il est de plus en plus difficile de rencontrer ailleurs que sur les applis. On se sent impuissant: si l’on se désabonne, où va-t-on nouer de nouvelles relations?»

C’est ainsi que le cercle vicieux se met en place, selon elle: plus on fréquente les applications, moins on est susceptible d’aller vers les autres en personne. Pourquoi? Parce que ces applis minent l’estime personnelle et la confiance en soi.

Dating en ligne 101

Les utilisatrices ont de plus en plus l’impression de feuilleter un catalogue. Vanessa, Caroline et Laurence ont toutes trois évoqué cet aspect, à la fois euphorisant et blasant. Devant une telle étendue d’options, comment choisir la meilleure (et s’y tenir)?

«Quand on a trop de choix, on en vient à croire qu’il existe toujours mieux, résume Janick Coutu. En fait, le cerveau n’est pas apte à gérer plus de 5 à 10 possibilités. Au-delà de cette limite, il devient moins fonctionnel.»

C’est pourquoi elle encourage fortement de limiter le nombre de connexions et de conversations, afin de «vraiment voir le potentiel d’une personne».

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Son guide des bonnes pratiques en ligne comprend aussi une rencontre «assez rapide» et de façon sécuritaire (on indique par exemple à un proche l’identité de la personne dont on s’apprête à faire la connaissance, en précisant le lieu et le moment). «Ça évite de perdre son temps et de magnifier la personne dans notre tête, signale la psychologue. On peut préalablement se parler au téléphone. C’est une bonne façon de sentir la vibe

Pour la sexologue Myriam Daguzan Bernier, l’une des astuces clés est de dresser la liste des 5 ou 10 éléments les plus importants pour soi dans une relation, les points non négociables. «Pas besoin d’en faire trois pages, lance-t-elle, il faut que ce soit simple. On peut revoir cette liste régulièrement et s’y fier.»

Besoins et limites

Réfléchir à ses besoins, à ses limites et à ses attentes envers l’autre est un facteur important lorsqu’on se met à la recherche d’un partenaire. Ça permet, notamment, de mieux se connaître et de mieux reconnaître une connexion ou une complicité potentielle. 

La coach de vie amoureuse Marie-Soleil Cordeau croit qu’il est essentiel de préciser le profil de partenaire recherché. «Si l’on sait quel genre de personne on recherche, on peut facilement, à l’inverse, admettre que telle ou telle personne n’est pas faite pour nous», indique-t-elle.

Elle ajoute qu’il vaut mieux «éviter de s’emballer» après un rendez-vous qui nous a semblé «parfait». «Il faut prendre le temps de se connaître», ajoute-t-elle.

Aujourd’hui en couple, Vanessa conseille fortement aux célibataires qui fréquentent les applis de rencontres de penser à elles en premier. «Respectez-vous et mettez votre pied à terre, glisse-t-elle. Et surtout, apprenez à être bien toute seule, avec vous-mêmes. Allez au cinéma et au resto seule! Lorsque quelqu’un entrera dans votre vie, ce sera un ajout, une addition, et non pour combler un vide.» 

C’est dit!

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