Les accusations liées aux armes à feu explosent chez les mineurs
Laurent Lavoie
Au moment où les fusillades se multiplient dans le grand Montréal, des données obtenues par Le Journal montrent que de plus en plus de mineurs ont fait l’objet d’accusations liées à la possession illégale d’armes à feu au tribunal de la jeunesse.
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Selon une compilation obtenue du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), près de 200 chefs d’accusation liés à la possession illégale d’armes à feu ont été déposés contre des mineurs dans les districts de Montréal, Laval et Longueuil en 2021.
Ce relevé non exhaustif obtenu à la suite d'une demande d'accès à l'information suggère une hausse marquée de 73% pour ce type d'accusation par rapport à 2020, année où la criminalité pourrait cependant avoir été restreinte par le confinement et la pandémie. Mais il s'agit néanmoins d'un sommet, et de loin, dans les cinq dernières années.
À Montréal, par exemple, on a recensé 17 chefs d'accusation pour possession d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte avec des munitions en Chambre de la jeunesse l'an dernier. C’est plus que le total des quatre années précédentes.
D’autres villes, comme Québec, Saint-Jérôme ou Joliette, ont elles aussi enregistré des augmentations liées à la possession illégale d’armes à feu par des mineurs, quoique dans une moindre proportion.
Dans l’ensemble du Québec, jusqu’à 276 accusations en la matière ont été portées contre des jeunes de moins de 18 ans en 2021.
Accès facile
Selon Tiago Múrias, avocat spécialisé en droit des jeunes contrevenants, la plus grande accessibilité des armes pourrait être la cause principale de ce phénomène.
«Tout le monde connaissait quelqu’un qui pouvait lui procurer une arme à feu pour 2000$», illustre Me Múrias.
«Fin 2021, début 2022, on le remarquait. Des fois, on avait quatre, cinq dossiers qui rentraient en une journée pour des armes à feu, alors qu’avant, c’était vraiment des crimes exceptionnels», ajoute-t-il.
Le criminaliste estime que les mesures prises par les autorités ont calmé le jeu dans les derniers mois.
Il est cependant trop tôt pour savoir si des mois violents attendent les Québécois, tempère la criminologue Maria Mourani.
Pour espérer une résolution des conflits entre les groupes criminels, «pour avoir un été un peu plus calme, il faut que la pression policière soit aussi intense et en continu», explique-t-elle.
- Écoutez la chronique judiciaire de l’ex-juge Nicole Gibeault sur QUB radio:
Plus de tensions, plus de traumatismes
Pour l’heure, les tensions se font sentir jusque dans les «rencontres de pacification» entre les ados du Centre jeunesse Cité-des-Prairies, à Montréal, a constaté Mathieu Perrier, éducateur responsable des problématiques reliées aux réseaux délinquants.
Par le passé, «quand c’était des enjeux de stupéfiants ou autres, des fois, c’était plus facile de régler des situations. Mais quand on parle de jeunes dont l'ami s’est fait tirer, ou même il y a eu un meurtre, c’est plus difficile», illustre-t-il.
Parallèlement, selon les observations de M. Perrier, un plus grand nombre d’adolescents affichent des troubles anxieux et d’impulsivité.
«On a des jeunes, avec toutes les situations de violence qu’il y a à l’extérieur, qui peuvent subir des événements traumatiques, indique M. Perrier. [Parfois], on a besoin d’un suivi avec des psychologues pour traiter le trauma vécu à l’extérieur.»
Chefs d'accusation liés à la possession illégale d'arme à feu visant des mineurs – Québec
- 2017: 213
- 2018: 182
- 2019: 200
- 2020: 164
- 2021: 276
Source: DPCP
Chefs d'accusation liés à la possession illégale d'arme à feu visant des mineurs – Grand Montréal
- 2017: 128
- 2018: 104
- 2019: 115
- 2020: 113
- 2021: 196
Source: DPCP, pour les districts judiciaires de Montréal, Laval et Longueuil
Des jeunes armés et violents?
- Longueuil: 27 chefs d’accusation pour possession d’une arme, d’une imitation d’arme, d’un dispositif prohibé, de munitions ou de munitions prohibées dans un dessein dangereux pour une lourde peine. C’est un peu plus du double qu’en 2020.
- Laval: 50 chefs d’accusation d’agression armée ou infliction de lésions corporelles avec le port, l’usage ou la menace d’utiliser une arme ou une imitation d’arme en 2021. On en recensait 29 en 2020.
- Québec: 31 chefs d’accusation d’agression armée ou infliction de lésions corporelles avec le port, l’usage ou la menace d’utiliser une arme ou une imitation d’arme en 2021. Le bilan s’élevait à 15 en 2020.
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