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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Je ne voudrais pas avoir 20 ans aujourd’hui

NicoElNino - stock.adobe.com
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Photo portrait de Joseph Facal

Joseph Facal

5 avril
5 avril à 0h20
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Mes amis ont à peu près mon âge. Fin de la cinquantaine, début de la soixantaine.

Un thème revient souvent dans nos conversations: nous n’aimerions pas avoir 20 ans aujourd’hui.

Nous voyons le monde, je le concède, à travers les yeux d’Occidentaux éduqués, financièrement à l’aise, professionnellement comblés.

La vie a été bonne pour nous.

Hier

Je repense à ma jeunesse et à celle de mes amis.

Pendant les années 70, 80 et même 90, nous étions matériellement plus pauvres, mais notre jeunesse fut optimiste et confiante.

Il y avait davantage de repères solides et de clarté morale, même si j’ai aussi contesté mes aînés.

On ne sentait pas cette anxiété lourde d’aujourd’hui.

Le Québec bouillonnait, pétillait, avançait.

• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Nous étions convaincus que demain serait meilleur qu’aujourd’hui (et la musique était formidable).

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Nous avions moins d’options, mais plus d’élan.

Aujourd’hui, la plus grande puissance de la planète est aux mains d’un pyromane narcissique, qui évoque des empereurs romains déjantés, comme Néron ou Caligula.

Les contre-pouvoirs constitutionnels américains, si célébrés pendant mes études en science politique, conçus pour empêcher les dérives autoritaires, sont testés comme jamais.

Les médias, les universités plient devant Trump et embrassent sa bague.

Nos sociétés vieillissent. On fait peu d’enfants. Une partie des immigrants qu’on fait venir ne cache pas son rejet de nos valeurs et construit une société parallèle.

Tous nos gouvernements sont plombés par des dettes qui limitent radicalement leurs options.

Pendant un peu plus de 500 ans, depuis la Renaissance jusqu’au début du 21e siècle, l’Europe, puis l’Europe et les Américains ont dominé le monde.

Ils l’ont dominé économiquement, politiquement, militairement, scientifiquement, culturellement aussi dans la mesure où nous pensions que nos valeurs s’imposeraient dans le monde entier.

Quelles valeurs? Humanisme, universalisme, rationalité, esprit scientifique, égalité des droits, démocratie, libertés fondamentales, etc.

Avant la Renaissance, la Chine et le monde arabe étaient plus avancés que nous.

Aujourd’hui, on échappe difficilement au sentiment que nos 500 ans de grandeur achèvent, qu’ils auront été une sorte de parenthèse.

Les sociétés occidentales sont rongées par le doute, l’angoisse et la paralysie.

Elles sont attaquées de l’intérieur et de l’extérieur.

Déclin

À l’intérieur, voyez les progrès effarants de la censure, ces «progressistes» qui défendent l’obscurantisme religieux, la science expérimentale ravalée au rang de croyance parmi d’autres, la difficulté à débattre sans s’insulter, l’enfermement dans des chapelles idéologiques, l’absence croissante de valeurs partagées, l’ignorance et la vulgarité affichées de façon fière et décomplexée, le règne du «je-le-pense-donc-c’est-vrai», la difficulté à fournir des services publics corrects malgré le poids écrasant des impôts, etc.

À l’extérieur, les régimes autoritaires ne font plus l’effort de dissimuler leur nature.

Ils ne prétendent plus qu’ils cheminent, à leur rythme, vers l’adoption de nos valeurs.

Ils avancent désormais à visière levée.

Ils disent ouvertement qu’ils nous méprisent, qu’ils nous trouvent décadents, inefficaces, que notre heure est passée, qu’ils domineront le monde de demain.

Nous vivons le crépuscule de l’Occident.

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